Explorer le Cosmos


 

  CONTACT !

par Elisabeth Piotelat

Elisabeth Piotelat
(Photo XXX)


 
Si Elisabeth Piotelat n'existait pas, il faudrait, comme Dieu, l'inventer. Fille du Cosmos, princesse des Étoiles, issue d'une autre galaxie, elle est venue un jour sur cette belle terre de Bresse dont elle est très fière. Cultivée, enthousiaste, savante, Elisabeth, ingénieur spatial, ferait escalader le Ciel et chevaucher les comètes à un ver luisant. Amateur de science-fiction, de BD, de bonne littérature et de contacts extraterrestres, notre E.P. édite un fanzine, écrit des nouvelles, milite contre la bêtise mais soutient avec chaleur et se bat avec rigueur et panache pour toutes les causes qu'elle estime bonnes, justes et qui lui tiennent à coeur.

 

CONTACT !

L'univers serait-il un beau gâchis d'espace ? En d'autres termes, notre monde, ce petit point bleu pâle, se trouverait-il par miracle à la bonne distance de la bonne étoile ? L'apparition de la vie sur cette boule de boue relèverait-elle également d'un incroyable concours de circonstances ?

L'humanité s'interroge toujours et encore sur ces questions. Depuis près de quarante ans, elle possède la technologie pour y apporter une réponse demain, dans 10 ans ou dans un siècle. Qui sait ?

Lorsqu'en 1686, Fontenelle publiait Entretiens sur la pluralité des mondes, ses contemporains n'avaient d'autre moyen d'investigation que la philosophie. De nos jours, le débat continue et anticipe nos progrès scientifiques.

Si, parmi tous les écrits sur le sujet, il me fallait en choisir un seul, ce serait Contact, aujourd'hui plus connu dans sa version cinématographique.

Au début du roman, Ellie Arroway qui vient de voir Pinocchio et s'interroge sur l'intérêt d'apprendre l'alphabet aux fourmis, constate :

«Le livre était meilleur que le film. D'abord, il contenait bien plus de choses». Faut-il y voir une prémonition ? Nul réalisateur n'aurait pu restituer la richesse du roman.

Le film


Robert Zemeckis, à qui l'on doit également Forest Gump, a su diffuser à grande échelle le message de Carl Sagan et présenter un panorama des programmes SETI, acronyme regroupant une myriade d'associations et d'organismes à la recherche d'intelligence extraterrestre. 

Le film débute par une vision de la sonde Voyager 2, partie en 1977 avec des sons et des images terrestres vers les confins du système solaire.

Dans Cosmic Connection, publié en 1973, Carl Sagan explique que ces bouteilles dans les océans galactiques sont avant tout destinées aux habitants de la Terre. Les sondes Voyager nous ont beaucoup appris sur les planètes du système solaire via de magnifiques clichés.

Avec le dessin d'un couple nu, la plaque de Pioneer 10 fut une sorte de miroir, point de départ d'une certaine prise de conscience. La recherche d'intelligence extraterrestre m'apparaît comme une énorme loterie dans laquelle nous n'avons rien à perdre et tellement à gagner même si nous sommes seuls dans l'univers ! 

Le projet SERENDIP


Chacun peut y contribuer à sa façon. Mai 2000, quelques deux millions d'internautes prêtaient leur ordinateur à l'université de Berkeley. Là-bas, dans le cadre du projet SERENDIP, une petite équipe scientifique étudie les données collectées par une boîte noire placée au cìur du radiotélescope d'Arecibo.

Mais il est difficile d'analyser ces signaux en profondeur à la recherche d'un «bonjour tout le monde» à moins d'avoir de coûteux et puissants moyens informatiques ainsi que beaucoup de temps. D'où l'idée de distribuer le calcul en squattant les ordinateurs des particuliers. Aucune connaissance n'est nécessaire, si ce n'est celle du site web où télécharger l'économiseur d'écran SETI@HOME :

http://setiathome.free.fr/

Le programme installé, une petite fenêtre apparaît et vous demande de vous connecter au site de Berkeley. Moins de cinq minutes plus tard, les données sont enregistrées sur votre ordinateur, vous n'avez plus besoin du réseau et le logiciel commence son analyse.

Après quelques dizaines d'heures, lorsque les calculs sont achevés, vous vous branchez de nouveau pour envoyer les résultats et recevoir d'autres données. L'idée de SETI@HOME date de 1996, sa sortie d'avril 1999, donc après Contact. Le film a certainement contribué à cet énorme succès populaire et médiatique, auquel les scientifiques ne s'attendaient pas, puisqu'ils espéraient quelques milliers d'utilisateurs et furent vite débordés. 

LA SETI


SETI@HOME fournira une carte du ciel des zones intéressantes à observer ultérieurement. Plus la surface d'une antenne est grande, plus elle sera sensible et pourra détecter de faibles signaux, mais plus la zone observée sera étroite.

Le jour où l'Appel arrive, il y a une probabilité de 99,99999% que le radiotélescope d'Arecibo pointe au mauvais endroit. Si la réception des premiers blocs de données génère un énorme enthousiasme chez quelques passionnés, ceux-ci ressentent rapidement le besoin de passer à l'action.

C'est le cas d'une petite centaine d'amateurs à travers le monde dans le cadre du projet Argus lancé en 1996 par la SETI League, une association internationale à but non lucratif, que j'ai l'honneur et la lourde tâche de représenter en France depuis un peu moins de deux ans.

Lorsqu'en 1993, le Congrès américain a supprimé les crédits au projet SETI de la NASA, Richard Factor et Paul Shuch, après s'être remis de leur amertume, réalisèrent que des projets ambitieux à long terme ne pouvaient fonctionner uniquement sur des fonds publiques. Ils décidèrent alors de passer à l'action en fondant la SETI League un an plus tard. 

Pourquoi privatiser ?


Pourquoi privatiser une telle recherche ? SETI@HOME fonctionne grâce à des partenaires comme la Paramount. Lors de la sortie de Star trek : Insurrection, le 11 décembre 1998, le communiqué de presse indiquait : «Pour la première fois dans l'histoire de "Star Trek", la planète Terre est invitée à aider l'équipage de l'U.S.S. Enterprise dans la recherche concrète de vie nouvelle et d'autres civilisations.»

Afin de réduire les lenteurs administratives, les activités de la NASA concernant SETI passaient par le SETI Institute, une association créée en 1984. Aujourd'hui, la même équipe a pu récupérer ses équipements et poursuivre son activité via le projet Phoenix avec un budget bien plus important que ce que fournissait le Congrès. La SETI League fonctionne grâce à l'énergie de ses 1200 membres et quelques généreux mécènes, comme S.R. Hadden, Richard Factor...

Peut-on contacter la lune ?


Dans le film Contact, Ellie Arroway, fait ses débuts comme opératrice radio «Ici W9GFO». Quelle joie de recevoir un message de Pensacola après des heures d'écoute en balayant diverses fréquences ! Mais peut-on contacter la Lune ? Son père lui recommande d'avancer «petit à petit, pas à pas». Les contributions techniques de Paul Shuch dans le domaine des télécommunications sont saluées par les principales associations de radioamateurs mondiales. Par exemple, il développa la première antenne satellite TV commerciale.

Rien d'étonnant donc à ce qu'il ait eu l'idée d'utiliser de telles paraboles pour rechercher des signaux d'origine extraterrestre, d'autant plus que beaucoup d'américains ont dans leur jardin des Bad Uggly Dishes, à savoir des antennes de 3 à 5 mètres de diamètre dont ils cherchent à se débarrasser, maintenant que des marguerites de 80 cm de diamètre suffisent pour recevoir les signaux des satellites géostationnaires dans la boite à décerveler.

Avec quelques bricolages électroniques, la parabole est prête à écouter le cosmos. Il suffit ensuite de la relier à un récepteur du type de celui que possède W9GFO au début du film et à un PC pour pouvoir analyser les signaux reçus.

Argus


Le projet de la SETI League fut baptisé Argus, comme ce personnage fabuleux aux cents yeux dont cinquante restaient toujours ouverts. Il fut inauguré avec la première station, le 21 avril 1996. «Il me faudrait une plus grande antenne !» déclare Ellie Arroway enfant.

Le plan suivant, Jodie Foster apparaît devant le radiotélescope d'Arecibo et ses 305 mètres de diamètre. Evidemment, une parabole placée chez un particulier ne sera pas aussi sensible qu'un instrument professionnel. Cependant, il peut observer une plus grande zone du ciel. Cinq milles stations Argus bien réparties autour de la planète permettraient de surveiller entièrement la voûte céleste.

Aujourd'hui près d'une centaine de membres de la SETI League ont construit de tels systèmes chez eux. Beaucoup sont radioamateurs donc possédaient déjà les connaissances et le matériel nécessaire.

Pas à pas


Pas à pas... oui, petit à petit d'autres stations voient le jour et les techniques deviennent à la portée du plus grand nombre. L'ordinateur utilisé par l'astronome Franck Drake en 1960 lors du projet Ozma, la première écoute d'étoiles, était moins puissant que ceux que l'on trouve aujourd'hui en grande surface. Les stations Argus se diversifient, chacun utilisant les moyens du bord.

Dans les continents comme l'Europe où trouver de grandes paraboles s'avère difficile, d'autres types d'antennes sont conçues. Et puis, pourquoi ne pas utiliser un télescope classique et lui ajouter un petit système pour compter les photons au cas où une espèce intelligente enverrait des signaux LASER ? Si en France aucune station Argus n'est à ce jour opérationnelle, les motivations et les idées commencent à surgir. 

Carl Sagan le visionnaire


Dans Contact, les extraterrestres nous jugent ainsi : «Vous êtes une espèce intéressante, capable de si beaux rêves, mais de si horribles cauchemars». Détruire la planète, critiquer les projets ambitieux semble bien plus naturel que de suivre des visionnaires comme Carl Sagan.

Ecouter l'univers amène forcément un autre regard sur ce petit point bleu pâle photographié par Voyager 2. En levant un peu les yeux, nous n'avons rien à perdre mais tant à gagner ! Alors, pourquoi attendre ?



 


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