Personnalités de Bourron-Marlotte

LA MÈRE SOPHIE
(~ 1780 ~ 1870)

Sophie
Voici une petite histoire touchante de notre village, datant de temps anciens, où les mœurs étaient simples et la vie plus rude qu'aujourd'hui.

C'est une histoire vraie que rapporte l'Almanach historique de Seine et Marne de 1862, celle de Sophie Plisson, veuve Chesnoy, communément appelée « la mère Sophie », habitant le petit village de Marlotte, près de Fontainebleau.

Elle était née vers 1780, avant la Révolution, portait donc vaillamment ses 82 ans.

Sophie s'était mariée, pourvue d'une dot de 30 francs et d'un peu de linge, avec Jean Chesnoy, un jeune homme de santé fragile.

Un an après leur mariage, Jean était appelé pour la première réquisition au service obligatoire nouvellement institué en 1798 par la Loi Jourdan.

Pour le faire exonérer, Sophie emprunta une somme considérable pour son budget, dont il lui fallut cinquante ans pour se libérer, capital et intérêts.

De ses 39 ans de mariage, Chesnoy en a passé la moitié dans son lit, en proie à de précoces infirmités. Durant les six dernières années de sa vie, il ne s'est pas levé.

Quant à Sophie, elle gagnait de 20 à 25 sous par jour en ramassant du cresson. C'est avec cette modeste ressource qu'elle a pu nourrir et soigner son mari et élever cinq enfants à elle et deux de ses petits enfants.

A 71 ans passés elle recueillit un enfant impotent qu'elle put faire vivre pendant huit ans.

Le cresson qu'elle cueillait autour des fontaines ou des sources du village jusqu'au bord du Loing, elle allait le vendre un sou la botte, à Fontainebleau.

Deux fois le jour elle se rendait de Marlotte à Fontainebleau, effectuant ainsi un trajet de huit lieues pour améliorer sa pauvre recette.

Fontaineblau
Malgré la médiocrité de ses ressources, cette brave femme n'a jamais été classée parmi les indigents de sa commune. Par son humilité et son travail incessant, elle a pu subvenir à toutes le charges de son ménage et survivre aux misères de sa longue existence.

Résignée dans son infortune, laborieuse par nature et par nécessité, la mère Sophie ne s'est jamais laissé abattre par le découragement.

Peu d'événements heureux ont jalonné sa vie si ce n'est l'aventure surprenante survenue dans sa jeunesse, qu'elle raconte dans son langage naïf :

« Il y a plus de cinquante ans, j'étais au marché de Fontainebleau, je n'avais pas encore étrenné et, fatiguée d'attendre, j'étais presque décidée à jeter toute ma charge de cresson au coin d'une borne, quand un maître d'hôtel me l'achète et me dit de le suivre.

Fontaineblau
« J'entre avec lui au Palais par la cour des cuisines dite d'Henri IV. Arrivée à l'office, je vois venir un Monsieur petit de taille, vêtu en bourgeois. Il soulève mes bottes de cresson et avec un geste d'admiration s'écrie d'une voix brève :

« Ah ! Goujon, le beau cresson ! Retiens-en pour tout le voyage. Donne à dîner à cette bonne femme » ajoute le Monsieur.

« C'était l'Empereur. Jamais dans ma vie je n'ai mangé de si bon fricot, raconte gaiement la mère Sophie.

« Nous étions au mois de septembre, dans la saison des grandes chasses impériales. Pendant tout le temps que dura le voyage de l'Empereur, dit-elle, mon cresson était vendu à l'avance. »

La mère Sophie travaille toujours, malgré ses 82 ans, elle vient encore à pied à Fontainebleau, une fois par semaine, pour vendre la salade qu'elle ramasse dans la forêt, dans les prés, au bord des eaux. Peu d'existences offrent un pareil exemple de courage, de travail, d'abnégation, de probité et de modestie.

Ajoutons que la mère Sophie a eu l'avantage de se trouver des décennies plus tard sur le passage de l'Impératrice Eugénie, au cours d'une des promenades de l'auguste princesse, et qu'elle en a reçu une somme de cent francs !

Sophie

Sources :

Almanach historique, topographique et statistique
du département de Seine-et-Marne et du diocèse de Meaux - Année 1862

SHAGE Société d'Histoire, d'Art, de Généalogie, d'Échange

Bourron-Marlotte: Un Village qui se raconte

 
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