Bourron-Marlotte
MAISONS D'ARTISTES

LA BARONNIE
17-19, rue Armand Charnay

baron taylor
La Baronnie 15/19, rue Armand Charnay

BARON TAYLOR
(1789-1879)
Isidore Justin Taylor né à Bruxelles de parents anglais. Grand voyageur, gourmand de tous les arts, il fut en quelque sorte un «honnête homme d'art», comme on disait au 18e siècle, et un éminent philanthrope. Par tradition familiale il prépara polytechnique, sous l'Empire il sera aide-de camp du général Grimod d'Orsay durant la campagne d'Espagne, mais le jeune homme ne se sentant pas la fibre militaire se fera mettre en disponibilité pour se livrer à un vagabondage d'artiste cultivé.
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Il entreprendra la rédaction des Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France (1820-1863) auxquels ont collaboré Charles Nodier et quelques grands illustrateurs, parmi lesquels Isabey et Ciceri, ses futurs amis de Marlotte. Il publie des articles dans les gazettes, traduit et écrit des pièces de théâtre, devient administrateur, commissaire au Théâtre Français. Il est anobli par Charles X qui le fait baron.

De sensibilité romantique à tout crin, le baron Taylor permit par sa fonction de Commissaire Royal près le Théâtre Français de 1825 à 1840, la création à la Comédie Française de quelques pièces de ses amis, Hernani pour Victor Hugo, Henri III pour Alexandre Dumas.

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Isidore Justin Taylor à 22 ans

Taylor soutient courageusement la révolution romantique contre un classicisme trop bien établi pour ne pas entrer en décadence.

C'est avec la lecture de Christine à Fontainebleau, mettant en scène la reine Christine de Suède et son amant Monaldeschi (qu'elle fera tuer), pièce reçue à corrections au Théâtre français mais non jouée, que débute la longue relation entre Taylor et Dumas.

Sa généreuse protection eut un rôle déterminant dans l'histoire du mouvement romantique comme dans la carrière de ses écrivains les plus marquants*.

* Jules Laurens met un petit bémol à ce panégyrique louangeur du généreux mécène. Cf : La Légende des ateliers

Vers 1828, le baron Taylor se rendit en Égypte, accompagné du peintre orientaliste Adrien Dauzats (1808-1868). Les deux artistes débarquent à Alexandrie, visitent la ville puis remontent le Nil jusqu'au Caire après une escale à Rosette. Ils poursuivront leur voyage dans la vallée du Nil, avant de parcourir le Sinaï, la Palestine, la Syrie, et de découvrir Palmyre et Baalbek.
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Adrien Dauzats par Loÿs Delteil
Ces voyages feront l'objet de passionnants récits illustrés, tant par leurs auteurs que par Alexandre Dumas qui n'y a pas participé mais disposait d'une belle imagination.

Ce fut au baron Taylor que l'on doit l'acquisition de l'obélisque de Louxor et son acheminement vers Paris. Plus tard, lors d'un autre voyage, il acquerra pour le Musée du Louvre le remarquable ensemble de peintures qui fonde la Galerie espagnole.

En tant que philanthrope, Taylor sera l'initiateur des premières associations de secours mutuel permettant à tous les créateurs, qu'ils soient inventeurs, architectes ou aux artistes, dramatiques, musiciens, peintres, sculpteurs, de bénéficier d'une assistance en cas de besoin. Il participera aux premières sociétés d'assistance aux enseignants, à la création de la Société des Gens de Lettres, sans jamais cesser de s'adonner lui-même à tous les arts.

C'est Adrien Dauzats et Loÿs Delteil qui ont fait connaître Marlotte au baron Taylor, où il acquit une maison située dans le périmètre d'une propriété divisée depuis plus d'un siècle, comprenant aujourd'hui, entre autres, les N°17 et 19 de l'actuelle rue Armand Charnay.

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Baron Taylor par Nadar
Être d'une profonde générosité, Isidore Justin Taylor accédera à tous les honneurs, sous tous les régimes: Académie des Beaux-Arts, Sénat, Légion d'honneur. Mais sa vocation profonde restera toujours celle de secourir les gens dans le malheur, de soulager toutes les misères.

«Il faut secourir avant d'être secouru, c'est à ce prix que le secours honore et celui qui le reçoit et ceux qui le donnent.»

Après s'être dévoué sans relâche, avoir donné des millions à des contemporains frappés par le malheur, il connut lui-même la pauvreté qu'il supporta avec la plus grande dignité.

Le jour de ses obsèques plusieurs centaines de milliers de Parisiens accompagnèrent son cerceuil au Père-Lachaise.

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Monument du Baron Taylor au cimetière du Père-Lachaise

Edme Saint-Marcel
(1819-1890)

Edme Saint-Marcel
Edme Saint-Marcel par Delteil

Cette propriété hébergea l'excellent peintre paysagiste et animalier Edme Saint-Marcel vers la fin de sa vie. Il s'était formé à l'école de Steuben, de Caruelle d'Aligny et de Léon Coignet. Il travailla durant quelques années auprès de Delacroix, fréquentant avec lui la fauverie du Jardin des Plantes, échangeant leurs techniques, si bien que les études de l'élève furent parfois si proches de celles de son maître que de rigoureux experts s'y sont laissé prendre !
Lionne
Repas de la lionne
Saint-Marcel vint assouvir sa passion de la nature à Fontainebleau où il s'établit vers 1845. Il y brossa de somptueux paysages de la forêt et de ses animaux. Malgré son immense talent, cet artiste probe menant une simple, ne parvint jamais à atteindre une notoriété suffisante pour lui permetre de vivre de son art sans tirer le diable par la queue. Profondément déçu dans ses ambitions - nulle récompense ne venant couronner son travail -, Edme Saint-Marcel perdit peu à peu confiance en lui et mit fin à ses jours, en 1890.

Dans son ouvrage : Mes Relations d'Artiste, Amédée Besnus rend un vibrant hommage à cet artiste méconnu. «Edme Saint-Marcel»

Catherine Fonteney
(1879-1966)

Catherine Fonteney

L'élégante et discrète actrice de la Comédie Française Catherine Fonteney (Marie Fontaine), élève de Réjane et de Le Bargy, loua cette demeure vers 1900. Ce fut sur la recommandation de Jules Renard. En effet, le timide auteur de Poil de Carotte qui séjournait à proximité, était tombé follement amoureux de la belle comédienne lorsqu'elle répétait son rôle de Madame Lepic dans Poil de Carotte. Les potins de l'époque affirment que ce fut un amour platonique !

Renard avait tiré cette pièce de théâtre - que l'actrice interprêta en 1900 - de son roman à succès écrit lorsqu'il s'éait retiré quelque temps à Marlotte, vers 1893, pour travailler en paix.

Catherine Fonteney revint plusieurs années de suite dans cette demeure jusqu'à la veille de la guerre de 1914/1918.

Jules Renard
Jules Renard
Ce fut semble-t-il le poète Stéphane Mallarmé qui, de Valvins, amena un jour Jules Renard à Marlotte où l'on dit qu'il écrivit Poil de Carotte (paru en 1894).

On trouve, en date du 14 septembre 1893, dans son délicieux Journal, une anecdote amusante de son séjour dans notre village.

«Hier, dans la forêt de Fontainebleau, j'ai croisé M. et Mme Carnot. Ils étaient en voiture. M. Carnot porta la main à son chapeau, et Mme Carnot commença de sourire. «Tiens !» me dis-je. «Voilà des gens qui me connaissent.» Mais, comme je ne les connaissais pas, très réservé, je n'ai pas répondu.»

Ainsi, en ce temps-là, le Président de la République Sadi Carnot (qui sera assassiné l'année d'après) se promenant en forêt avec son épouse, sans protection rapprochée, pouvait esquisser un salut à l'adresse d'un inconnu... Belle époque, en effet !

La tradition (ou la légende) situe la demeure où résida Renard à Marlotte, au N°8 de l'actuelle rue Palezzi, en face de l'ancien puits. Après la mort de son époux, Mme Renard comme bien d'autres veuves abusives, détruisit irrémédiablement une partie importante de son Journal avant d'en autoriser, tardivement, une publication expurgée.

La lecture du "Journal" de Jules Renard suscita indirectement, plus tard, une autre vocation littéraire chez un immense écrivain : Emil Cioran.

Il a raconté plusieurs fois et de plusieurs manières comment il prit sa décision ferme et définitive d'écrire en français.

Durant l'été 1947 Cioran, s'escrimait à traduire Mallarmé dans sa langue maternelle. « Je me trouvais à Offranville, un petit village près de Dieppe, en vacances, et je m'amusais à traduire Mallarmé en roumain. »

Ne trouvant pas en lui les correspondances exactes nécessaires à ce travail, il voulut se rendre compte par lui-même du cadre où le poète avait trouvé son inspiration.

Il se rendit donc à Valvins par le chemin des écoliers - toujours à bicyclette selon son habitude - traversant la forêt de Fontainebleau qu'il connaissait bien pour l'avoir maintes fois parcourue avec son ami Lebacqz.

Le soir venu, il longea la berge du Loing et trouva un hébergement sommaire chez l'habitant à Bourron-Marlotte.

Insomniaque, il est en train de lire quelques pages du Journal de Jules Renard, lorsqu'un clin d'œil de son confrère le convainc de l'absurdité de son projet d'adapter le poète dans sa langue : « Mallarmé, intraduisible même en français ».

Il décida aussitôt de renoncer à écrire en roumain, et du même coup à sa patrie, pour écrire et penser en français. Il le fit complètement, sans regrets et sans recours.

Ce fut donc, semble-t-il, dans notre village que grâce à la complicité de Jules Renard, Cioran devint un écrivain de langue française, sans que jamais il n'en ait pris la nationalité ! «Cioran»

Cioran velo
Emil Cioran et son vélo à Nice
Au début du XXe siècle, La Baronnie, comme beaucoup d'autres propriétés disposant de vastes terrains, fut divisée, et vit de nouvelles constructions s'élever sur son domaine. La municipalité donna un nom aux rues et un numéro fut attribué à chaque demeure. Ainsi l'ancienne Baronnie fut-t-elle partagée en N°17 et 19. Si bien que l'on ne sait plus très bien si le Baron Taylor résida dans la demeure du 17 ou celle du 19 de l'actuelle rue Armand Charnay.

Ce qui est sûr, est que de nos jours le N°19 hébergea l'éminent professeur Guy van Renterghem qui enseigna l'Histoire à des générations d'élèves de l'École alsacienne sous le nom de Guy Varenne, « plus facile à retenir que mon imprononçable patronyme » aimait-il à leur dire. Sa fille Marion, grand reporter au journal Le Monde depuis 1998, est lauréate du Prix Françoise Giroud.

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Guy Varenne


Dictionnaire du Gâtinais «Dico»

 
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