PORTRAIT

PIERRE ANTOINE MARCEL
TURPIN
Le spécialiste du roman populaire
 

 
Pierre Turpin est né à Bourges le 7 juin 1930 sous le signe des Gémeaux et je viens d'apprendre aujourd'hui (21 octobre 2012) qu'il nous a quittés sur la pointe des pieds voici quelques mois déjà.

Depuis 1980, les amateurs de polars en particulier et de romans populaires en général, découvrent le nom de Pierre Turpin dans les revues et les fanzines consacrés au roman policier.

Pierre Turpin collectionne en effet depuis toujours ces ouvrages un peu méprisés par les universitaires et les gens de lettres bien que, en secret, tous les lisent ouvertement ou en cachette sous prétexte de se détendre de leurs fatigues intellectuelles.

Comme d'autres collectionnent les timbres ou les papillons, Pierre rassemble, trie, classe, met sur fiches les informations sur les auteurs, les éditeurs, les littératures parallèles.

«Ma passion c'est, en dehors de mon travail professionnel, ces heures que je consacre à des travaux de mise à jour, de collationnement, d'archivage, de classement, tout en lisant ces romans qui m'enchantent.»

Jamais Pierre Turpin n'aurait envisagé de rédiger des articles ou des notes sur tous les livres qu'il avait patiemment engrangés si le regretté Jean Leclercq ne l'y avait d'abord encouragé puis amicalement contraint.

La vie simple d'un homme curieux de tout

Adolescent, Pierre apprend le métier de menuisier dans une école professionnelle. Il quitte la menuiserie pour l'agriculture puis abandonne les champs pour la banque.

Sa passion débuta dans les années 50 par une boulimie de cinéma. Il constitua un fichier sur les films et découvre à cette occasion que, parfois, un film pouvait être tiré d'un roman. Sa passion se reporte dès lors sur les textes.

Ce qu'il avait entrepris pour les films, il le poursuit désormais pour les romanciers populaires. Il accumule les romans, neufs pour ses auteurs préférés, d'occasion pour les autres. Au fur et à mesure des possibilités offertes par sa bourse, il augmenta son "parc" destiné à héberger ses poulains.

Une bibliothèque considérable

Il lui est difficile de préciser le nombre de livres qu'il a acquis à ce jour. Disons, de l'ordre de 40.000 en comptant les fascicules et les petits romans.

Parallèlement à ces achats, il recueille les échos et les articles parus dans la presse, découpe les photos ou les portraits des auteurs, accumulant ainsi une documentation considérable uniquement pour le plaisir et aucunement en vue d'une exploitation quelconque. Personne d'ailleurs, hors des innombrables lecteurs de cette "littérature de gare" comme on l'appelait alors, qui se contentait de lire, ne s'intéressait vraiment aux auteurs. Quelques vedettes exceptées.

Lorsque Pierre Turpin pensait tout connaître d'un auteur, un pseudonyme "évadé de l'anonymat remettait tout en cause". C'est ainsi, pour en savoir plus, qu'il entreprit de se renseigner directement à la source, en écrivant aux auteurs. Mais cette démarche ne fut pas toujours bien comprise par les intéressés eux-mêmes. En effet, dans le monde de l'édition populaire existait alors une lutte acharnée entre des éditeurs voulant conserver pour eux seuls leurs meilleurs auteurs, ceux qui vendaient leurs romans à des centaines de milliers d'exemplaires et faisaient leur fortune.

La chasse au pseudonyme

Ainsi, le contrat signé par un auteur du Fleuve Noir le liait à son éditeur pour la vie. Il n'avait pas le droit de travailler ailleurs, même sous pseudo. A part certaines grosses cylindrées comme les Paul Kenny, Jean Bruce, San Antonio et quelques autres, un auteur gagnait parfois chichement sa vie et ce n'était qu'en pondant des ouvrages à la chaîne qu'il s'en sortait.

Voilà pourquoi, lorsque Pierre Turpin menait ses investigations chez les auteurs et leurs éditeurs, certains le prenaient pour un espion ! Et puis, des auteurs ne voulaient pas avouer qu'ils écrivaient des romans licencieux ou franchement porno à une époque où cela pouvait mener l'éditeur ou l'écrivain en correctionnelle.

C'est à partir des années 70 que Pierre Turpin entreprend une correspondance active avec les auteurs et leurs éditeurs dont certains deviendront ses amis.

Un monument incontournable

En quelques années il deviendra le spécialiste incontesté du roman populaire et, par son amour de la littérature, son travail acharné et sa gentillesse, il parviendra à redonner ses lettres de noblesse à ce genre jusque là méprisé par les dictateurs de la Culture.

Aujourd'hui Pierre Turpin est devenu un monument incontournable de l'édition tout court. On le sollicite de toutes parts pour des articles, des collaborations à des ouvrages collectifs, des symposiums ou des tables rondes. Il est le Sage vénéré par les fans du roman populaire, la mémoire vivante de cette littérature aujourd'hui réhabilitée souvent grâce à lui.

Une fondation Pierre Turpin

Je disais, voici quelques années : Nous aimerions que le Ministère de la Culture qui jette des millions par les fenêtres pour soutenir des projets stupides accorde une subvention à Pierre Turpin pour pérenniser son oeuvre et lui permettre de maintenir et d'augmenter ses précieuses collections. Quelle commune de France disposant d'un local inoccupé s'illustrera en créant le Musée de la littérature populaire, dont elle s'honorera de confier la direction à Pierre Turpin. Est-il trop tard, aujourd'hui que Pierre n'est plu là, de créer ce musée en sa mémoire ?
Marc Schweizer

OUVRAGES  AUXQUELS  COLLABORA  PIERRE  TURPIN :

 
VOYAGE AU BOUT DE LA NOIRE
Éditions de l'Instant (1986)

 
LE VRAI VISAGE DU MASQUE
Deux volumes parus aux Éditions Futuropolis (1984)

 
DICTIONNAIRE DES LITTÉRATURES POLICIÈRES
Sous la direction de Claude Mesplède
Deux volumes parus aux Éditions K (2003)

 

Haut de page           Page d'accueil           Mes liens