HENRI FROMENT

Histoire de l'enseignement
à Bourron-Marlotte

Ecole
Salle de classe vers 1900

Avant-Propos
Un des plus grands titres de gloire de la 3ème République est d'avoir rendu l'enseignement primaire obligatoire, d'avoir couvert la France d'écoles gratuites et ouvertes à tous sans distinction de croyances, et d'avoir confié ces écoles à des maîtres passionnés, qui entraient dans l'enseignement comme on entre en religion et se sentaient vraiment chargés d'une mission dont ils avaient la plus haute idée, après des siècles d'insuffisance.

Ils furent, selon le mot fameux de Charles Péguy qui leur a consacré de bien belles pages, les hussards noirs de la République, à laquelle ils étaient totalement dévoués. L'auteur de ces lignes, ancien instituteur public, salue avec un affectueux respect ces modestes pionniers.

Les résultats de cette scolarisation furent spectaculaires. En peu de temps les statistiques sur les illettrés fondirent, et l'on vit se lever de nouvelles générations de jeunes hommes pourvus du glorieux Certificat d'Études, et mieux armés que ne l'étaient leurs pères pour faire leur place au soleil.

Est-ce à dire qu'avant ces années déterminantes de 1881-1887, rien de valable n'existait ? Pas du tout. Il faut reconnaître que de nombreuses initiatives avaient été prises pour développer l'enseignement primaire. Dans les campagnes, les petits villages oubliés des villes, de courageux efforts furent souvent consentis pour se doter d'une petite école; mais, jusqu'à Guizot* tout au moins, tout cela se faisait de façon hasardeuse et inégale.

* Loi Guizot sur l'Instruction, du 28 juin 1833.

Des origines à la Révolution
Notre Commune a marqué avec éclat, en juin 1982, le centenaire de la construction de l'école: kermesse, exposition, reconstitution d'une classe de l'époque et élèves en costumes du temps.

Pour le centième anniversaire de la première rentrée à la nouvelle école publique de Bourron et Marlotte à l'automne 1883, nous avons essayé de reconstituer l'histoire de l'enseignement dans la Commune, depuis le XVIIe siècle jusqu'à nos jours. Cette première partie de l'article concerne les plus anciennes données, de 1625 à 1880. Une seconde partie, à paraître au Bulletin suivant (N°14), traitera de l'enseignement à Bourron-Marlotte sur les cent dernières années. Cconstruction avec maître

Dans nos villages, il n'a rien existé en fait d'enseignement primaire pendant des siècles. Dans les villes du Moyen-Age, on trouve quelques écoles ouvertes dans les communautés religieuses. Le concile de Mâcon recommandait déjà, en 663 "que chaque prêtre ait avec lui un clerc qui puisse chanter et tenir l'école". Les rois Francs. avaient une école dans leurs "villas" (rappelez-vous Charlemagne et le groupe de bons et de mauvais élèves).

charlemagne
Beaucoup plus tard, au XVIIe siècle, l'enseignement dans les villes et les gros bourgs fut souvent confié au nouvel ordre des Frères de la Doctrine Chrétienne, que le bon peuple appelait "les frères quatre-bras", car les fausses manches voltigeantes de leur robe donnaient l'impression d'une seconde paire de bras. Mais chez nous, dans des villages pourtant déjà importants et près de villes déjà "culturelles" comme Fontainebleau et Nemours? On ne trouve rien en fait d'écoles pendant des siècles.

Au Moyen-Age les villageois sont totalement illettrés. Ce qu'ils savent concerne uniquement l'Histoire Sainte; ils y sont aidés par cette sorte d'enseignement par l'image que leur apporte l'ornementation des églises: chapiteaux, sculptures, peintures intérieures, et surtout les vitraux, qui sont les bandes dessinées de l'époque, mais encore faut-il que la paroisse soit assez riche pour s'offrir une église aussi ornée! Ce que le peuple doit savoir, il l'apprend au prône ou par avis à son de trompe; on ne tient pas, d'ailleurs, à ce qu'il en sache trop... Bien sûr, il y a de ci de là quelques tentatives philantropiques, quelques "écoles de charité", mais il n'existe aucune mesure générale pour mettre en place un enseignement élémentaire systématique.

Il faut attendre la fin du XVIe siècle et le début du XVIIe, en gros le règne d'Henri IV, pour voir enfin apparaître les fameuses petites escholes un peu partout en France, et même dans de modestes villages comme le nôtre.

Bourron a la sienne vers 1625, au moins. Elle est tenue par Etienne Chenoy, enfant du pays et clerc, qui sera par la suite vicaire à Bourron sous la houlette du curé Pontroÿs de 1630 à 1633. Il se peut même qu'elle ait été ouverte beaucoup plus tôt, car on trouve déjà quelques signatures malhabiles dans nos premiers registres paroissiaux, qui remontent à 1602.

Ces petites écoles sont sous la dépendance totale de l'Église. Le candidat-maître d'école doit être agréé par l'évêque et le curé, car le maître est tenu d'assurer un bon nombre de services paroissiaux. Cela va de l'enseignement de l'Histoire Sainte au balayage de l'église en passant par les sonneries de cloches!

Le maître est élu ou nommé par l'Assemblée générale des fidèles de la paroisse, au sortir de la grand-messe. Dans nos villages, à Bourron, à Grez, à Montigny, c'est souvent un homme du pays comme l'indiquent nos archives; mais c'est quelquefois aussi un "itinérant" qui va de village en village offrir ses services: on trouve comme cela quelques vétérans réformés de l'armée.

En d'autres endroits, un peu plus tard, le candidat ira à la "louée", avec une plume à son chapeau, pour essayer d'y trouver un engagement d'instituteur pour l'hiver, car l'été les gamins ont mieux à faire aux champs qu'à l'école. Il sait qu'il sera d'abord jugé sur son aptitude à bien chanter à l'église; le reste est bien secondaire.

Le maître d'école est, auprès du curé qui le tient en faible estime, un très mince personnage; sa fonction n'est même pas reconnue comme profession sur les rôles de la taille, ou impôt direct! Le plus clair de son revenu provient de la contribution de ses élèves, car l'école est payée par les parents, mais le taux est très faible et l'effectif tombe souvent à zéro quand on a besoin des enfants à la ferme. Ainsi, le revenu du maître d'école de Moisenay est estimé à 5 sols par jour; et encore est-ce un privilégié, car il possède en propre deux arpents de terre.

Hussards noirs
Aussi les maîtres doivent-ils exercer un autre métier, l'école ne constituant qu'une activité de complément. Celui de Bois-le-Roi est tisseur en toile et fait réciter les prières en lançant la navette. Le maître de Sucy-en-Brie est un heureux: il reçoit cinquante livres par an de la fabrique, qui est une sorte de conseil d'administration de la paroisse. Quelques-uns, grâce à des générosités de notables, donations et legs pieux, arrivent à vivre modestement de leur seul métier de maître d'école, mais le cas est rare. Bien entendu, il n'y a pas de salle de classe équipée: on s'entasse où l'on peut, dans la cuisine du maître, dans la grange ou dans l'église.

Quand le maître d'école est un Religieux, comme c'est le cas à Bourron en ces premiers temps, il souffre moins de ces misères, mais n' y trouve guère plus de profit; à cette époque, les curés et les vicaires des petites paroisses rurales ne sont pas beaucoup mieux lotis que leurs paroissiens.

A Montigny, la maître a bien de la chance: une école s'ouvre en 1651, grâce à la générosité d'un riche propriétaire parisien qui possède plusieurs maisons à Montigny, François Tholunet (ou Tholimet). François et sa femme désirent "pourvoir à la nécessité des pauvres enfants mâles et femelles du village et à leur instruction"; ils y consacrent 200 livres tournois de rente annuelle au denier vingt, soit un denier d'intrêt pour vingt deniers de capital, autrement dit 5%, ce qui correspond bel et bien à un capital de quatre mille livres! C'est une dotation magnifique. Ce capital représente la moitié de la taille que paie la ville de Melun cette même année 1651; c'aussi le prix d'un troupeau de cent vaches!

Cette rente est versée par quartiers, ou trimestre, au maître d'école ou au prêtre pour "montrer, apprendre et enseigner auxdits pauvres enfants mâles et femelles à lire, écrire, chanter à l'église à condition que quatre des plus capables des enfants mâles assistent à la conduite du Saint Sacrement dans les maisons des malades ou aux enterrements des pauvres nécessiteux". En outre, les donateurs offrent un logement avec salle d'école dans une de leurs maisons de Montigny.

Heureux enfants de Montigny, et heureux maîtres! Leurs collègues des environ ne sont pas si princièrement pourvus!

A Grez, le premier maître connu est Jean Meurier, installé le 13 février 1660. Son épouse est la fille de meunier du moulin de la Fosse, qui est au seigneur de Bourron. Trois ans après, il part enseigner à la Chapelle-la-Reine; son successeur René Pinçon reçoit 40 livres tournois de gages annuels de la main des marguilliers de la fabrique. C'est le prix d'une vache.

On connait la plupart des maîtres d'école successifs de Grez, grâce aux minutes notariales qui ont été conservées. Trois au moins d'entre eux devinrent notaires royaux, un autre se recycla comme cultivateur et un autre comme vigneron.

Quand les parents peuvent payer, ils paient peu, et mal. En ce début du XVlle siècle dans notre région, le tarif ordinaire par élève et par mois est de 6 sols pour apprendre à lire et 12 sols pour apprendre à écrire, mais la perception est difficile, la fréquentation est très mauvaise, on quitte l'école pendant des semaines et des mois pour les travaux des champs, et de la maison. Dans certaines paroisses, on ferme carrément l'école dès le printemps, et l'on remet le poste de maître d'école en compétition à l'entrée de l'hiver. Pourtant l'absence d'école régulière commence à être regrettée; car, dit un vieux texte gâtinais, "cela donne lieu aux enfants d'être libertins et pervers".

Cependant, malgré ces pauvres conditions, les écoles se multiplient pendant le XVIIe et le XVIIIe siècles en Brie et Gâtinais. Elles sont fort diverses dans leur fonctionnement et le recrutement du maître, pour lequel on ne se montre pas trop difficile pourvu qu'il soit bon clerc paroissial et qu'il ait une bonne voix pour chanter à l'office.

classe
Classe au début du XXe siècle

Quand même, les habitants de Moret et Saint-Mammès demandent en 1737 la révocation du maître comme incapable. Pourtant, il gagne cent livres par an, plus la rétribution qu'il touche de chacun de ses "escholliers", et il est exempt de taille et autres impositions; mais, depuis 20 ans qu'il enseignait, "il n'avait jamais pu rendre un eschollier capable d'aider père et mère soit dans les affaires domestiques soit dans la collecte et autres charges publiques..."

A la veille de la Révolution, les droits et les devoirs du maître d'école sont à peu près équivalents dans les villages d'ici. On ne les connaît pas exactement pour Bourron, mais on les connaît pour plusieurs paroisses proches comme Grez et Saint-Mammès: on peut penser que le maître de Bourron était soumis aux mêmes conditions.

A Saint-Mammès en 1787 le maître touche 200 livres annuelles de traitement fixe (la paroisse récupère ce traitement par une contribution annuelle de 24 sols par ménage en 4 versements égaux). En outre, il touche pour "l'écolage", par élève et par mois, 5 sols pour apprendre l'alphabet, 10 sols "au degré de lire couramment" et 15 sols pour accéder à l'écriture et au calcul: chiffres bien théoriques car la fréquentation est très irrégulière. De plus, il touche comme chantre 10 sols pour un enterrement d'enfant, 20 sols pour un enterrement de "grand corps", 10 sols pour les mariages, 10 sols par grand-messe et messe de requiem, 10 sols pour Vigiles et Laudes et 30 sols pour office canonial. A titre de comparaison, cette même année 1787-1788, un bon cheval coûte cent livres, une charrue vingt livres, et un bon ouvrier agricole gagne une livre par jour; une livre vaut 20 sols de 12 deniers chacun.

Mais le maître a de nombreuses obligations: sonner l'école à 8 heures jusqu'à 11 heures, et à 1 heure jusqu'à 4 heures, et faire marcher ses 3 divisions; faire le catéchisme le mercredi et le samedi soir, assister le desservant dans l'administration des Sacrements, chanter tous les offices ordinaires en dehors de ceux pour lesquels on l'a vu toucher une rétribution spéciale; mais on remarquera qu'il n'a plus à balayer ni entretenir l'église, ni à sonner les cloches!

Quant à la "maison d'école", elle est en général dans un état fort négligé. Ce n'est souvent qu'une grange ou même qu'une cave, ou la salle commune de la maison du maître, sa cuisine ou son atelier s'il est artisan. Il n'est pas rare que la classe ait lieu darns une étable: les animaux tiennent chaud. Les gravures du temps représentent souvent ces pauvres salles où l'on voit des enfants assis ou "gruchés" un peu partout, parmi les poules et les cochons. Parfois il y a une table: c'est un luxe.

Mais enfin, vaille que vaille, la population se scolarise peu à peu. Quand on feuillette les registres paroissiaux de Bourron dans les années qui précèdent 1789, on voit qu'un bon nombre de gens savent au moins signer leur nom, ce qui n'est déjà pas si mal.

Vient la Révolution
Le nouveau régime a des idées généreuses vis-à-vis de l'éducation du peuple, mais ses moyens ne sont pas à la hauteur de ses ambitions. La Constitution de 1791 a établi le principe de l'école publique et gratuite; mais les prêtres commencent à fuir, on ne trouve plus de mécènes, et tout le budget de la Nation va s'engloutir dans les guerres.

De plus, on trouve peu de maîtres qui puissent répondre au désir des législateurs, car on va bientôt leur demander d'enseigner le nouveau langage républicain, le nouveau calendrier, la nouvelle doctrine, à l'aide de nouveaux livres; et, dans nos campagnes, toutes ces nouveautés s'acclimatent mal. A Solers par exemple, le maître assure qu'il y perdrait tous ses élèves, et d'ailleurs il refuse carrément d'enseigner tout cela.

A Bourron, l'école est fermée jusqu'à 1810. A Saint-Mammès, elle reste fermée de 1792 à 1813. A Grez, elle ouvre ou ferme selon les circonstances. Le 28 pluviôse de l'an IV (16 février 1796) l'administration de Nemours est d'avis de rétablir une école à Grez "sur le pied de 1790", mais les choses paraissent en être restées là.

Plus tard, le district de Nemours informe la Commune de Grez qu'il ne peut donner que 27 livres pour l'instituteur. Le 22 fructidor an VIII, les habitants de Grez, rassemblés à l'église devenu le Temple Décadaire, reçoivent un nouvel instituteur et promettent de payer, pour chaque "feu" ou maison, un boisseau de blé-méteil et un franc, avec en plus un écolage de 6 sols pour la lecture, 10 pour la lecture et l'écriture et 15 pour y joindre le calcul. La maison d'école devait être, selon la loi, l'ancien presbytère, mais il avait été vendu comme bien nationaL..

Mais nous voilà déjà sous le Consulat, puis sous le Premier Empire. Si Napoléon 1er a fait beaucoup pour l'enseignement secondaire qui était à ses yeux une pépinière d'officiers et d'administrateurs, s'il a créé à Fontainebleau l'école militaire qui émigrera quelques années plus tard à Saint-Cyr, il s'est beaucoup moins préoccupé de l'enseignement primaire.

Frere ecole chretiennes
Un Frère des Écoles de la Doctrine chrétienne avec sa longue cape à manches,
son large chapeau et sa "barbette" blanche
Dans les villes, il l'a pratiquement confié aux Frères de la Doctrine Chrétienne; dans les campagnes, il a laissé les choses à l'initiative des Communes, qui font ce qu'elles peuvent pour satisfaire au profond désir d'instruction que ressent le peuple. C'est de la base que monte le mouvement, et partout l'on s'inquiète de rouvrir et développer les écoles.

A Bourron, en 1810, la nomination de Savinien Guiou ou Guyou comme instituteur été souvent citée. Elle est bien à sa place ici; je la reproduis telle qu'elle figure dans le premier registre des délibérations municipales qui soit conservé dans notre mairie, registre ouvert le 27 mars 1810:

"L'an mil huit cent dix le huit may, le Conseil Municipal de la Commune de Bourron rassemblé en la salle de la mairie dudit lieu; composé de Messieurs de Montgon, maire, Gillet, Poinsard, Jean Delaroche, Lebrun, Pierre Lebault, Savinien Guiou et Columeau, membres dudit conseil, à l'effet de délibérer sur les affaires qui intéressent la Commune...

(d'abord on règle les projets financiers, on examine les compte du percepteur, on rédige les budgets).

Puis:

"Ensuite a été faite lecture d'un mémoire du sieur Savinien Guiou, l'un des membres dudit conseil, par lequel il expose que vu le manque d'instituteur, il seroit dans l'intention de remplir cette place moyennant rétributions qu'il plairait au Conseil lui accorder, et, après s'être retiré:

"Le Conseil, considérant qu'il est utile d'avoir un instituteur dans la Commune pour l'éducation de la jeunesse; considérant que le sieur Guiou est suffisamment instruit pour remplir cette place et qu'il n'y a rien à dire sur ses vie et mœurs;

Monsieur le Maire entendu;

Délibère:

I° que ledit sieur Savinien Guiou sera reconnu comme instituteur de cette commune;

2° qu'il lui sera payé par les parents des enfants qui iront à son instruction, par mois savoir:

1° pour ceux depuis l'alphabet jusqu'à l'écriture: 50 centimes

2° pour ceux depuis l'écriture jusqu'à l'arithmétique: 75 centimes.

3° et pour ceux étant à l'arithmétique: un franc."

Cette question réglée, on passa à l'affaire suivante qui concernait le service des gardes-champêtres.

On remarquera que l'investiture du prêtre n'est plus nécessaire, et qu'il n'a pas été consulté, tout au moins officiellement; il n'assiste d'ailleurs pas au Conseil. Nous sommes sous l'Empire, au régime du Concordat qui marque nettement les limites du pouvoir religieux. Bien que le culte catholique soit rétabli, notre Guiou ne sera probablement que chantre, et, s' il enseigne le catéchisme, il ne manquera pas d'y glisser les nouveaux textes en faveur de l'Empereur et du régime impérial !

Bonnet d'ane
Debout sur un banc, un écolier coiffé d'un bonnet d'âne
subit les moqueries de ses petits camarades.
On remarque aussi que le Conseil n'a pas parlé du traitement fixe versé normalement par la Commune. Ledit Guiou aurait donc dû se contenter de l'écolage versé par les parents? C'est peu probable. Partout ailleurs à cette époque, l'usage était de verser au maître un salaire annuel, que la Commune rattrapait par une taxe sur chaque ménage, en général de 1 franc par an.

Cela dit, quel est le statut du nouveau maître d'école Guiou? Le Conseil ne le précise pas, mais il est certainement le même que dans les villages voisins.

A Grez, où le tarif d'écolage est le même qu'à Bourron, l'instituteur Métais, natif de Montigny, devra régulariser sa situation en se présentant dès que possible devant le "jury d'instruction" que lui indiquera le sous-préfet de Fontainebleau, pour y faire la preuve de ses capacités en produisant notamment quelques modèles d'écriture tracés de sa main, et justifier de ses bonnes mœurs. En outre, "il s'engage à assister à l'office divin pour y chanter avec les autres chantres". C'est tout ce qui lui est demandé pour ses obligations paroissiales.

De même son successeur Louis Columeau, natif de Bourron, nommé à Grez en 1813, ne sera tenu que "d'assister à l'office et chanter avec les autres chantres ou tout seul". De même encore, son successeur Louis Bonnet en 1815. Mais l'un et l'autre sont mieux payés qu'à Bourron: le tarif maximum monte à 1,50 et même à 2 francs! mais ce chiffre d'écolage si enviable ne tiendra que deux ans...

A Saint-Mammès, le maître d'école Pierre Morin, dans son école rouverte en 1813 ne verra jamais plus de 20 élèves sur les 120 enfants en âge de fréquenter l'école. Aussi est-il obligé pour vivre de faire un autre travail: il est à la fois charretier, boulanger, marchand de vins, et c'est encore lui qui fait fonctionner le bac sur la Seine!

La Restauration
Après l'Empire vient la Restauration, et c'est bien l'Ancien Régime qui est restauré... L'Église reprend entièrement son contrôle absolu de l'École, d'une façon qui semble encore plus étroite qu'avant 1789. Les maîtres d'école, qui n'étaient plus que chantres sous l'Empire, voient revenir leurs anciennes obligations de clercs paroissiaux, encore augmentées s'il se peut.

Ainsi en 1826, à Lorrez-le-Bocage (et à Bourron qui applique la même règle) le maître doit assister à tous les offices, dimanches et fêtes, et accompagner le prêtre partout où celui-ci aura besoin de ses services, de jour comme de nuit. Il doit fournir parmi ses élèves un servant de messe au moins, chaque jour. Bien entendu il est chantre, et il a le "gouvernement" de l'horloge de l'église.

Il est vrai que le traitement fixe du maître de Lorrez est monté à 300 francs en cette année 1826, mais il faut dire qu'il a tous les titres requis: car non seulement il a les certificats de moralité et l'approbation de l'Église au titre de clerc paroissial, mais encore il a le "Brevet" ! Eh oui... on commence à parler de diplômes pour l'enseignement primaire, et le maître de Lorrez est paré d'un "Brevet de Capacité de l'Académie de Paris" et d'une "Commission de l'Instruction Publique".

En effet, les ordonnances de Louis XVIII en 1816 avaient institué un Brevet de Capacitéqui comportait 3 degrés. Le 3e degré était accordé à ceux qui savaient simplement lire, écrire et compter; pour le second degré, il fallait prouver qu'on maîtrisait l'orthographe et le calcul; le premier degré n'était conféré qu'à ceux qui, en plus, avaient des notions d'arithmétique, de grammaire et d'arpentage. Mais ces données restèrent longtemps toutes théoriques. Beaucoup de maîtres n'auraient même pas pu décrocher le degré le plus bas, et il ne fallait pas se montrer trop difficile pour le recrutement, les candidats étant fort peu nombreux. Au surplus, on continuait à s'attacher d'abord au certificat de moralité, à l'agrément de l'Église, et aux talents du maître comme chantre et répétiteur de catéchisme.

Je pense que notre Savinien Guyou, volontaire pour tenir l'école de Bourron en 1810, ne voulut ou ne put soutenir les épreuves de ce Brevet. En 1816, il fut remplacé par Jacques Pelletier qui fut instituteur à Bourron de 1816 à 1823. Son frère Louis Pelletier, lui succéda de 1823 à 1852. L'un et l'autre passèrent certainement ce Brevet, car ils étaient officiellement arpenteurs.

Le neveu de Louis, Joseph-Firmin Pelletier, succède à son oncle de 1852 à 1877. C'est lui, Joseph, qui faillit bien être pris comme otage par les Prussiens en 1871 mais réussit de justesse à s'échapper. Saluons au passage cette belle dynastie d'instituteurs tenant l'école de Bourron pendant plus de 60 ans! Ajoutons que Joseph, sa carrière achevée, fut nommé délégué cantonal pour l'école de Bourron et connut une paisible retraite dans sa maison de famille de Bourron, et de son ancienne école.

Mais n'anticipons pas: nous en sommes à la Restauration, entre 1815 et 1830. Des ordonnances de Charles X confirment en 1828 celles de feu son frère Louis XVIII. Mais malgré ce début de codification et de mise en ordre au niveau de l'État, la situation se dégrade encore.

Guizot le fondateur de l'école publique

Guizot
François Guizot (1787-1874)
L'école en France a atteint un tel degré de négligence et de misère que Louis-Philippe, à son arrivée au pouvoir en 1830, se rend compte qu'il faut faire quelque chose: il charge son ministre Guizot de repenser toute la question de l'enseignement primaire. Guizot voit grand.

Il lance à travers toute la France cinq cents inspecteurs bénévoles, professeurs, avocats, médecins, avec mission d'enquêter sur l'état de l'école jusque dans le moindre village.

Les inspecteurs sont horrifiés; ils envoient des rapports catastrophiques au rapporteur Lorain, dont le compte-rendu de synthèse est un long catalogue de misère. Il faut avoir lu cela; c'est proprement incroyable.

Guizot réagit et c'est la fameuse loi Guizot de 1833, première véritable charte de notre enseignement, applicable enfin sur tout le territoire national, avec un pouvoir central compétent vers lequel on peut se tourner. Guizot impose à toutes les communes de plus de 500 habitants d'ouvrir une école dans un local convenable et de rétribuer décemment l'instituteur avec un minimum de 200 francs par an, quitte à percevoir une taxe auprès des habitants pour en couvrir les frais. Il régalurise les Brevets de Capacité et surtout il crée les Écoles Normales d'Instituteurs.

maitresse
Maîtresse d'école : la correction
La situation, bien que nettement améliorée, n'est pas toute rose encore. L'instituteur, même sorti de l'École Normale, doit lui-même solliciter une place et faire valoir ses talents. Il est toujours soumis à l'agrément ecclésiastique, et il est toujours inspecté par le curé (les premiers inspecteurs primaires ne seront nommés qu 1836-37); souvent encore il est chantre et sonneur, et il lui faut aller quêter son écolage de porte en porte. (Peu après, cette humiliation lui sera épargnée: la rétribution des familles sera versée au percepteur qui leur en donne quittance. Ce système fonctionna ainsi à Bourron jusqu'à l'instauration de la gratuité. Nous avons encore dans nos papiers de famille un reçu de ce genre, concernant l'écolage d'un aïlleul à Bourron).

Il arrive que les maîtres regimbent contre ces contraintes qui sentent par trop l'Ancien Régime. Ainsi, à Saint-Mammès, le maître nommé en 1835 refuse tout net de chanter à l'église et déclare "se réserver l'entière liberté d'aller ou de ne pas à l'église". Déclaration stupéfiante pour l'époque, et qui nécessitait un grand courage. Ce maître, M. Cordonnier, fut quand même nommé; c'était un des premiers sortis l'École Normale et il avait ses Brevets! Il fit à Saint-Mammès une très honorable carrière jusqu'à sa retraite.

Vers ces années 1835-36, le traitement annuel d'un instituteur peut atteindre 300 francs avec l'écolage et les divers suppléments éventuels, cela peut monter à 600 francs. A Saint-Mammès, le maître gagne en un mois ce que touche un marinier pour 3 voyages en bateau de Saint-Mammès à Paris. De plus, il doit instruire gratuitement les indigents. Les métiers de complément fleurissent donc toujours. Assez souvent le maître, dans nos régions, est aussi fossoyeur; rares sont ceux qui ont le courage refuser.

A Bourron, en ces mêmes années, l'écolage est resté au même tarif qu'autrefois comme le montre cette délibération du Conseil Municipal du 15 mai 1836, M. Poinsard étant maire. Je la transcris en respectant l'orthographe:

"...il a été arrêté que la rétribution mensuelle des enfants qui frécante l'école communal payé par les parent sera fixée comme elle l'était anciennement, savoir pour l'alphabethe 50 centimes, pour l'écriture 75 centimes, pour l'arithmétique 1 franc à comencé du premier juin 1836. "

"tertiau, il a été arrêté par les membres du conseil et les plus imposé (ces notables viennent de délibérer avec les conseillers) quil cerait vercé des fons disponibles qui reste entre les main du Maire une somme de soisante franc au sieur Zinnemann (ou Zinnemant ?) instituteur privé du hameau de Marlotte pour indemnité de son logement".

Ce texte nous apprend donc qu'il existait une école privée à Marlotte dans ce temps. Ce n'était pas l'asile, qui n'existait pas encore. Je n'ai pas trouvé d'autres détails sur cette école de Marlotte.

En 1840, la commune de Bourron acquiert en face de l'église, une maison certes modeste mais dont le toit allait abriter à la fois le presbytère, l'école et la mairie. La reconstruction de l'église, libéra la «maison d'école» de l'hébergement du presbytère, mais l'école y demeura jusqu'en 1883 et la mairie jusqu'en 1933.

Cependant les choses s'améliorent de plus en plus. La loi Falloux et d'autres textes aménagent l'enseignement, les inspecteurs primaires remplacent peu à peu les curés dans le contrôle de l'école. En 1834, le fameux certificat d'études est né, mais il ne sera vraiment institué qu'après la guerre de 70.

Le premier lauréat de Bourron est Anatole Maroteau en 1875. Il deviendra lui-même instituteur et sera maire de la Commune lors de sa retraite.

En 1850, il est fait obligation aux communes de plus de 800 habitants d'ouvrir une école de filles. La fréquentation scolaire augmente. Le nombre d'illettrés diminue: le pourcentage des conjoints qui n'ont pu signer leur acte de mariage était, à Bourron, de 82% avant 1789; il tombe à 60% en 1833 et à 6,04% à partir de 1877.

Et les filles? Eh bien, les filles ont leur école à Bourron depuis 1842. Elle est tenue par des Religieuses que l'abbé Oudin, curé de Bourron de 1840 à 1848, a fait venir en achetant pour elles la maison face à l'église, à côté de l'école de garçons et de la mairie, et qui est toujours la maison des Sœurs de nos jours.

Ces religieuses appartenaient à l'ordre des Sœurs des Écoles Chrétiennes, dont la maison-mère était à Saint-Sauveur le Vicomte dans la Manche. Il y avait en Seine-et-Marne 14 maisons de cet Ordre et 53 Sœurs, dont 5 à Bourron. Elles avaient vocation enseignante et hospitalière, faisaient la classe et donnaient des soins.

asile
Asile
L'école des filles de Bourron ne comprend d'abord qu'une classe, puis deux en 1850, en plus de l'Asile de Bourron. On sait que l'abbé Oudin avait fait de grosses dettes et que, lorsqu'il dut quitter précipitamment Bourron à la Révolution de 1848, l'école des Sœurs faillit bien être vendue faute d'avoir été entièrement payée. Le baron de Brandois, nouveau châtelain et mécène de la restauration de l'église, la racheta, puis la fit réparer et aménager pour contenir cette 2ème classe.

Chez les garçons, en cette période 1850-1870, l'instituteur est "communal" et pas encore fonctionnaire d'État. En 1867, l'écolage est passé à 1 f 50 par mois pour les garçons comme pour les filles, et l'instituteur touche mille francs par an. Il en est alloué autant pour la Sœur-Directrice des filles: bel exemple d'égalité des sexes, bien rare en ce temps! Chaque écolier doit apporter sa bûche quotidienne pour le chauffage.

On s'achemine peu à peu vers les grandes lois de la 3ème République: obligation, gratuité et laïcité.

Si l'école n'est pas encore gratuite pour tous, elle l'est déjà pour un certain nombre d'enfants "indigents" dont la liste est arrêtée chaque année par le Conseil Municipal. Elle n'est toujours pas obligatoire, mais la fréquentation s'améliore comme en témoignent les premiers registres d'appel conservés à Bourron. Ce n'est pas encore bien fameux; il faut aider aux champs, garder les petits frères et sœurs. Les temps sont durs: parmi les motifs d'absence, le "n'a pas de chaussures" est un douloureux rappel de la misère de certaines familles en ces années 1860-1870.

Mairie ecole
Ancienne Mairie-école de Bourron
Enfin l'école n'est pas encore laïque, mais c'est dans l'air. Chez les filles, c'est toujours l'enseignement religieux, mais, chez les garçons, le maître Pelletier n'est plus "clerc paroissial", et, comme la plupart de ses collègues, il ne fait plus le catéchisme. Le Corps Enseignant prend de plus en plus ses distances vis-à-vis de l'Église, et l'entrée en fonction du nouveau corps des inspecteurs primaires a bien marqué ce fait.

D'autre part, le monde et les esprits ont beaucoup évolué, surtout après 1870-71. La nécessité de l'instruction est vivement ressentie. L'instituteur devient notable; à Bourron, nous pouvons l'affirmer, M. Pelletier est fort respecté. De plus, l'opinion unanime est que "c'est l'instituteur prussien qui a gagné la guerre de 70" (car l'école était obligatoire et gratuite depuis longtemps en Prusse). Ce sera donc l'instituteur français qui gagnera la revanche, et on compte sur lui pour cela. Bientôt on verra les "bataillons scolaires" dont les fusils de bois existent toujours dans le grenier de notre école. Nous en reparlerons.

Nous voilà donc arrivés au terme de cette première partie, à la veille des grandes lois scolaires de 1881, 82 et 86. L'instituteur à Bourron est Léopold Jomat, sucesseur de Joseph Pelletier depuis 1877 et qui succombe sous le faix: 90 élèves s'entassent dans sa vieille classe insalubre. La création d'une nouvelle école s'impose d'autant plus que le hameau de Marlotte s'est beaucoup peuplé, et l'école de Bourron est bien loin pour les petites jambes marlottines.

Le Conseil Municipal ouvre en 1879 une enquête publique sur l'utilité de créer une école entre Bourron et Marlotte, plutôt qu'une à Bourron et une à Marlotte; et cela débouche sur la décision de la construire là où elle est toujours, entre les deux agglomérations. La nouvelle école ouvre ses portes à la rentrée de 1883; nous en reparlerons dans la seconde partie de cet article.

Et "l'Asile" dans tout cela? Le bon vieil "asile" de Marlotte, où tant d'entre nous ont été élèves, et qu'on a toujours appelé de son ancien nom d'asile, bien qu'il soit devenu officiellement "école maternelle" en 1881! Il doit bien entendu figurer dans cette étude, ainsi que l'asile de Bourron, moins connu parce qu'il était incorporé à l'école des Sœurs et non distinct comme l'asile de Marlotte.

Les "Salles d'asile pour la petite enfance" dites aussi "salles d'asiles publiques (car il en existe de privées), furent créées en Seine-et-Marne en 1833 par M. Saint Didier, préfet, à l'exemple de ce qui se pratiquait déjà depuis 1826 dans la Seine et le Bas-Rhin. Le préfet insista pour qu'il en soit créé partout dans le département, et donna l'exemple en parrainant ainsi que son épouse la première salle d'asile de Melun.

Ces "asiles" sont, à l'origine, destinés aux enfants pauvres de 2 à 6 ans et doivent être gratuits. Ils sont régis et inspectés par un comité de patronage composé du maire, du curé et de dames nommées par le préfet. Chose curieuse, des oppositions se manifestent dans le département. C'est, dit-on, un engouement et une mode destinés à pas durer, et on leur préfère les "maisons de sevrage" déjà existantes. L'épouse du préfet a bien du mal à vaincre ces réticences! Mais la cause doit être la bonne, puisque l'on finit par organiser ces asiles sur le plan national, par décret de 1855, et le haut-patronage en est confié à l'impératrice Eugénie.

Dès 1852, notre asile de Marlotte est ouverte, - au féminin car on dit couramment une asile dans le pays, - par les soins de l'abbé Pougeois et du Conseil Municipal, dans une maison qui appartient à l'abbé Marchand, personne notable de Marlotte, vicaire à la cathédrale de Meaux, qui la fait mettre en état et la loue à la Commune à usage d'école. Par la suite, la Commune la rachètera, et elle restera école maternelle jusqu'à une date récente. C'est l'actuel foyer communal du 160 rue du Général Leclerc où nous nous réunissons.

Il y a aussi un asile à Bourron, dans l'école des Sœurs, en plus des 2 classes de filles. Les salles d'asile de Marlotte et de Bourron sont confiées aux Sœurs. Celle de Bourron sera reconstruite au même endroit en 1870-71, et c'est même à l'occasion de ces travaux qu'on trouve des restes archéologiques importants qui font la joie de notre docteur Durand, de Bourron, mais que le curé Pougeois considère d'un oeil suspicieux, car cela sent sulfureusement l'âge de pierre et l'Anthropologie, doctrine impie que le curé a en horreur et détestation. Mais cela est une autre histoire...

A la veille des lois scolaires de 1881 à 1886, la situation à Bourron-Marlotte s'établit ainsi:

– pour les garçons: une seule classe à Bourron, face à l'église, tenue par M. Jomat, qui n'aura un adjoint qu'en 1882.

– pour les filles: 2 classes tenues par les Sœurs; école dirigée par sœur Emilienne, assistée de sœur Ildefonse et sœur Mathias.

– pour les moins de 6 ans, garçons et filles: une classe à Bourron et une à Marlotte, dites "asiles", tenues par les Sœurs.

Jules Ferry : L'enseignement laïc et gratuit

Ferry
Jules Ferry (1832-1893)
1881-1882 ! L'ancien régime scolaire bascule définitivement. La 3ème République, enfin consolidée et sûre d'elle après dix ans de luttes, réalise le vieux rêve de la Révolution de 89 et l'on voit naître les célèbres lois organiques qui rendent enfin l'enseignement gratuit (loi Ferry de 1881) puis obligatoire et laïque (loi Ferry de 1882, loi Goblet de 1886, loi de 1887).

La France se couvre d'écoles neuves où flotte le drapeau tricolore. L'école est étroitement associée à la vie civique; une ardeur nouvelle anime l'enseignement, surtout à partir de cette fameuse année 1882 où le Certificat d'Études est réorganisé, où l'on fête officiellement le 14 juillet avec la participation active des maîtres et des élèves, et où l'on entend les tambours et les clairons des "bataillons scolaires".

A Bourron-Marlotte, cette année est aussi celle du renouveau scolaire. C'est en 1882 que l'on construit la nouvelle école, là où elle est toujours, à l'emplacement symboliquement choisi entre Bourron et Marlotte. La commune a fêté avec faste, l'an dernier, le centenaire de cette construction. C'est aussi en 1882 que l'on crée enfin à Bourron un poste d'instituteur-adjoint, un "sous-maître" comme on disait alors. Le maître de ce temps, M. Jomat, est aux anges: il a une école neuve pourvue d'un mobilier renouvelé, un logement enfin convenable, et surtout un adjoint! Il va pouvoir souffler un peu: il avait 90 élèves pour lui tout seul. Et, comble de bonheur, il a 6 élèves reçus au Certificat d'Études cette année-là!

Garçons et filles quittent sans regret les vieux bâtiments du quartier de l'église. Les filles laissent la maison des Sœurs, qu'on avait dû maintes fois rafistoler. Les garçons abandonnent la vieille maison située face à l'église, maison qui avait été achetée par la commune en 1840 pour en faire à la fois une école avec logement, une mairie et un presbytère.

Son propriétaire, le marquis de Montgon, châtelain de Bourron en ce temps, l'avait vendue à la commune pour 17 000 francs, payables en 8 annuités. Elle cessa d'être presbytère assez rapidement (le presbytère a changé plusieurs fois de place dans les 2 derniers siècles), mais resta école jusqu'à la fin de l'année scolaire 1882-83, et demeura notre mairie jusqu'à 1933.

Les anciens locaux scolaires de cette maison furent aménagés peu après 1883 en logement pour le garde-champêtre, qui était aussi "concierge du poste des indigents". Il fallut y faire de gros frais, dont encore 500 francs en 1889, ce qui démontre assez l'état de délabrement atteint par cette pauvre école. On comprend la joie de tous à quitter "cette vieille masure aux plafonds bas et au carrelage vallonné" comme l'écrit en 1888 M. Lenoble, successeur de M. Jomat.

Cela dit, la commune de Bourron n'avait pas attendu ce grand mouvement national pour aller de l'avant. Il faut dire à son honneur qu'au cours de ce 19ème siècle, elle avait fait loyalement tout ce qu'elle avait pu pour assurer l'enseignement aux garçons et aux filles. Nous en avons donné maint exemple dans la première partie de cet article. Cette attitude résolument favorable à l'école devait continuer à se manifester. La meilleure preuve en est la décision de construire une nouvelle école bien avant 1881, puis nous trouvons les premières démarches en ce sens dès 1868, et que l'enquête préalable fut lancée en 1879.

Quant aux lois fondamentales de 1881, 82 et 86 sur la gratuité, l'obligation et la laïcité, elles étaient pratiquement observées chez nous avant même d'avoir été votées.

Ainsi, la gratuité totale de l'école avait été instituée par le Conseil municipal de Bourron en 1878. On voit apparaître l'expression "gratuité absolue" pour tous les élèves dans le registre matricule de 1878. Si l'instituteur y totalise encore les 1F50 par élève et par mois que l'on payait jusque-là, c'est pour que la mairie établisse la somme qui constituera la partie variable de son traitement, calculée en fonction de la fréquentation. Encore cette estimation devient-elle forfaitaire dès l'année suivante 1879, où l'instituteur Jomat porte dans son registre la mention "traitement fixe et unique: 1400 F". Voilà bien encore un signe de "modernité" où la commune se montre en avance sur son temps!

Classe de filles
Élèves de l'école des filles de Bourron-Marlotte en 1905
Voir détail dans le Bulletin ABM N°14 de 1983)
Notons que les instituteurs étaient encore payés par la commune. Ce n'est qu'en 1889, par la seconde loi GabIet, qu'ils deviennent fonctionnaires entièrement payés par l'État, avec traitement fixe et établissement d'un système d'échelons selon l'ancienneté.

De même, l'obligation voulue par la loi de 1882 était déjà presque réalisée à Bourron, où la fréquentation était très honorable si l'on en juge par le nombre écrasant de 90 élèves fréquentant l'unique classe de garçons de M. Jomat en 1882, pour une population de 1100 habitants à peu près. Les chiffres sont cependant un peu moindres pour filles.

Enfin, la laïcité existait déjà dans les faits à Bourron avant l'application de la loi. L'école n'était pas absolument laïque, le crucifix ne fut décroché qu'en 1882 chez les garçons, et il y eut jusqu'à cette date une colonne "instruction morale et religieuse" dans les registres d'appel qui servaient aussi de relevés de notes; mais le maître semble bien avoir déjà été dispensé des multiples fonctions qui avaient si lourdement pesé sur les épaules de ses prédécesseurs, comme on l'a vu dans le précédent article. Je pense qu'il n'était probablement même plus chantre.

La nouvelle école
à mi-chemin entre Bourron et Marlotte


Là encore, la commune continuait d'être à la pointe et tenait à se construire une belle école. Cela est méritoire: il faut se souvenir que, malgré les subventions officielles, la commune devait encore engager de fortes dépenses sur un budget très modeste et encore mal relevé des énormes contributions de guerre et réquisitions dues à l'occupation allemande de 1870-71.

Et pourtant, cela fut fait rapidement: commencée en juillet 1882, l'école était entièrement terminée et meublée pour la rentrée de 1883.

chemin de l'ecole
Écoliers devant leur nouvelle école

Cela fut fait aussi sans lésiner: quatre belles salles de classe, parquetées s'il vous plaît, avec de hautes fenêtres; longs préaux; beaux logements pour les directeurs (5 pièces dont 2 "à feu". les adjoints devaient se contenter de 2 pièces dont une "à feu" !) ; grandes cours avec chacune leur pompe sur puits mitoyen, jardin fermé de grilles sur la rue, jardin derrière pour les maîtres.

Voici d'ailleurs la "fiche technique" donnée par M. Lenoble en 1888 dans sa monographie de Bourron:

"Elle comprend, pour chaque sexe, 2 classes d'une hauteur de 4 mètres et d'une superficie moyenne de 60 mètres carrés, un vestiaire, une cave, une cour de 435 mètres carrés, un préau couvert de 71 mètres carrés, un bûcher, une buanderie, un jardin de 5 ares 25 centiares". Et encore a-t-il oublié le passage couvert qui joignait les classes au préau, les très beaux greniers... et les "commodités" : 3 cabinets et 3 urinoirs côté garçons !

Voulez-vous des chiffres plus précis? selon l'inventaire-statistique de 1888, côté garçons, la cour mesurait exactement 21 mètres sur 20,73 ; le préau, 14 mètres 33 sur 5 mètres; l'une des classes 8 mètres sur 7,70 et l'autre 10 mètres sur 6 ; inégalité due surtout à la présence d'un vestiaire intérieur qui courait sur toute la longueur d'une des salles.

C'est à peu de choses près, l'école que nous avons connue comme élèves jusqu'à la dernière guerre et même après. Seul le vestiaire a été réduit au petit vestibule qui existe toujours. Puis sont venues les modifications dues à l'érection du Monument aux Morts entre les deux écoles, puis à la construction de la nouvelle mairie en 1933-34, ce qui entraîna la disparition des grilles et des murs latéraux: puis enfin, dans les années 50, on fit une redistribution complète du fait de la construction de nouvelles classes. Mais un ééolier de 1883, revenant dans sa classe cent ans plus tard, s'y reconnaîtrait encore assez bien !

Bien entendu, toute la construction était strictement divisée en deux par le milieu, pour bien délimiter le côté garçons et le côté filles, parfaitement distincts l'un de l'autre avec entrées aux deux pôles opposés et mur séparant les deux cours.

A l'époque, on craignait comme la peste le mélange des deux sexes sur les bancs de l'école; on peut lire dans une délibération du Conseil municipal, peu d'années avant, que la réunion des deux sexes "rendrait pires les conditions de l'enseignement dans la commune".

Cela nous paraît bien dépassé maintenant; d'autant plus que, même en ce temps, cette séparation n'existait pas dans les classes uniques des petites localités, ni non plus dans nos "asiles" ou maternelles de Bourron et de Marlotte.

Cette volonté de séparation a survécu très longtemps, et il n'y a que peu d'années qu'elle n'est plus observée systématiquement, à Bourron comme ailleurs. Quand j'étais élève à Bourron, l'année du Certif en 1931, nous allions en mai-juin faire quelques épreuves préparatoires au Certificat avec les filles, dans leur classe, après 4 heures. Mais attention! seuls se réunissaient les 5 garçons et les 5 filles candidats au Certif ! Cela était considéré comme une nouveauté hardie, un peu osée mais justifiée par l'intérêt de la chose; et d'ailleurs, pendant que la directrice des filles, Mlle Alliat, faisait la dictée, notre maître, M. Rivière, patrouillait dans les allées, l'œil suspicieux et le sourcil en bataille. On vit même quelques séances de chant en commun, autour de l'harmonium de Mme Rivière !

Cette ségrégation s'est étendue au Corps enseignant lui-même, jusqu'à une époque très récente. Le temps n'est pas si loin où l'on ne tolérait comme institutrice dans l'école de garçons que l'épouse du directeur, et seulement à condition d'y tenir le cours préparatoire! Il a fallu les bouleversements de la guerre 14-18 pour voir apparaître à Bourron les premières adjointes dans l'école des garçons.

Dans ce nouveau "palais scolaire", comme on disait alors à propos des belles écoles neuves fleurissant partout en France, on ne lésina pas non plus pour le matériel. M. Jomat d'un côté, Sœur Mathias de l'autre (l'école de filles ne sera laïcisée qu'en 1902) ont abandonné sans regret leurs vieilles tables longues, toutes boîteuses, qui recevaient chacune dix élèves. On leur a donné de belles tables inclinées à deux places avec bancs attenants: 50 pour les garçons, 40 pour les filles.

L'inventaire de 1886 comptait déjà, rien que pour la classe du directeur des garçons, 3 tableaux noirs, une bibliothèque, un bureau (l'estrade viendra plus tard), une mappemonde, 5 cartes murales, un tableau de système métrique, une chaîne d'arpenteur, une balance Roberval avec poids de laiton et de fonte, les séries complètes de mesures de capacité en étain, fer-blanc et bois, un mètre plat, deux décimètres cubes dont l'un avec une face de verre, etc. D'année en année, ce matériel sera enrichi, sans oublier la bibliothèque qui compte, en 1888, 175 livres "destinés aux familles" en plus des 370 manuels de classe.

N'oublions pas, dans cet inventaire de 1886, les 21 fusils du "bataillon scolaire". Ce sont des fusils de bois pour l'exercice, mais il y a dans le nombre 3 vrais fusils de tir système Gras. Nous reviendrons sur cette affaire des bataillons scolaires.

L'école de filles est équipée de la même façon, sauf les fusils évidemment mais avec tout le nécessaire pour les travaux d'aiguille.

Bien entendu, figurent en bonne place le buste de la République et la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789.

Cette mansuétude de la commune à l'égard de l'école et de ses maîtres ne se dément pas dans les années qui suivent. Chaque année, le Conseil municipal achète, complète, subventionne. En voici quelques exemples: Les cours d'Adultes, lancés en 1868 puis abandonnés, sont repris pour les garçons, puis pour les filles après la laïcisation. L'instituteur, qui fait ce cours chaque soir de 7 heures à 9 heures pendant les mois d'hiver, reçoit une indemnité plus une allocation forfaitaire de 50 francs par an pour l'éclairage, avec achat de pétrole et de chiffons pour l'entretien des lampes, dont il s'occupe lui-même. La commune paie le chauffage.

On vote chaque année un crédit de 120 francs environ pour l'achat de livres et papeterie offerts aux élèves indigents, car les fournitures sont encore à la charge des élèves jusqu'à l'année 1904 où la commune décide d'assurer gratuitement les fournitures scolaires à tous les élèves sans distinction. Ça, c'est nouveau, et important! Car c'est bien loin d'être le cas partout et il faudra bien des années pour que cet usage se répande en France. Quand je vous disais que notre commune était à la pointe!

Ce n'est pas tout: chaque année, le Conseil accorde une subvention à la Société de Secours Mutuels des Instituteurs, à l'Orphelinat Départemental de l'Enseignement Primaire, à la Mutualité scolaire Cantonale et à la Bibliothèque Pédagogique du canton de Nemours "pour l'achat de vues pour projections lumineuses qui circuleront tour à tour dans les écoles du canton"; car, tenez-vous bien, l'école de Bourron a son appareil de projections, acheté vers 1890 ! L'écran ne sera acheté qu'en 1898.

L'achat de charbon et de bois pour le chauffage est toujours voté sans discussion, et ce n'est pas mince: il faut chaque année pour le groupe scolaire, sans compter les "Asiles", environ 150 hectolitres de coke et 2200 kilos de charbon, plus quelques stères de bois et bourrées; cela représente 403 francs 75 en 1891.

On vota même en 1889 une somme de 60 francs pour l'achat d'agrès de gymnastique! Cette somme mirifique n'ayant pas été entièrement dépensée, le Conseil décida d'affecter le reste à l'achat d'un second tambour et de deux clairons pour le bataillon scolaire!

La bibliothèque scolaire est également complétée, en général avec un crédit annuel de 25 francs, ou davantage si le maître le demande, car les livres circulent de plus en plus dans les familles. De généreux donateurs ajoutent régulièrement leur contribution: le comte de Montesquiou et le baron de Niedermeyer offrent ponctuellement chaque année, soit des livres, soit une somme de 25 à 50 francs pour en acheter.

Les travaux nécessaires à l'entretien de l'école sont également menés, parfois avec une sage lenteur, mais enfin tout finit par être fait: agrandissement de la porte du préau des filles, achat de terrain pour l'élargissement des chemins d'accès aux écoles, réfection entière des peintures en 1898-99, y compris "la peinture des tableaux noirs et des filets desdits tableaux suivant les indications des maîtres", logements repeints en 1903, etc.

On vote régulièrement le crédit annuel d'achat des jouets pour la tombola des écoles en fin d'année scolaire. Les maîtres vont acheter tout cela à Paris et reçoivent 10 francs de frais de déplacement; l'instituteur-adjoint reçoit, comme le garde-champêtre, 6 francs pour s'occuper du tir du 14 juillet (ce qui ne va pas sans risques... en 1891, le garde-champêtre Deslandes reçut dans la cuisse gauche une balle de carabine Flobert tirée par un maladroit).

Il y a en plus les grosses dépenses pour l'aménagement de la maternelle de Marlotte. Nous y reviendrons au chapitre suivant.

On peut noter aussi la bonne disposition des Conseils municipaux successifs à l'égard des maîtres et maîtresses, qui, sont, il est vrai, d'un total dévouement et sont d'ailleurs infiniment respectés et estimés. Presque tous sont originaires de la région, souvent d'ascendance paysanne; ils comprennent les problèmes du village; ce sont des hommes de bon conseil et ils ne refusent jamais d'écrire une requête ou de rédiger un acte sous-seing-privé.

Aussi, même après que l'Etat ait pris en charge le traitement des maîtres en 1889, la commune continue à leur voter régulièrement une subvention supplémentaire qui est au départ de 200 francs pour les directeurs et de 100 francs pour les adjoints: large aubaine pour ces derniers, qui ne gagnent même pas 70 francs par mois.

M. Lenoble, directeur de 1886 à 1896, a même droit à une allocation annuelle de 100 francs pour "Brevet complet" car il est sorti de l'École Normale de Melun. L'instituteur est également secrétaire de mairie (500 francs par an à Bourron) et touche son indemnité pour les Cours d'Adultes (120 francs plus 50 francs pour l'entretien des lampes et l'achat du pétrole). Cela finit par faire un traitement honorable, mais quel labeur et quelles journées! D'autant plus qu'il n'y a guère de vacances: pas de congés de Noël ni de Pâques, un mois de grandes vacances et seulement à partir de 1876. S'il y a eu quelques congés en 1870, ce fut pour cause "d'invasion prussienne" ainsi qu'il est noté au registre d'appel.

Nous voilà donc pourvus, dès cette rentrée 1883, d'une belle école fort bien équipée. Fut-elle inaugurée? Très certainement: il ne fallait pas manquer cette occasion de manifestation républicaine. Cela est d'ailleurs annoncé à grand fracas dans le journal "l'Union Républicaine de Fontainebleau", organe farouchement républicain qui soutient à fond l'école publique, dans son numéro du 29 décembre 1883. (Bien entendu, L'Abeille de Fontainebleau, journal ultra-conservateur qui n'avait que des sarcasmes pour l'école laïque, n'en toucha pas un mot!) - mais je n'ai pas trouvé trace de cette inauguration ni dans la presse de ce temps ni dans les archives locales.

Dans cette école toute neuve, à l'ombre du buste de Marianne et sous la tutelle des nouvelles lois, comment vivait-on en ces années 1883-1914 ?

Les élèves sont nombreux. Pour les garçons, les statistiques donnent 109 élèves ayant réellement fréquenté l'école en 1883, 119 en 1884, 107 en 1885, etc. Les chiffres sont un peu plus faibles pour les filles: 79 en 1883 toujours entre 78 et 80 de 1882 à 1889, sans compter les "Asiles" mixtes de Bourron et de Marlotte. La fréquentation est assez satisfaisante. Chaque année, le Conseil municipal, sur le vu des registres d'appel constate rituellement "que les absences scolaires sont dues aux maladies ou au mauvais temps, qu'il n'y a aucune mauvaise volonté de la part des parents, et qu'en conséquence il n'y a pas lieu de faire application de la loi du 28 mars 1882" (c'est la loi qui établissait l'obligation, avec sanctions prévues pour les contrevenants).

En fait, la réalité est moins optimiste; je croirais volontiers que le Conseil ne tient guère à entamer des procédures de poursuite, et que, par cette belle formule, il se couvre vis-à-vis du sous-préfet qui lit les procès-verbaux de séances. Les absences non légales sont encore nombreuses. On a souvent besoin de l'enfant aux champs ou à la maison.

Dans les registres d'appel de notre école pour cette période, on lit: "travaille aux champs, au bois... garde les animaux aux champs... travaille à la maison... garde son frère, sa sœur... ramasse du bois mort.. vendange... retenu par sa mère... employé au repiquage des plants (à cette époque, les pépinières sont très importantes dans le pays)... pas de chaussures... indifférence... négligence des parents... pas de motif..." etc.

Malgré tout, les statistiques ne sont pas si mauvaises et les appréciations sur les élèves, dans les registres matricules, témoignent d'un réel désir de s'instruire. Il faut comprendre aussi que, dans bien des familles qui travaillent durement la terre, les bras des enfants sont souvent nécessaires et que c'est par nécessité, plutôt que par négligence, que les enfants sont retenus à la maison.

La journée débute par l'inspection des mains, souvent aussi des oreilles et des cheveux, car l'hygiène laisse bien à désirer en général. Les maîtres se font les champions de la propreté, comme ils sont aussi les avocats de la Mutualité, de l'Épargne, de l'anti-alcoolisme, du progrès.

La Caisse d'Épargne scolaire, fondée en 1879 à Bourron, connaît un vigoureux essor. La plupart des élèves font des dépôts sur un petit livret spécial, et 16 élèves ont le "grand livret" de la Caisse d'Épargne. Les sommes placées par les élèves atteignent 608 francs en 1888.

Quant à la lutte contre l'alcool, elle est énergiquement menée. C'est l'époque où sévit la maléfique absinthe. Dans les classes on accroche d'horribles tableaux, dont nous avons tous gardé le souvenir. On y voit, côte-à-côte, le foie d'un non-buveur, organe frais et rose à croquer, et le foie d'un alcoolique, masse boursouflée et pustuleuse aux couleurs vomitives. On voit aussi des cœurs envahis de graisse, des poumons semblables à de vieilles éponges hors d'usage, des reins verdâtres aux allures de monstrueux haricots charançonnés. Que sont devenues ces images super-réalistes? elles n'ont pas été retrouvées dans nos archives scolaires.

alcool ennemi

Nos maîtres de ce temps furent les combattants valeureux de ces bonnes causes. M. Lenoble, instituteur de 1886 à 1896, s'était fait en outre une spécialité de l'enseignement agricole et horticole: dans son jardin, où prospéraient 119 pieds de vigne sans parler des autres arbres fruitiers, il initiait ses élèves aux mystères de la taille et de la greffe.

Il en reçut plusieurs médailles d'argent ou de vermeil aux comices agricoles et expositions horticoles de la région. Mais il eut aussi une médaille d'argent pour sa propagande en faveur de la Caisse Nationale des Retraites pour la vieillesse; et encore - récompense dont il n'était pas peu fier - une médaille d'argent grand module pour ses cahiers d'élèves à l'exposition départementale de 1887 ! C'est que, à l'époque, on s'attachait à la calligraphie: l'écriture de la moindre liste rédigée par les maîtres est d'une élégance parfaite.

M. Duquesne, que beaucoup d'entre nous ont bien connu puisqu'il arriva ici en 1912, s'était voué à ce qu'on appelle maintenant le périscolaire et le post -scolaire: cours d'Adultes, Mutualités, enseignement anti-alcoolique, œuvres complémentaires de l'école, pupilles de l'École Publique. Une bonne dizaine de diplômes et mentions sont venus récompenser, bien modestement, l'immense travail en ce domaine de cet homme de bien.

Chez les filles, à partir de la laïcisation, Mlle Decogné organisa dans sa classe une préparation au Brevet pour quelques grandes, et entreprit toutes sortes de choses avec d'autant plus de courage qu'elle se savait déjà très menacée par la maladie; elle dut entrer au sanatorium, où elle mourut en 1910.

Les maîtres de ce temps ont, avant tout, le souci de faire de leurs élèves de bons citoyens, armés d'un solide bagage de connaissances parfaitement acquises; et pour cela il faut travailler encore et toujours, écrire beaucoup, chanter inlassablement les tables de multiplication, couvrir les ardoises d'opérations, cultiver le calcul mental, exercer sa mémoire en toute occasion. Le maître-mot, c'est "s'appliquer".

Le but suprême, c'est le sacro-saint Certificat d'Études, déjà existant mais réorganisé en 1882 et qui devient le véritable diplôme de fin d'études primaires, quasi-indispensable pour faire son bout de chemin dans la vie.

Aussi, que ne ferait-on pas pour décrocher son certif ! Chaque soir, dès que les maîtres sont délivrés des Cours d'Adultes d'hiver et même avant, c'est le forcing: dictées et redictées, problèmes, calcul mental. Tout le monde, maîtres et élèves, fait des heures supplémentaires sans rechigner, et souvent même le jeudi matin quand la date fatidique approche.

C'est que non seulement on veut réussir son certif, mais encore on veut être bien classé, et chaque maître ambitionne d'avoir son premier du canton! Et c'est bien ce qui arrive plusieurs fois à Bourron. Les recalés sont écrasés de honte ("si tu n'as pas le certificat, tu ne pourras être ni facteur ni cantonnier") et il arrive que l'on redouble sa dernière année, hors de toute obligation, pour avoir enfin ce glorieux diplôme. Les heureux élus fêtent cela comme les conscrits fêtent leur "Bon pour le service".

Notre député, maître Fernand Labori, prestigieux défenseur de Zola dans le fameux procès de "J'accuse", offre des médailles gravées à leur nom aux lauréats du certif. Quelques dames âgées du pays conservent encore cette médaille. Dans les maisons, il n'est pas rare de voir le diplôme soigneusement encadré et accroché au mur. Les parents montrent ainsi le sentiment, combien respectable, d'avoir donné à leur enfant la chance que bien souvent ils n'avaient pas eue eux-mêmes, avec ce modeste mais premier signe de réussite sociale.

Les enfants participent aussi à des concours cantonaux où les meilleurs élèves de chaque école sont mis en compétition. Les noms des lauréats sont glorieusement publiés dans la presse régionale. En 1889 par exemple, beau palmarès à Bourron avec Charles Guillory (2ème prix) Eugène Cajon (4ème prix, et qui fut aussi reçu 2ème du canton au C.E.P., cette même année) Émile Bardou, Edmond Nolleau, Charles Frichet et Charles Monier.

L'enseignement de la morale et de l'instruction civique tient une grande place. Les maîtres sont de fervents républicains, et rien n'est négligé pour donner aux enfants le culte des institutions et des devoirs civiques. Mais le maître de ces années d'avant 14 veut aussi faire de ses garçons de futurs soldats. Le fameux tu seras soldat voisine avec le non moins célèbre tu seras citoyen, et, avec la morale et l'instruction civique, on cultive une véritable mystique patriotique toute nourrie de "la revanche". Paul Bert, un des pères de l'école laïque, proclame que et les manuels scolaires sont tout imprégnés de cette idée.

Cet embrigadement, ce "chauffage" finissaient par atteindre un paroxysme dont nous n'avons qu'une faible idée aujourd'hui; mais il faut, pour le comprendre, se replacer dans l'esprit de l'époque. On vient de connaître une cruelle défaite en 1870-71. On se relève difficilement de l'occupation prussienne. On ne peut se consoler de la perte de l'Alsace et de la Lorraine, qui figurent en noir ou en violet, couleurs de deuil, sur les cartes de France.

On souhaite donc venger cet affront, retrouver les provinces perdues. A l'école, on se nourrit des exploits des combattants de 70 ou des héros des nouvelles guerres coloniales, on récite ou on chante les textes de Déroulède (le Clairon... le Turco...) ou de Claude Augé, on se passe les dessins de Hansi, on chante en chœur :

"Où t'en vas-tu, soldat de France,
Tout équipé, prêt au combat,
Où t'en vas-tu, plein d'espérance ?"

Les enfants d'aujourd'hui sont les soldats de demain; il faut donc les y préparer dès le jeune âge. D'où la création de ces fameux "bataillons scolaires" en 1882, bataillons qui prirent vite une importance nationale.
Fournitures militaires
Maison GODILLOT Fournitures militaires
Les bataillons scolaires étaient une sorte de préparation militaire élémentaire, une préparation gymnique aussi. Les écoliers, organisés en escouades et sections, portaient quelquefois une vareuse d'allure militaire, ou tout au moins un béret marin, coiffure très en vogue à l'époque. Ils faisaient de la gymnastique d'ensemble et de l'école du soldat, armés de fusils de bois à culasse et canon de fer, manœuvrant au commandement comme de vrais troupiers.

Leurs instructeurs étaient parfois leurs propres maîtres, mais plus généralement des sapeurs-pompiers, des gendarmes en retraite, d'anciens sous-officiers ou quelquefois des sous-officiers d'active détachés par l'armée.

Ces fonctions étaient prises tellement au sérieux qu'elles finissaient par monter à la tête des instructeurs, qui se faisaient faire de belles tenues avec des galons de lieutenant ou de sous-lieutenant, ce qui risquait de leur donner indûment le pas sur les vrais officiers ou sous-officiers d'active dans les cérémonies officielles. Une circulaire du ministre de la Guerre mit bon ordre à la chose en 1883 : des uniformes si vous y tenez, mais défense d'y arborer les signes distinctifs de la vraie hiérarchie militaire !

***Les écoles avec les anciennes grilles et les murs. Les marronniers sont toujours là.***

Cette même année 1883, à la demande générale, le ministre autorisa la fabrication d'épées-baïonnettes pour les fusils scolaires, à condition que la pointe fût complètement arrondie.

Le grand fournisseur de fusils scolaires était la maison Godillot, spécialiste d'équipements et effets militaires, d'où le nom de godillots rapidement donné aux nouveaux brodequins militaires fournis par cette maison.

Les journaux de l'époque font paraître des publicités alléchantes pour ces tenues et ces fameux fusils (2 F 50 pour le modèle simple).

Fournitures militaires
Maison GODILLOT: Fusils scolaires
A Bourron-Marlotte, ce bataillon scolaire a existé: il était fort de 30 "hommes" sous les armes, puisque, en plus des 21 fusils de l'inventaire de 1886, 9 autres furent achetés en 1888. Quelques-uns de ces fusils sont encore conservés dans nos greniers scolaires; ils figuraient à la remarquable exposition organisée [en 1982] pour le centenaire de notre école. On était allé chercher les premiers fusils à l'Inspection Académique de Melun en 1882, l'école de Bourron figurant parmi les heureux destinataires. Mais je n'ai pu retrouver le nom des instructeurs de notre troupe scolaire.

Les bataillons scolaires étaient de toutes les fêtes civiques. Ils défilaient avec leurs tambours et clairons, après quoi ils faisaient une démonstration de mouvement d'ensemble. Le 14 juillet était leur jour de gloire: on leur remettait solennellement leur drapeau, on leur tenait des discours patriotiques, et pour finir on leur offrait un solide goûter. L'Union Républicaine de Fontainebleau cite de nombreux exemples de cette participation dans notre coin. Et l'on chantait :

"Cher écolier, quand, au soir de la classe
A ton fusil tu cours avec orgueil
Revois toujours la Lorraine et l'Alsace
Ce coin de France à la couleur de deuil...".

Par la suite, cet enthousiasme se refroidit un peu. A Bourron, les fusils figuraient encore à l'inventaire de 1896 mais ne reparaissent plus dans les inventaires suivants.

Mais il ne faut pas croire qu'on ne faisait que jouer au soldat et bûcher le certif. Les maîtres veillaient à élargir l'horizon de leurs enfants, leur faisaient connaître les progrès de la science, les nouvelles inventions et techniques, les pays lointains et simplement la France.

Les deux livres les plus demandés de la bibliothèque scolaire en cette fin de siècle sont, à Bourron, "Le Robinson des Sables du Désert" et "les Colons du Rivage". Bien entendu, le livre de base en lecture suivie est le très célèbre "Tour de France par deux enfants" qui est en usage à Bourron même dans la petite classe. Il voisine avec les manuels de lecture et morceaux choisis "Le petit Français", "les principales inventions", "l'élève soldat", "la France".

Tour de France
Tour de France de deux enfants

Un peu plus tard apparaît un livre appelé à devenir aussi célèbre que le "Tour de France" : c'est "Grands Cœurs" qui fera une très longue carrière. Qui de nous n'a pas écrit en dictée ou récité le fameux "mon ami Garrone"  : ... "Plus je le connais et plus je l'aime...".

Pour les autres manuels, on s'en tient chez nous aux classiques éprouvés: la grammaire Larive et Fleury, l'arithmétique Leyssenne ou Chaumeil, l'histoire d'Ernest Lavisse, la géographie Foncin.

Côté Sciences, on est bien pourvu: le livre de sciences physiques et agricoles de Paul Bert, le livre de sciences de Dupuy, l'hygiène en dix leçons du docteur Félix Pécaut, le "catéchisme agricole" de Michel Greff, le manuel d'agriculture de Pavette.

Pour les petits, on a le matériel Regimbeau ou les livrets Cuissard. Chez les filles, on trouve bien entendu le "Tour du Monde" et "Grands Cœurs", mais on voit plutôt des ouvrages du type "L'enfance de Suzette". ***

On est studieux; on craint les maîtres dont l'autorité est indiscutée, aux yeux des enfants comme aux yeux des parents ("si le maître t'a donné une calotte, viens pas plaindre, parce que moi je t'en donnerai deux"). On a à cœur de présenter des cahiers impeccables (30 ans après on nous répétait encore: "une bonne écriture est une politesse à l'égard de celui qui te lit"). Les devoirs à la maison sont chose sacrée, même s'il faut trouver le temps d'aider père, de gratter les betteraves ou d'aller à l'herbe aux lapins. Et si par hasard il y a quelque invasion de poux chez les garçons, c'est "la boule à zéro" pour tout le monde. Le crâne rasé se porte d'ailleurs beaucoup en ces temps.

Les enfants assurent eux-mêmes le nettoyage et chauffage des classes, ce qui représente un gros travail. Ma mère se souvient très bien de ces corvées, vers l'année 1903 ; à tour de rôle par équipes de trois, les plus grands devaient préparer le bois, allumer le feu, puis, après la classe, arroser le plancher en dessinant des arabesques artistiques et balayer. Il fallait aussi vider le poêle en hiver, et ce n'était pas rien: il fallait briser à grands coups de tisonnier les grosses galettes de scories de coke pour pouvoir les sortir... Quant au balayage, pas question de tricher: Il fallait déplacer une à une les lourdes tables et non pas promener le balai autour !

En 1908, l'institutrice ayant fait valoir qu'il était dangereux pour les fillettes de débiter elles-mêmes le bois destiné au chauffage de leur école, le Conseil municipal décida que ce travail serait fait désormais par le garde-champêtre Pelletier. Mais ce n'est qu'en 1912, sur pétition de nombreux parents, que le Conseil décréta que le balayage des classes serait fait par une personne spécialisée, pour 200 francs par an et une gratification de 5 francs au 14 juillet. Il se trouva 3 conseillers pour voter contre!

Et la laïcité dans tout cela? Eh bien, tout semble s'être passé dans le plus grand calme à Bourron autour de ces lois de 1882 et 1886. Le bouillant abbé Pougeois a quitté Bourron; on n'entend pas ici d'anathèmes contre "l'école sans Dieu" et "la morale Sans-Culotte".

Le curé Laîné est fort bon homme et s'entend bien avec les instituteurs, qui laissent volontiers sortir les enfants de chœur de service s'il y a quelque noce ou enterrement. Le Conseil municipaI tient la balance égale entre l'école de garçons, laïque depuis 1882, et l'école de filles ou l'Asile de Marlotte, toujours tenus par les religieuses jusqu'à 1902, avec Sœur Mathias chez les filles et Sœur Ildefonse à l'Asile. On se met sans difficulté en règle avec le devoir religieux par la Première Communion et avec le devoir scolaire par le Certificat d'Études. Dans beaucoup de familles, on considère ces deux évènements comme allant de pair: ce sont des sortes de brevets de sortie de l'enfance, car ensuite il faut aller travail; et, dans les familles qui le peuvent, on se voit offrir sa première montre pour la Communion et son premier vélo pour le Certificat.

Mais les choses vont se gâter pendant cette période 1901-1907 où, sous le ministère du "petit père Combes" l'enseignement des Congrégations va être supprimé et sera proclamée la séparation des Églises et de l'État.

Commence alors, dans toute la France, une guerre scolaire d'une violence extrême. Nous ne pouvons ici reprendre toute cette histoire dans son ensemble, mais nous retrouvons les retombées dans notre petite commune, où les péripéties furent assez vives.

Tout commence à Bourron avec la fameuse loi de juillet 1901 sur les Associations, loi hostile aux congrégations enseignantes. Ces Congrégations vont devoir demander une autorisation, sur laquelle les Conseils municipaux seront appelés à délibérer; et c'est là que l'affaire accroche dans notre village.

Donc, en fin de 1901, le sous-préfet de Fontainebleau invite le Conseil municipal de Bourron à donner son avis sur la demande déposée par la maison-mère des Sœurs de la Miséricorde et de la Doctrine Chrétienne, aux fins d'ouvrir officiellement 2 écoles à Bourron.

Le Conseil se réunit une première fois le 5 décembre et refuse "énergiquement" son autorisation par dix voix contre une, disant "que l'école communale de Bourron est bien assez spacieuse pour accueillir tous les enfants, et que la création d'écoles libres aurait certainement pour conséquence funeste d'amener sérieusement la discorde et la désunion dans les familles".

Le climat se détériore en quelques jours; une pétition circule en faveur des Sœurs, non sans incidents et querelles, car il paraît s'y greffer une agitation antirépublicaine.

Dans une seconde réunion extraordinaire le 15 décembre, le Conseil refuse à nouveau son autorisation "pour l'école maternelle libre de Bourron, l'école enfantine publique de Marlotte et l'école publique de filles" - ces deux dernières tenues par les Sœurs qui souhaitaient en faire des écoles "congréganistes" selon le mot très employé à l'époque pendant ces querelles.

La séance est houleuse; le refus, encore une fois rédigé en termes fort énergiques, est voté par 8 voix contre 3 et l'un des opposants quitte la salle en claquant la porte.

Les Sœurs n'obtiendront pas gain de cause. L'école publique de filles est laïcisée par arrêté du 7 août 1902, ainsi que l'école maternelle de Marlotte. (Ne reste en sursis que l'Asile de Bourron). Aussitôt le Conseil se préoccupe de faire aménager les logements pour les nouvelles institutrices. Sœur Mathias quitte l'école de filles, laissant la place à la nouvelle directrice laïque, Melle Decogné, qui aura d'abord pour adjointe une ancienne religieuse ayant quitté l'habit et dont je n'ai pas retrouvé le nom avec certitude; les enfants l'appelaient "Melle Augustine".

A l'Asile de Marlotte, Sœur Ildefonse est remplacée par la propre sœur de Melle Decogné, Melle Augusta, qui exercera aussi à la "grande école".

Les pouvoirs semblent avoir été passés dans le calme. Il y aura une sombre histoire de gravures offertes par le peintre Olivier de Penne à l'Asile de Marlotte et que les Sœurs veulent garder; nous en reparlerons dans le prochain article, consacré à nos Maternelles.

Institutrice pleine d'autorité et qui affiche sans équivoque ses convictions républicaines, Melle Decogné met sur pied une section de "grandes" qui préparent le Brevet Élémentaire, remet en route le Cours d'Adultes pour filles, réorganise l'enseignement des travaux de couture et demande la gratuité des fournitures pour cet enseignement. Elle demande aussi qu'on lui pose 3 tableaux noirs supplémentaires et un tableau d'honneur pour l'inscription des lauréates du Certificat.

Tout lui est accordé, y compris sa demande d'un supplément de traitement pour les institutrices, à égalité avec les instituteurs qui le touchaient depuis longtemps. Cela est voté sans difficulté comme étant "de toute justice" : pour la directrice des filles 300 francs par an, pour l'adjointe 200 francs, pour "l'institutrice chargée de l'école enfantine publique de Marlotte" 200 francs. On accorde même à cette dernière une indemnité pour garder les enfants de 4 à 6 heures à la belle saison, à la demande des mères de famille occupées aux champs.

La querelle scolaire est-elle apaisée? Pas tout à fait. L'école enfantine ou Asile de Bourron, chez les Sœurs, subsiste encore, mais pour peu de temps. A la suite des lois de 1904 (interdisant l'enseignement à toute congrégation) et de 1905 (instaurant la séparation des églises et de l'État) l'existence de cette école est fort compromise. En 1906, la fermeture est envisagée, d'où quelques nouveaux remous. Cette fermeture est prononcée en 1907. Cette maternelle est aussitôt remplacée par une garderie municipale. Nous y reviendrons dans le prochain article.

En 1907, les écoles de Bourron sont donc entièrement laïques; la paix scolaire est revenue et les choses vont leur train jusqu'à la guerre de 14-18, où apparaît sur les registres d'appel un nouveau motif d'absence: "père en permission". Les adjoints se succèdent; il faut accueillir plusieurs enfants de familles réfugiées du Nord et de l'Est.


Henri Froment

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Les "Asiles" de Bourron et de Marlotte

Ecole d'autrefois
École d'autrefois
- La Bibliographie de ces articles parus en 1983 dans les N° 13-14 et 15 du bulletin des ABM, est disponible à la fin de la 2ème partie. - Les illustrations ont été choisies par le webmaster du site. L'ouvrage Histoire de Bourron-Marlotte des origines à nos jours d'Henri Froment, auquel nous empruntons beaucoup est toujours disponible à la Mairie.

Sources et Pages à visiter :

Froment livre
Un livre incontournable, en vente à la Mairie

Les Amis de Bourron-Marlotte (ABM)
Bourron-Marlotte Site officiel

Amédée Besnus: Murger à Marlotte

 
Page signalée par Olivier Fanica :

École ancienne

 
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