Si Bourron-Marlotte m'était conté...

LES NIEDERMEYER

Louis Niedermeyer
Louis Niedermeyer par Carl Vogt

Louis Niedermeyer (1802-1861)
La famille Niedermeyer dont descendent nos marlottins a pour origine une famille huguenote française dont l'ancêtre Abraham Baylon, habitant Montélimar, s'était réfugié en Suisse romande lors de la révocation de l'Édit de Nantes (1685).

En 1779, l'arrière petit-fils Moïse Baylon (1736-1793) s'établit faïencier à Nyon (Suisse) et créa la première manufacture de "porcelaine de Nyon" dont les produits furent très recherchés. Il utilisa notamment, pour décorer ses créations, le talent du célèbre miniaturiste genevois Etienne Liotard (1702-1789).

 Moïse Baylon
Moïse Baylon
Moïse Baylon eut deux enfants Alfred (1775-1803) qui travailla à ses côtés et une fille Charlotte qui épousa Georges-Michel Niedermeyer (1767-1829).

À la mort de la veuve d'Albert Baylon, en 1814, le couple Niedermeyer reprit la manufacture.

Charlotte et Georges-Michel Niedermeyer eurent pour enfants Louis, le futur compositeur de musique et une fille, Caroline, qui épousa à Genève Pierre Mülhauser, peintre sur porcelaine. Ce dernier s'associa peu après avec son beau-père pour continuer l'exploitation de la maison familiale de Nyon.

C'est dans cette manufacture qu'est né en 1802 Louis de Niedermeyer le futur musicien et compositeur qui séjournera souvent à Marlotte, avant de décéder à Paris en 1861.

Son père lui-même pianiste amateur et mélomane, remarqua très tôt ses dons pour la musique. Il lui donna quelques leçons et, sitôt sa scolarité au Collège de Nyon achevée, l'envoya parfaire ses études musicales chez les plus grands maîtres de l'époque à Vienne, Rome et Naples.

Revenant après chaque voyage résider dans la belle demeure de ses parents - la Maison Niedermeyer - au bord du lac de Genève, Louis y composa quelques-unes de ses plus belles pages de musique, notamment la mélodie sur le poème «Le Lac» de Lamartine qui le rendit célèbre.

Le Lac Lamartine
Louis Niedermeyer : Mélodie du Lac de Lamartine
Chantée par la soprano Sylvie Gojon et accompagnée par Karine Vartanian
En 1831, il épousa Jeanne-Suzanne-Charlotte des Vignes, de Givrins, (née à Nyon en 1803) qui lui apporta une solide fortune. Il alla vivre avec elle dans le petit Castel de Genolier que sa femme possédait au-dessus de Nyon.

Son départ pour la Belgique en 1834, puis son installation à Paris en 1836 ne lui firent cependant jamais oublier le lieu de sa naissance où - comme le précise son fils Alfred, il se rendait chaque année en pèlerinage.

Il composa quatre opéras (La casa nel bosco, (1828) ; Stradella, (1837) ; Marie Stuart, (1844) ; La Fronde, (1853) partitons montées et jouées dans de bonnes conditions mais sans jamais obtenir davantage qu'un succès d'estime.

la Fronde
Représentation de l'opéra "La Fronde"
Pourtant, le 22 novembre 1849, jour de la Sainte Cécile, la messe solennelle que Louis Niedermeyer présenta dans la vaste nef de l'église St-Eustache de Paris, remporta un immense succès. Hector Berlioz qui assistait à cette création, en fit un compte rendu élogieux dans le Journal des Débats du 27 septembre.

Lire : Éloge de la Messe de Niedermeyer par Berlioz

Déçu par les échecs qui succèdent à cette journée faste, notamment en 1851 lors de sa candidature à l'Institut, Louis de Niedermeyer se dirige vers l'enseignement et fonde dans le Nord de la France une école de musique classique et religieuse. Bien qu'étant lui-même de confession protestante, son école est destinée à former des maîtres de chapelle catholiques.

A Paris, il réorganise l'Institut de musique religieuse d'Alexandre-Étienne Choron qui devient l'École Niedermeyer de Paris.

Si les élèves sont nombreux et l'enseignement dispensé dans cette école remarquable, la «discipline imposée est féroce» dira Léon Boëllmann qui suivit ses cours.

Mais l'enseignement de la musique enrichira aussi peu Louis Niedermeyer que les œuvres qu'il avait composées et il mourut dans le dénuement, laissant deux filles et un garçon.

Suzanne-Eulalie épousa le compositeur Gustave Lefèvre (1831-1910) et Caroline Mathilde s'allia à l'organiste Eugène Gigout (1844-1925).

Alfred Niedermeyer (1832-1904)
Quant à son fils, Alfred (1832-1904), il avait une revanche à prendre et se lancera dans la haute finance.

Il gardera cependant un œil attentif et vigilant sur l'école, œuvre de son père, dont il assura la direction après sa mort, assisté par Saint-Saëns, avant qu'elle ne fût confiée à Gustave Lefèvre (1831-1910) le gendre du défunt.

Alfred Niedermeyer (1832-1904) en se faisant banquier et «baron» à particule, réussit à rétablir la fortune de la famille sans renoncer à la musique dans laquelle il avait baigné dès l'enfance, et qui restera son violon d'Ingres.

Il semble que ce fut le compositeur Ernest Reyer (1823-1909) qui, vers 1860, avait amené Louis et ses enfants à fréquenter Marlotte où quelques musiciens célèbres formaient un brillant cénacle d'artistes.

Alfred acquit un beau terrain au centre de Marlotte sur lequel il fit construire une grande bâtisse que l'on appela ironiquement «le petit château» par comparaison au château de Bourron appartenant aux Montesquiou.

Chateau
Le "château Niedermeyer" à Marlotte vu du parc (Source A.B.M.)
Les frères Goncourt, dans leur journal, notent en date du 28 juillet 1863:

«Revu Marlotte que nous n'avions pas vu depuis dix ans lorsque nous y allâmes avec Peyrelongue, le marchand de tableaux, sa maîtresse, Murger et sa Mimi... Nous retrouvons le village mais maniéré avec des espèces de pauvres petites maisons bourgeoises, des efforts de bâtisses, des tentatives de café, un pissoir même ! Il y a maintenant un château avec une grille à couronne bâti par un jeune baron pour étonner les artistes, château à demi-fini et laissé, faute d'argent !» (E. et J. de Goncourt).

A l'instar de tous les hommes de finances de l'époque, Alfred Niedermeyer tripatouilla un peu dans toutes les affaires juteuses qu'offrait le Second Empire à la bourgeoisie triomphante. Quelques scandales vite étouffés lui permirent de poursuivre son ascension sociale.

Mais la défaite de 1870-1871 entraînant la chute brutale de Napoléon III suivie de l'avènement de la IIIe république, vinrent ruiner ses espérances.

Durant les événements de la Commune de Paris en 1871, l'École émigra à Lausanne, rue des Figuiers. Gustave Lefèvre ambitionnait de créer, parallèlement à l'École Niedermeyer de Paris, une école semblable en Suisse romande dont les objectifs viseraient à la restauration de la musique religieuse protestante dont les chants et les psaumes lui semblaient en pleine décadence.

En 1882, un mariage inespéré avec la jeune et riche Jeanne Soret de Boisbrunet (1861-1944) redora le blason d'Alfred Niedermeyer et renfloua sa fortune. De cette union naquit leur fille Marie-Thérèse (1883-1976).

Mme Roesch-Lalance relatant les souvenirs recuillis auprès de Mme Jeanne Person, brillante musicienne qui s'installait parfois aux claviers de l'orgue de l'église de Bourron, écrit «Son épouse étant catholique et très pieuse le baron resté protestant comme son père, accompagnait néanmoins son épouse chaque dimanche à la messe et, c'était rituel, remontait sa montre pendant l'élévation! Quant à la baronne, très pratiquante, elle récompensait les gamins quand ils assistaient à l'office: 10 sous et quand ils communiaient... elle leur donnait cinq francs...» (Souvenirs de Madame Person (1885-1985).

Mme Roesch-Lalance, rapportant dans son ouvrage les souvenirs de Suzanne Vaillant-Saunier qui tenait une pension de famille à Bourron-Marlotte et sauva des enfants juifs pendant la dernière guerre, écrit :

Hotel Renaissance
Hôtel de la Renaissance (Collection Jean-Louis Garret)
«La propriété [Niedermeyer] avait un grand parc avec un potager qui s'étendaient jusqu'à la rue Grande; à l'angle, la tourelle qui existe toujours, servait de salle de catéchisme à la baronne. Quant au mûrier que le baron avait planté pour tenter l'élevage des vers à soie, il est peut-être encore vivace, souvenir du somptueux jardin d'autrefois. Sur la rue Murger, à côté du château "la petite épicerie Mallet avec bourrellerie prit de l'importance, elle hébergea quelques pensionnaires, le plus souvent des artistes, qui se promenaient en forêt avec un mulet, les plus fidèles furent Delort, de Penne, Cicéri et Reyer» (Suzanne V. Saunier).
Hotel Renaissance
Vue intérieure de l'Hôtel de la Renaissance vers 1900

En 1905, après la mort du financier, Paul Mallet acheta au rabais la demeure Niedermeyer, ses communs et son vaste parc. Sa petite épicerie d'origine ayant déjà absorbé l'Auberge Antoni, devint le bureau de tabac du futur Hôtel Mallet qui, augmenté de deux annexes, connut une certaine célébrité.

L'hôtel Mallet devint en 1923 l'Hôtel de la Renaissance, dont la façade désormais familière fait partie intégrante de Marlotte.

Photo de famille
Photo de famille du compositeur Léon Boëllmann où l'on retrouve entre autres : Louise Boëllmann née Lefèvre (1866-1898) petite-fille de Louis Niedermeyer); Gustave Lefèvre (1831-1910, gendre de Niedermeyer), Louise Boëllmann née Lefèvre (1866-1898, petite-fille de Louis Niedermeyer), Eugène Gigout (1844-1925), gendre de Louis Niedermeyer, etc.

Sources et Pages à visiter :

Association Niedermeyer
Les Amis de Bourron-Marlotte (ABM)
Site officiel

 
 
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