André Gide
L'AMOUR CHEZ LES BÊTES

Chaton
L'amour maternel
Dimanche. Ma vieille chatte a de nouveau mis bas, avant-hier soir. Quatre petits d'un blanc de lait, à la queue en cornet à piston. Sur les instances de Em. je me résous à en précipiter deux dans les oubliettes. La vieille Moune s'est à peu près désintéressée des deux autres, que nous retrouvons ce matin, l'un mort de froid, sur la natte de la salle à manger, l'autre, dans son panier encore, mais ne respirant plus qu'à peine, glacé. Je le réchauffe et le ranime un peu; mais, lorsque je cherche à le faire téter après un lambeau d'éponge, il s'engoue; des petites bulles se forment aux narines; les côtes se soulèvent encore quatre ou cinq fois avec un effort énorme; puis je n'ai plus entre les mains qu'un chiffon de chair. La Moune considère cela sans s'émouvoir; le lait n'est pas monté: c'est le secret de son indifférence. A la montée du lait commence l'amour maternel. (André Gide Journal janvier 1912)
Sexualité animale
Ramené Miquette à Fellow; la chienne apporte toute la complaisance désirable et favorise même de son mieux; mais l'autre s'obstine à côté, malgré ce que je fais pour l'aider. Comme, enfin, je l'abandonnais à lui-même et qu'il ne réussissait à rien, il est venu me chercher et me tirer et me pousser vers la chienne, implorant à nouveau mon concours. Je voudrais qu'il ne fût permis de se prononcer sur les questions sexuelles, qu'à ceux qui ont eu l'occasion d'élever et de surveiller des animaux. Peut-être enfin consentiraient-ils à comprendre que ne sont pas moins naturelles que d'autres, bien des difficultés, des déviations, des irrégularités qu'ils s'obstinent à considérer comme «contre nature» et anormales. (André Gide Journal 5 octobre 1914)

Gide

 
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