Émile Plocq
Charmeur d'Oiseaux

par Pierre Pellerin

plocq

Plocq nourrissant deux huppes et une hirondelle

Malgré son horreur des cages et son souci de ne jamais déranger la Fauvette des jardins ou le grand Courlis, la Rousserolle turdoïde ou le Troglodyte mignon, dont il étudiait à distance les libres ébats, Jacques Delamain accordait une large indulgence, teintée d'admiration, à Émile Plocq, franc luron de l'ornithologie, qui passa pourtant sa vie à violer des nids et à capturer des oiseaux. Peut-être enviait-il l'exceptionnel pouvoir de séduction, l'incomparable intuition, le surprenant mimétisme de cet enchanteur. Devant les exploits d'un tel homme, toute sévérité tombait.

A vrai dire, Plocq ne retenait pas prisonniers les Torcols et les Gorges-bleues, les Chardonnerets et les Sittelles dont il avait réussi la conquête. C'étaient ses prétendus captifs qui ne voulaient plus le quitter. Roger Reboussin, illustrateur des Portraits d'oiseaux de Jacques Delamain, fut aussi le témoin des prouesses d'Émile Plocq. Après la mort de ce dernier, il rédigea une plaquette rarissime, tirée à cent exemplaires (rien que pour ses amis). Le sous titre qu'il choisit est explicite: «Charmeur d'oiseaux». Reboussin y résuma l'histoire d'un enfant constamment inspiré par sa campagne, au point de jouer encore à l'école buissonnière le jour même de sa mort, à l'âge de soixante-quatre ans...

Émile Plocq naquit à Talmont, au nord du marais vendéen, en 1873. L'enfance qu'il y connut lui permit d'accumuler une inépuisable réserve d'enthousiasme. En l'évoquant, il aimait à répéter que son chef-lieu de canton natal, peuplé d'un millier d'habitants, restait, à ses yeux, la plus belle ville de France.

Il parlait en connaissance de cause puisque, dès avant l'âge scolaire, il entreprit l'exploration du musée à ciel ouvert qui l'environnait. Le Pinson et la Fauvette étaient venus au devant de lui, près de sa fenêtre. Cette apparition, cette révélation éveillèrent, en son être romanesque, un démon de la curiosité qui ne le quitta jamais.

Sans doute, fut-il également, dans son foyer, placé à bonne école. Son père, capitaine au long cours, ne se faisait guère prier pour donner, de ses voyages, le récit coloré.

A l'appui de ses dires, il avait réuni, dans sa maison, une collection de Colibris, de Toucans et d'Aras empaillés. Au sujet de ces pièces rapportées du nouveau monde, il ne se montrait pas avare de détails. Il décrivait complaisamment la forêt amazonienne et les savanes des grandes Antilles, ainsi que l'avifaune multicolore qui les peuplait. Ravi, Émile Plocq écoutait bouche bée. Il ne soupçonnait même pas son père d'enjoliver généreusement ses descriptions, lorsque s'on savoir se trouvait épuisé. Par la force des choses, le conteur se voyait acculé à de pures inventions, pour honorer les embarrassantes questions dont le mitraillait son fils.

Il songeait alors philosophiquement à un proverbe qui exprime toutes les possibilités de mensonge réservées aux témoins d'un continent inconnu de leur auditoire. Dans l'instant qui suivait, comme pour se dédouaner, il révélait à Émile toutes les énormités colportées, au retour de leurs pérégrinations, par les premiers explorateurs de l'Amérique et du Pacifique:

- Les équipages des voyages de Christophe Colomb se contentèrent de promener des Perroquets à travers toute l'Espagne en faisant des descriptions zoologiques plus ou moins fantaisistes. Allant beaucoup plus loin; un certain Pigafetta, qui écrivit le Journal du tour du monde de Magellan, a donné, aux lecteurs de son temps, de bien curieuses leçons d'Histoire Naturelle.

Ce plaisantin ne prétendait-il pas avoir vu «des Corbeaux marins qui s'engouffraient dans les gueules des baleines pour aller leur arracher le cœur»? Ne décrivait-il pas également un Rapace si grand et si fort qu'il le disait capable d'emporter un éléphant dans les airs?

La stupéfaction d'Émile tempérait alors le prolixe capitaine au long cours. Celui-ci, ayant fouetté l'esprit critique de son jeune interlocuteur, revenait à un exposé plus mesuré. Il expliquait qu'il faut faire la part des choses en ornithologie:

- Un homme comme Pigafetta n'était pas, à proprement parler, un menteur. Il manquait d'expérience pour dégager des impressions solides. Une faune inconnue s'était révélée; personne auparavant n' avait pu l'identifier même sommairement. Il avait bien dit s'en remettre aux explications d'indigènes superstitieux, données dans un jargon imprécis. Pourtant, c'est bien un Pigafetta qui, parmi cent faux détails, a fourni quelques indications précises dont se servirent d'autres chercheurs d'oiseaux pour commencer des études plus sérieuses...

«Chercheurs d'oiseaux» : le grand mot avait été lâché. Il renfermait la définition même des tentations d'Émile Plocq. A son oreille, cette candide expression obtenait une résonance qui excitait aussitôt l'imagination. Écouter un cours sur les Aigrettes ou les Flamants lui paraissait alors accessoire. Son sens de l'action l'engageait déjà à découvrir, par l'exploitation de ses propres ressources, les hôtes d'un horizon qu'il entendait faire patiemment reculer.

rougequeue

Titys, rouge-queue noire

Pourquoi brûler les étapes, traverser prématurément les mers? L'aire cadastrale de son village le retenait d'abord. Il n'imaginait pas que l'on pût connaître l'univers sans surprendre, en premier lieu, la vie des bosquets, des haies et des étangs de son pays.

Très tôt, il entreprit cette conquête capitale. Son père ne fut pas contrarié, au début du moins. Ce marin raisonnait comme bien des hommes lassés des voyages: il aimait à les raconter tout en craignant de façonner des adeptes du perpétuel départ. Quelquefois, il se reprochait d'en dire trop, au risque de faire germer chez l'enfant des passions exigeantes dont il connaissait la rançon. Dans ces moments de réflexion, il se prenait à espérer, pour Émile. une vie plus régulière et plus sédentaire que la sienne. Que celui-ci battît les campagnes comme un petit primitif ne tirait guère à conséquence si ce sain exercice répondait à l'essentiel de ses désirs !

Il fallut bientôt déchanter. Certes, le jeune Plocq ne parlait nullement de faire le tour du monde. Cependant, sa terre natale lui suffisait au point de l'accaparer exagérément. Tout en donnant libre cours à une vitalité peu commune, il faisait preuve d'une patience dans l'observation, d'un sens de l'approche silencieuse et d'un don de détection dont il eût convenu de le féliciter si ces qualités ne s'étaient exprimées dans un total mépris du temps qui passe.

Il lui arrivait de rentrer bien après la tombée de la nuit, échevelé, crotté de la tête aux pieds. Son regard rieur poursuivait encore une vision énigmatique. A la fois furieux et éperdus d'angoisse, ses parents lui réclamaient une justification valable.

- Enfin, nous expliqueras-tu?

- Il y avait plusieurs groupes d'oiseaux qui arrivaient, qui s'installaient. Alors, j'ai voulu les admirer. Et puis, je ne me suis plus rendu compte de l'heure.

Cette excuse ne dénotait aucun cynisme, mais une évidente sincérité, malgré les apparences. Ingénument, il avouait, peu avant minuit, qu'il ne s'était guère aperçu de la fin du crépuscule.

En effet, le mouvement migrateur tombant du ciel comme un nuage qui crève et se dispersant au-dessus du marais vendéen avait accaparé toute son attention. Des messagers venus d'outre-mer apportaient avec eux des nouvelles de tous les fleuves et de toutes les forêts des tropiques. Dès lors, il semblait vain d' aller chercher des oiseaux à l'autre bout de la terre, puisque ceux-ci devaient revenir périodiquement aux alentours de Talmont.

Pour en savoir plus, il suffisait de s'inspirer de leurs habitudes et d'apprendre leur langage... Telle fut, au fond, la permanente incartade d'Émile. Il voulut constamment ne faire qu'un, tantôt avec les Hirondelles, tantôt avec les Rossignols de muraille, tantôt avec les Fauvettes grisettes. En dégageant son esprit de toute autre préoccupation, il touchait à un état de communion complète, au seul dommage d'un horaire familial qu'on lui demandait vainement de respecter.

Restant à l'affût, sans que le moindre bruit indiquât sa présence, il assistait à l'installation de l'Hirondelle dans quelque grange silencieuse et du Martinet dans un tranquille clocher. Ou bien, il suivait les batailles entre mâles d'une même espèce, en vue de conquérir les lieux de nidification les mieux exposés.

La construction des nids, la couvaison ne risquaient pas de le rendre ponctuel. Les allées et venues des Grives qui transportaient de l'argile et des débris pourris pour préparer, à l'intention de leur couvée, un berceau de carton humide, lui auraient, à elles seules, ôté ses dernières notions du jour et de la nuit.

Parfois, sa curiosité était trop forte. Il grimpait à un arbre pour mieux voir les recoupements des Montagus au-dessus de leur aire. Puis il redescendait doucement et disparaissait à nouveau dans les herbes tendres du printemps. Rampant discrètement, il s'efforçait de découvrir la retraite du Bruant ou du Pouillot, abritée au ras du sol, sous un tapis de feuilles tombées.

Dès la naissance des nouvelles générations, il devenait l'enfant invisible par excellence. Ayant déjà repéré que le sens principal de tout oiseau réside dans sa vue extrêmement développée, il prenait d'infinies précautions pour se dissimuler au mieux; il restait accroupi au milieu d'un bosquet ou aplati au flanc d'un ruisseau.

D'autres fois, perché dans un arbre au feuillage déjà abondant, il épiait, d'un regard plongeant, les allées et venues des parents qui apportaient la becquée à leurs petits ou emportaient les réjections données en échange.

Son visage s'épanouissait lorsque les oisillons criaient famine. Les uns piaillaient à fendre l'âme; d'autres laissaient entendre de petits sifflements fluets. Et, lorsque la mère arrivait avec la nourriture, les plus bruyants implorants étaient servis en priorité, comme il est d'usage chez les bêtes et chez les hommes.

Calme, attentif, alors que nul souffle ne le trahissait, il appréciait plus librement le fond sonore de ces campagnes en éveil. Au retour, après avoir consciencieusement enregistré les chants des nids, il exerçait ses dons d'imitateur afin de pouvoir, par la suite, mieux attirer à lui Rouges-gorges, Coucous et Fauvettes des roseaux,

Que d'écoutes vigilantes, blotti dans un fourré, pour atteindre ce résultat! Ainsi étudia-t-il les modulations du Rossignol, jusqu'à ces longues soirées de juin où son concert trouve sa plénitude, et l'appel de l'Alouette lulu, dans les nuits chaudes.

Hirondelle

Durant les premières années qui le virent se livrer à ces absorbantes reconnaissances, sa famille se fit tant bien que mal une raison. Elle pensait qu'Émile, en prenant de l'âge, espacerait ces randonnées champêtres qui occupaient tout le temps libre dont il disposait. II n'en fut rien. A douze ans, il construisait déjà de petites volières pour lesquelles il trouvait des pensionnaires avec une facilité qui stupéfiait tous ses proches.

Il rapportait Chardonnerets et Mésanges, Hirondelles et Gorges-bleues, dont il assurait alors la subsistance. Puis, au bout d'un temps, il les relâchait pour les remplacer par de nouvelles recrues. La plupart des libérés revenaient, sans aucune défiance, se promener autour de la demeure qui les avait provisoirement abrités. Certains de ces oiseaux s'installaient autour de la maison d'Émile Plocq et prenaient plaisir à se poser sur lui, à l'occasion. Déjà s'affirmait ce pouvoir de charmeur inégalable qui ne cessa d' émerveiller.

Ses possibilités de séduire de nouvelles espèces dépendaient. en premier lieu, d'une intelligente adaptation de son être. Avant de mettre en confiance l'une de ses captures, il avait dû s'habituer lentement à sa façon de vivre en liberté, étudier la conformation de son nid, son habitat de prédilection, ses manies, sa nourriture préférée et jusqu'à son sommeil. Entre autres choses, il s'était attaché à la vie des jeunes Coucous qui ne quittaient le pays que quelques semaines après l' émigration de leurs parents. Les vols groupés des Étourneaux, les rassemblements nocturnes des Bergeronnettes pendant les départs d' automne lui permirent également de développer son sixième sens; celui qui le pousserait quelquefois à se sentir oiseau.

Plocq n'était pas encore un adolescent lorsque les siens lui demandèrent, avec une appréhension mal dissimulée, ce qu'il comptait faire dans la vie.

- Oh! je veux être chercheur, éleveur et marchand d'ois...

Il n'eut pas le temps d'achever le dernier mot. Ses parents le devinèrent sans peine et poussèrent de hauts cris, suivis d'un honnête cours de morale sur le choix d'un métier sérieux.

Un conseil de famille, tenu en présence de cet incorrigible récidiviste des courses aux oiseaux, arrêta son choix sur la profession d'horloger.

C'était, il faut l'avouer, faire preuve d'une bien cruelle ironie que de vouloir apprendre les secrets du fonctionnement des montres à cet amoureux du plein air qui, fâché avec les heures, n'avait prêté attention qu'à la succession des saisons.

On l'envoya donc à Arcachon pour qu'il se familiarisât avec les subtiles mécaniques de la ponctualité. Ses parents bien intentionnés comptaient sur un changement d'air salutaire, loin des tentations ailées du bocage vendéen.

Un espoir aussi insensé relevait d'une complète ignorance en matière d'ornithologie régionale. A Arcachon, que d'Huîtriers-pies, de Sternes Pierre-Garin et de Goélands à observer, sans parler de la forêt landaise avec ses Circaëtes Jean-le-Blanc à l'affût au sommet des pins, ses Pics-verts, ses Étourneaux et ses Grimpereaux.

Consciencieusement, Émile Plocq se plongea dans le démontage et la réparation des montres. Il comptait quand même les jours de la semaine avec impatience, aspirant au dimanche, qu'il organisait à sa guise.

Après le délai de mise en train, tous ses loisirs purent être réservés à de nouvelles observations, sous les pins ou au bord de l'océan. Tant que durait une journée de repos, il ne se lassait pas, suivant son expression, de «chercher des bêtes» ; puis il classait soigneusement ses trouvailles dans sa mémoire.

C'est ainsi qu'il vit, un jour d'hiver, une vipère frigorifiée. Il la ramassa sans hésiter et la mit tranquillement dans sa poche.

Puis il songea à tout autre chose, balayant de son regard le sol sablonneux. Au bout d'une heure, il se rappela soudain qu'il avait un serpent dans sa veste. Il voulut le reprendre pour l'examiner plus attentivement. Malheureusement, la vipère réchauffée s' empressa de le mordre.

Nullement pris au dépourvu, il élargit aussitôt la plaie, se mordit à son tour et rallia la plus proche pharmacie. Il se sentit mal à l'aise durant quelques jours, avant de rire de cette mésaventure: «Bast! je n'aurai pas de rhumatismes», se dit-il pour se consoler. Il croyait, en effet, que le venin des reptiles ophidiens constituait le préventif idéal contre cette maladie!

Après Arcachon, Montargis l'accueillit. Il s'y remit à l'œuvre et éleva ses premiers Râles des genêts - surnommés, par Delamain, Ventriloques des prairies - qu'il avait attrapés dans les prés que borde le Loing.

Enfin, après un séjour à Saint-Nazaire, il se réinstalla dans son pays vendéen, à la Roche-sur-Yon. Il y acquit rapidement une réputation de prestidigitateur du règne animal: de notoriété publique, aucun oiseau ne lui était inaccessible.

Dans le premier appartement qu'il occupa, place Napoléon, il se contenta, pour la distraction de sa clientèle (et son propre plaisir) d'élever des Perdrix rouges en compagnie de Fauvettes. La Grande Guerre l'obligea à poursuivre provisoirement sous d'autres cieux ses expériences ornithologiques. En Lorraine, à la faveur des veilles, il apprécia beaucoup le voisinage des Nocturnes.

C'est en 1917 que Roger Reboussin fit sa connaissance, à Toul, à la suite d'un échange de lettres enthousiastes. Point n'était question de rester en ville. Émile Plocq, infatigable, entraîna son nouvel ami en pleine campagne, jusqu'aux rochers de Frouard qu'il s'empressa d'escalader gaillardement, sans se servir de crampons. Revenu à La Roche-sur-Yon, Plocq s'installa rue Clémenceau, dans une maison plus spacieuse dont il transforma le grenier en volière. Disons plutôt qu'il en fit une miniature de zoo et un cirque gratuit, pour la joie de ses concitoyens.

On y rencontrait, voisinant avec ses pensionnaires ailés, un lièvre apprivoisé qui jouait du tambour, une loutre qui obéissait au doigt et à l'œil et une fouine parfaitement civilisée. Dans un angle de ce grenier, nichait un Chat-huant auquel son propriétaire avait transmis son sens de l'amabilité et son goût de la facétie. Cette Hulotte était l'attraction la plus appréciée de la ménagerie Plocq : elle portait le plus souvent des lunettes et accueillait les visiteurs coiffée d'un chapeau de papier.

C'est seulement en 1927 que ce dilettante du naturalisme vit s'épanouir le rêve de ses jeunes années. Ayant fait construire une demeure à la mesure de ses aspirations, il se lança dans un élevage d'oiseaux de vaste envergure. A cette fin, il transforma son jardin en une grande volière où prirent successivement pension des représentants de toutes les espèces qui nichaient ou stationnaient en Vendée.

Pour alimenter ce refuge expérimental, il fouilla inlassablement sa région natale, du bocage au marais et à la plaine. Sa femme, conquise par l'originalité de cette entreprise, l'aidait à préparer les trois repas des pensionnaires. II réussit à faire cohabiter des oiseaux dont on eût pu redouter une dangereuse incompatibilité d'humeur, par le seul effet de sa vigilante et active présence.

Une télépathie peu ordinaire faisait de lui un détecteur incomparable. Un changement de vent ou une soudaine ondée le poussait à enfourcher sa bicyclette. Il se dirigeait alors instinctivement, comme attiré par un aimant, vers le terrain le meilleur. Là, où l'avait conduit sa bonne fortune, Plocq faisait connaissance avec des otages provisoires. Sa science du piégeage s'accompagnait d'une paralysante tendresse. Il savait si bien contrefaire les chants enjoués de la parade, pour désarmer les méfiances! Ses imitations étaient souveraines lorsqu'il agitait, en même temps, un Coucou empaillé, au col armé de gluaux. Si des Gorges bleues se cachaient en marais, sous les algues de la sangsue de drainage, il lançait de petites pierres sur leur abri pour les inviter à s'envoler dans la direction de son piège, où frétillait un vers de farine. De même s'assurait-il la conquête de l'insaisissable Fauvette pitchou, dont le chant grinçait sur l'ajonc, et qui, d'ordinaire, se repliait prestement dans un nid introuvable.

Breughel : Le dénicheur

Dès qu'il avait réussi une performance particulièrement délicate, Plocq l'annonçait, aux uns et aux autres, avec sa verve de boute entrain. Lorsque ses amis, quelques semaines plus tard, venaient admirer les derniers invités, ceux-ci, tout à fait rassurés, se servaient, comme d'un perchoir - à l'instar de leurs prédécesseurs des bras et des épaules de leur souriant ravisseur.

Les Rapaces n'étaient pas négligés. Plocq subtilisait la nichée du Busard Montagu ou du Faucon hobereau, puis la rapportait, sans plus de façon dans son sac à provision.

A force de le voir errer dans leur royaume, certains oiseaux libres s'étaient habitués à lui. Sa présence parmi eux faisait presque partie de leurs habitudes. Quelques-uns même paraissaient rechercher sa compagnie. On eût pu supposer qu'ils extériorisaient une timide envie de connaître l'existence des prisons, enchantées dont il garantissait la sécurité. Ils agissaient comme si quelques-uns des leurs - récemment libérés - leur en avaient vanté la douceur et le confort.

Émile Plocq ne se lassait jamais de ses succès. Il lui tenait à cœur d'ajouter d'autres prouesses à son actif. Il grimpait alors à des chênes ou à des ormes et progressait, sous leurs branches ombreuses, jusqu'au refuge du Pivert ou du Torcol, de la Huppe ou de la Sittelle. La chance aidant, il rapportait chez lui une famille entière.

Tous les habitants de La Roche-sur-Yon considéraient comme un personnage providentiel ce naturaliste prodige qui traduisait sa science en mots espiègles. Son entrain, son inaltérable bonne humeur ajoutaient à l'attraction de sa pittoresque personnalité. Il était l'homme que ses concitoyens conseillaient d'aller voir à tous les visiteurs de la région: «Pensez donc, il sait apprendre tant de choses en distrayant son auditoire!»

Sa renommée séduisit quelques grands naturalistes. Certains, tels le docteur Bureau, le spécialiste des Macareux, et Auguste Ménégaux, assistant du professeur Trouessart au Muséum d'Histoire Naturelle de Paris, ne dédaignèrent pas de lui rendre longuement visite. Ils avaient reconnu, derrière des apparences d'amuseur public, un puits de science de l'avifaune française. Malgré ces flatteuses marques d'estime, Émile Plocq ne brigua aucune distinction; la grisante possession de son terroir suffisait à combler ses vœux. «La plus petite fleur de la forêt fait mieux à ma boutonnière» disait déjà le peintre des arbres, Théodore Rousseau.

Après avoir reçu, des voix les plus autorisées, les félicitations qu'il méritait, Plocq repartait naturellement en maraude; il se retrempait dans son atmosphère. Dans une tour abandonnée, qu'il ne savait hantée que par des bêtes ailées, il exploitait les faveurs de la nuit tombante pour faire une invraisemblable récolte de Choucas et de Chauves-souris.

Si son intuition et son expérience du terrain guidaient ses pas, l'infaillibilité de son coup d'œil et sa sûreté de geste complétaient ces enviables avantages. Arrivé à pied d'œuvre, Plocq baladait, comme un faisceau lumineux, un regard exercé qui déshabillait la terre de son revêtement. Puis il se faufilait, ainsi qu'une anguille, le long de fossés abrités sous des racines entrecroisées de tamaris. Il écartait délicatement des algues vertes, étalées près d'une eau jaunâtre; dans sa muette reptation, il excellait à délier cet enchevêtrement.

L'oiseau et sa famille se retrouvaient dans la veste de cet illusionniste rusé sans avoir pu esquisser un mouvement. La volière miraculeuse les attendait... Aussitôt rentré, Plocq sortait la nichée de sa poche. Suivait l'installation, compte tenu des besoins naturels de ces nouveaux venus. Il recréait leur refuge en déployant des trésors d'ingéniosité. Les Gorges-bleues retrouvaient des racines de tamaris. Les Pics épeichettes pouvaient tambouriner sur de vieilles boîtes de cigares. Les Mésanges bleues récupéraient leur creux coutumier, au milieu d'une branche pourrie. Le cadre vital, fidèlement respecté, était curieusement reconstitué dans ce séjour pourtant artificiel, établi à l'abri de toute menace.

Pour choisir la nourriture la plus appropriée, Plocq ne s'épargnait aucun dérangement. Il veillait à ce que le vermisseau ne manquât jamais. Une ration de vérons frais et vifs était réservée chaque soir aux Grèbes castagneux et aux Martins-pêcheurs. La saine croissance et la prospérité des oisillons - qu'il appelait «mes petits nourrissons» - lui semblaient plus précieuses que le sommeil du juste. Dans cette communauté modèle, un Cincle déjà grand avait nourri, bec à bec, un Grimpereau des jardins

Martin-pêcheur

Martin-pêcheur

Comme à ses débuts, Plocq constata maintes fois, autour de son jardin, la sautillante présence d'anciens captifs rendus aux espaces libres depuis un certain temps. Ceux-ci reconnaissaient les lieux et paraissaient chercher des têtes connues, comme poussés par le désir d'échanger des souvenirs.

Le plus frappant contraste qu'offrait ce père nourricier fougueux et sensible, patient et prompt, au visage enfantin barré de longues moustaches, résidait dans un inaltérable mélange de douceur et d'intrépidité. Au repos, son petit corps sec ne laissait pas deviner ses longs muscles, son équilibre athlétique mis au service d'une exemplaire vitalité. Force tranquille, adresse, agilité se conjuguaient pleinement dans les grandes occasions.

C'était le cas lorsque Plocq, pour atteindre de jeunes Autours, s'élevait jusqu'à la cîme de pins maritimes géants. Il grimpait pieds nus; les pouces de ses doigts de pied l'aidaient à s'agripper. Il avait observé les allées et venues des Rapaces adultes et enregistré le temps moyen de leurs sorties. Sans précipitation mais aussi sans faiblesse, il pouvait réussir son rapt avec le minimum de gestes.

Quand les parents Autours réintégraient leur pin, ils n'apercevaient qu'un cycliste qui fuyait sur la route, avec un sac à provisions pendu à son guidon.

Émile Plocq n'agissait guère différemment lorsque, confiant provisoirement ses volières aux bons soins de son épouse, il se rendait en Bourgogne afin d'y jouer quelque tour à l'Aigle Jean-le-Blanc. Là-bas aussi, il épiait longuement le vol et le va-et-vient de ce consommateur de serpents aux ailes d'un brun cendré, bordées de rémiges noires. Le nid du Rapace, les possibilités d'accès, le long des aspérités rocheuses, provoquaient sa recherche ardente.

Enfin, le Jean-le-Blanc se dirigeait vers un autre lieu de chasse. Plocq le voyait qui s'immobilisait dans le ciel, par des battements d'ailes précipités, avant de s'éloigner définitivement.

Cette fois, l'homme avait le champ libre; il se régalait à l'avance de son escalade. En l'absence de l'oiseau de proie, il s'accrochait aux saillies du roc pour surprendre ses petits: une belle récompense l'attendait, au bout de son effort. De Bourgogne, Plocq rapporta également des Grands-Ducs.

Des admirateurs, l'entraînèrent ensuite en Camargue, dans les garrigues et même dans le Sud-Algérien. A El Golea, il manqua faire une chute mortelle en dénichant une Buse féroce.

Cet accident malheureux resta une exception. Pourtant, il ne cessa d'accomplir les plus téméraires acrobaties. Sur des îlots de la Manche, il attrapa, à flanc de rocher, de jeunes Faucons pèlerins, avant de prendre des Thalassidromes, au retour de leur vol crépusculaire.

Dans ses ascensions, il mettait autant d'élégance que de désinvolture. Arrivé sur les lieux en col dur, il quittait seulement son veston et, parfois, ses bottines et ses chaussettes. Alors, coiffé de son inséparable casquette, il s'élevait, le long du tronc, ou de la paroi, sans faire d'accroc à son pantalon.

Les qualités du nageur valaient celles du grimpeur. Selon Roger Reboussin, Plocq s'était inspiré, pour mieux coordonner ses mouvements dans l'eau, du secret des loutres qu'il avait élevées. Il emportait souvent l'une d'elles dans ses tournées. L'amphibien prenait place dans l'éternel sac accroché à la bicyclette de son maître. Dès qu'il passait près d'un étang, l'horloger ornithologue mettait pied à terre et donnait à la loutre le signal des ébats nautiques. Ils prenaient un bon bain en commun. Puis l'homme regagnait la berge, se rhabillait et se complaisait à suivre la seconde phase de la baignade. Enfin, il donnait le signal du départ. D'un coup de sifflet, il rappelait la loutre, qui revenait docilement se blottir dans son sac de promenade.

Ayant assimilé les leçons de ce professeur de natation particulièrement qualifié, Émile Plocq jeta son dévolu sur un ėlot escarpé, au large de l'embouchure de la Loire. Tour à tour nageur audacieux et escaladeur expérimenté, il prit l'habitude de se hisser une fois l'an sur ce promontoire isolé dont il rapporta un précieux souvenir: une couvée d'Eider, rarissime en France.

A soixante ans, ce champion du naturalisme viril ne songeait pas à ralentir ses activités. Son jardin d'acclimatation accueillait encore de nouvelles espèces. Il éleva de blanches Échasses des marais d'Olonne aux longues jambes rose vif, un Râle de Baillon, une Marouette, des Locustelles, des Merles de roche et des Guiffettes noires dont la nourriture était présentée au bout de pinces.

Aux yeux de tous, il passa pour le meneur de jeu des ébats aériens qui réjouissaient la ville. Ses premiers succès de dressage paraissaient bien pâles auprès de la prestigieuse autorité qu'il avait acquise. Il attrapa des Becs-croisés dans le cimetière de La Roche-sur-Yon. Sur les remparts de sa cité, il réussit à coiffer, dans une crevasse, un Tichodrome édhelette - hibernant erratique, aux ailes roses et noires, dont il avait repéré le vol insolite.

On ne s'étonnait plus à voir trottiner à son côté une martre apprivoisée qui rentrait, au commandement, dans la poche de son compagnon. Son escorte des airs était autrement spectaculaire: il lâchait quelques douzaines de ses pensionnaires pour couronner ses déplacements et parcourait, à bicyclette, les rues de La Roche-sur-Yon en compagnie d'Hirondelles de cheminée et de Sternes Pierre-Garin qui le suivaient au vol ou zigzaguaient avec lui, d'une artère à l'autre. S'il s'arrêtait, elles descendaient pour prendre les friandises qu'il leur réservait et attendaient le signal d'un nouvel envol.

Les commissions terminées, les oiseaux de service réintégraient le domicile avec leur patron. Alors, celui-ci faisait son tour du propriétaire et paraissait s'enquérir des moindres désirs de ses hôtes. Chacun d'eux était affublé d'un prénom ou d'un sobriquet à son image.

Plocq allait assez rarement à Paris. Quand il entreprenait ce bref voyage, il emportait toujours quelques oiseaux. Il lui arriva, au milieu des Champs-Élysées, alors qu'il devisait avec le prince Paul Murat, de sortir de ses poches quatre Hirondelles.

- Je les lâche, dit-il.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Les oiseaux se dégourdirent les ailes dans le ciel parisien et prirent en enfilade la célèbre perspective Étoile-Tuileries. Quelques minutes plus tard, ils étaient revenus à leur point de départ.

Plocq fit entendre un petit sifflement et tendit les mains. Les Hirondelles répondirent à son invite et réintégrèrent leur demeure provisoire, dans la veste du Vendéen. Ce dernier se livra au même jeu, à plusieurs reprises, avec un succès identique. Il varia même les plaisirs au dernier rassemblement: à son appel, les quatre insectivores se posèrent côte à côte sur sa main tendue.

Murat

Prince Paul Murat, président de la Société d'ornithologie

Une autre fois, dans un train, Plocq stupéfia tous ses voisins de compartiment. Durant un arrêt, un chant d'oiseau avait éveillé son attention. Il quitta son wagon subitement et ne le réintégra qu'au coup de sifflet du départ, porteur d'une nichée pépiante.

Les naturalistes vendéens Batiot et Durand, qui accompagnaient souvent cet ornithologue magicien dans ses randonnées, furent maintes fois frappés par la cocasserie de ses trouvailles. Louis Batiot apprécia particulièrement l'aisance de cette faculté en dénichant des Sternes Pierre-Garin en compagnie de son ami. Ils avaient eu le bonheur de mettre la main sur une couvée proche de l'éclosion, mais ils devaient se déplacer dans la vase pour regagner la terre ferme. Leurs trophées les encombraient. Émile Plocq émit alors une idée lumineuse:

- J'ai trouvé un truc épatant: mettons les œufs dans la bouche. Comme ça ils ne refroidiront pas et nous aurons les mains libres.

Cela fait, ils avancèrent plus facilement, les joues gonflées.

Les guettant sur la rive, leur ami Durand ne s'expliquait pas leur mutisme et leur grand sérieux.

Nombre de jeunes Vendéens formaient, autour du maître des oiseaux, une cour émerveillée. Ils lui manifestaient un attachement tel que ses sorties du jeudi et du dimanche prenaient l'aspect d'une classe en vacances. Ces élèves volontaires admiraient leur savoureux professeur dé zoologie, non seulement parce que ses cours sur le vif marchaient de pair avec d'étonnantes démonstrations, mais surtout parce qu'il parlait leur langage sans effort. Plocq demeurait fidèle à ses jeunes années sans nostalgie, sans amertume. Comment aurait-il fait pour regretter son premier âge, puisqu'il ne s'était jamais senti vieillir. Son habileté à grimper aux arbres où nichaient le Loriot, le Milan royal ou le Gobe-mouches servait sa réputation, auprès de ses ardents disciples, au même titre que son savoir imagé.

Les gosses regagnaient la ville en commentant les spectacles qui leur avaient été offerts par l'intarissable sexagénaire. Chemin faisant, ils échangeaient leurs impressions sur la plongée au fond des herbes de la Fauvette pitchou ou le vol nuptial et le bêlement surprenant de la Bécassine, que charriait un vent intrépide. Puis ils se penchaient sur leur découverte du jour, caressant jeune Mésange à tour de rôle.

A la vérité, cette peu discrète compagnie ne facilitait pas les approches délicates. Mais Émile Plocq n'en avait cure. Il parachevait sa mission de semeur de joie. En riant, il appelait «mes fidèles esclaves» les membres de cette troupe touchante.

Pourtant, sa dernière sortie fut solitaire. C'était le 19 novembre 1937. Huit jours plus tôt, il avait encore pris un Grèbe castagneux au bord d'un étang. Il était revenu sur les mêmes lieux dans l'intention de rapporter un Bouvreuil précédemment repéré. L'accompagnait une femelle de la même espèce parfaitement apprivoisée.

Grâce à cette efficace complicité, il put attirer plus facilement le mâle qu'il convoitait. Ce gentil nigaud s'avança sans méfiance au devant du piège qui l'attendait. Quelques minutes plus tard, il faisait plus amplement connaissance avec l'aguichante femelle, sous l'égide d'Émile Plocq.

Il gelait presque. Une petite pluie glaciale se mit à tomber et précipita le retour. L'éleveur prodige pédalait avec entrain, tout heureux du bon tour qu'il venait de réussir. Brusquement, ses yeux ne virent plus la route; la nuit tomba sur son être; ses mains desserrèrent le guidon de la bicyclette; son corps s'affaissa sur le cadre; la machine sans conducteur fit une embardée; une masse inerte bascula sur la chaussée. Les deux Bouvreuils furent écrasés dans la chute.

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A l'église, le surlendemain, les amis pétrifiés qui assistaient à l'office funèbre d'Émile Plocq pensèrent d'abord qu'ils étaient les jouets d'une hallucination.

Quelques personnes regardèrent discrètement la voûte et n'en crurent pas leurs yeux: un oiseau volait sous la nef. Bientôt, tous les hommes et toutes les femmes assemblés s'échappèrent de leur recueillement et s'attachèrent à ce curieux messager. Intimes du défunt, ils refusaient, sur le moment, de voir, dans cette présence ailée, le seul effet d'un hasard. Quelques spécialistes désignaient l'émouvant intrus:

«Oh! par exemple, un Rouge-queue noir... Vous avez vu, c'est un Titys».

Oui, c'était bien l'oiseau familier des pans de mur et des pierres croulantes qui survolait la dépouille d'Émile Plocq. Il accomplissait son devoir, comme délégué par tous les petits nourrissons de la fabuleuse volière. Les plus émus voyaient, dans cette mouvante image, le symbole même d'une âme.

Le Titys fit mieux pour honorer un légendaire pouvoir de persuasion qui paraissait s'exercer au delà de la mort. Il vint se poser sur le cercueil qu'il caressa de sa longue queue rousse. Puis il lança son cri d'appel, «tsip-tsip», comme pour rendre un dernier hommage.

Il est regrettable qu'Émile Plocq ait voulu n'être qu'un homme d'action dans son passionnant apprentissage de la nature. S'il avait rédigé régulièrement des notes sur ses expériences, il eût acquis une place de choix au tableau d'honneur de l'Histoire Naturelle. Malheureusement, sa désinvolture et sa répugnance à coucher sur le papier le fruit de ses observations minimisent aujourd'hui le rôle qu'il a joué.

Devant un feuillet à noircir, l'ennui le gagnait. Il se lassait vite et préférait retrouver l'air des champs et des bois. Il n'a laissé que de rares communications à la «Revue Française d'Ornithologie». Du fait de cette négligence, une part de son œuvre s'est éteinte avec lui.

Cependant, il ne faut pas conclure trop vite. D'une manière moins directe, l'horloger vendéen a laissé des traces. Son exemple a parfait une méthode de travail adoptée aujourd'hui par des continuateurs plus enclins à léguer les enseignements qu'ils ont glanés au fil des jours.

Un jour, Émile Plocq apprit dans sa ville, de la bouche d'un ornithologue parisien de passage, qu'un adepte marchait sur ses traces au centre même de la capitale. Le truculent charmeur voulut immédiatement faire la connaissance de son sympathique concurrent. Il lui écrivit, prit rendez-vous; quelques jours après, il se présenta pour apprécier, en connaisseur, ses réalisations.

Il ne tarit pas d'éloges et offrit spontanément ses services pour améliorer l'échantillonnage de son jeune confrère.

La parole fut tenue. Plocq ne laissa passer aucune occasion de revoir cet émule. Son irruption chez Marcel Legendre s'accompagnait toujours du même mot de passe :

- Bonjour ! Voici le plus heureux horloger de France !

Cela dit, le joyeux visiteur retournait ses poches pour exhiber son nouveau cadeau. Il caressait des Gorges-bleues avant d'annoncer :

- Ils sont à vous... J'ai confiance, ils seront bien soignés !

Un homme comme Marcel Legendre, secrétaire de rédaction à la revue «L'Oiseau», membre du comité ornithologique international, et qui fut le dirigeant actif d'une section de la société d'Acclimatation, n'hésite pas à se réclamer de l'influence d'Émile Plocq. Il considère ce dernier comme un génie de la nature. Cette fidélité, cette reconnaissance éclairent le caractère d'un chercheur passionné qui déteste ouvertement la civilisation mécanique, adore les beautés de la création et s'efforce de demeurer un romantique, au sens le plus primitif du terme.

Pierre Pellerin : Des Hommes parmi les Oiseaux
Éditions Crépin-Leblond, 1956

Plocq

Emile Plocq

 
Pour en savoir plus  :
L'homme qui parlait avec les animaux

 


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