Bourron-Marlotte
MAISONS D'ARTISTES

LA HUMERIE
13 bis, rue Cicéri

fernand pouillon
Fernand Pouillon
(1912-1986)
Grand bâtisseur, reconstructeur de la France blessée d'après la Seconde Guerre mondiale, Fernand Pouillon architecte ambitieux voulait donner un style et une esthétique personnels à ses ouvrages, tenter de sortir un peu l'architecture des cités nouvelles, des affreuses termitières importées de l'ère stalinienne.

Il se lança à l'âge de 22 ans, donc très jeune, dans la construction d'immeubles à d'Aix-en-Provence. En ce temps-là, il n'était pas nécessaire d'être diplômé en architecture pour bâtir, obligation qui sera imposée plus tard par le régime de Vichy.

Cela débuta par quelques belles réussites...

Marignane
L'aérogare de Marignane
Après la guerre, Fernand Pouillon participe avec succès à la reconstruction du quartier de La Tourette, puis du Vieux Port de Marseille dynamité par les Allemands. L'aménagement de l'aérogare de Marignane, puis viendra Bastia, Alger... Autant de succès. Mais son œuvre qui se voulait moins médiocre que les laides cages à poule au style popu-gaullo-pompidolien alignées par ses pairs, fut sapée par ces gnomes autorisés par leur diplôme DPLG à enlaidir nos paysages urbains.
Bastia
Bastia : restauration du Port
Personnellement, je n'apprécie guère l'architecture de notre temps, même si je dois admettre que Pouillon et quelques rares autres bâtisseurs de grands ensembles ont tenté sincèrement de résister aux spéculateurs, aux financiers et autres prédateurs.

Entraîné malgré lui dans la spirale infernale de la machine à fric, le brave Fernand Pouillon s'enrichit, collectionna les femmes et les œuvres d'art, portait beau dans ses chemises de soie aux manchettes de dentelles, pétait haut, crachait l'embout de ses glorieux cigares avec désinvolture, travaillant dur. Il créait avec panache, tirait les prix sans lésiner sur la qualité, ne craignant ni la concurrence ni les difficultés.

Montrouge
Immeuble à Montouge
Sur sa lancée il réalisa de grands ensembles en Algérie avant l'indépendance, en Perse sous le Shah. Adulé par les uns, haï par d'autres, tour à tour applaudi et honni, il se montra à la fois arrogant et fragile, modeste et glorieux.

Il fit fortune, se construisit de belles maisons, à Aix, en Alger, en Perse, à Paris. Vécut comme un nabab, avant que le destin, cruel, l'obligeât de tout abandonner à ses créanciers, à ses concurrents, à ses femmes, et de connaître la prison.

Ses adeptes admiraient son «regard d'artiste» qui l'amenait disaient-ils à insérer harmonieusement ses ensembles modernes dans la cité, à utiliser des matériaux nobles, à confier la décoration à des paysagistes, des sculpteurs et des céramistes. A orner ses cités de places ombragées où coulaient des fontaines.

Le drame, c'est qu'il ne produisait pas ses projets en grande série uniforme. Il souhaitait bâtir en artisan. Il aimait les belles matières et, inventif en diable, savait tirer les prix sans trop relâcher la qualité.

Annaba
Construction à Annaba

Son habileté, sa morgue et ses réussites attisèrent le ressentiment des autres architectes à son égard, leur haine ne cessera de grandir jusqu'à ce qu'un complot réussisse enfin à l'abattre.

Il faut dire qu'à la sortie de la guerre, le milieu du bâtiment était aussi pourri que de nos jours, gangréné par une mafia de promoteurs véreux qui empêchait toute réalisation sans le versement de bakchichs qui rendait le coût des belles constructions prohibitif.

Politiciens, financiers, édiles se tenaient pas la barbichette pour tirer le maximum de profit personnel de leurs poulaillers immondes.

Pour abattre Fernand Pouillon dont les réalisations sortaient un peu du lot, tous ces médiocres s'unirent et réussirent leurs coups tordus à son encontre avec l'aide du pouvoir gaulliste nouvellement investi.

A Boulogne, sur les quais de la Seine, son bel ensemble du Point-du-Jour construit avec des matériaux trop beaux et à des prix trop bon marché, fut l'occasion pour ses adversaires de trouver la faille de son système.

prison
Fernand Pouillon menotté en route vers la prison
Faillite, procès, prison, évasion.

La vie de Fernand Pouillon fut un prodigieux roman d'aventures dont, évadé de sa clinique-prison pour vivre en exil, recherché par toutes les polices, il sut tirer Les Mémoires d'un architecte où il règle ses comptes et proclame haut et fort son amour des belles choses.

C'est à Bourron-Marlotte, qu'ayant payé ses dettes à notre société, l'architecte vint se refaire une santé.

Il acquit une ancienne grange, La Humerie, qu'il restaura avec goût pour en faire son atelier d'architecte.

Pierre Billard, un de ses fidèles dessinateurs originaire de notre village lui avait suggéré de s'installer là, l'accompagnant dans cette nouvelle aventure où il recommençait tout à zéro.

Mme Lalance, dans son livre maintes fois cité, raconte comment lors des longues nuits de veille exigées par une «belle charrette», - commande importante dans le jargon des architectes, - Mme Deveaux, épouse du crieur du village, venait leur préparer des crèpes.

Belcastel
Belcastel en Aveyron
Amateur de vieilles pierres, Fernand Pouillon acquit et restaura Belcastel, une magnifique ruine de forteresse médiévale située en Aveyron, dont il fit, assisté par son fidèle dessinateur bourronnais et l'équipe qui lui était restée loyale, le château de ses rêves.

Il faut absolument lire ses Lettres à un jeune architecte, ses ouvrages : Les Pierres Sauvages et Mémoires d'un architecte.

Fernand Pouillon séjourna à La Humerie au N°13 bis de la rue Cicéri, de 1965 à 1970.

pouillon
Fernand Pouillon en liberté
Dictionnaire du Gâtinais «Dico»

 
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