FRÉDÉRIC-CHARLES EDE
(1865-1943)

Peintre canadien, Montignon d'adoption,
pionnier de l'étude des roches gravées en forêt.

Ede
Portrait de Frédéric Ede par Lucien Cahen-Michel
Le peintre Frédéric-Charles-Vipont EDE, d'origine canadienne, est né le 22 février 1865 à Ottawa et y décède en 1943. Passionné de dessin et de peinture depuis son enfance, il vient en France, vers sa vingtième année, et s'installe à Paris, pôle artistique pour tous les jeunes talents.

Il fut l'élève de Tony Robert-Fleury et de Bouguereau, maîtres reconnus et chefs d'école pour un grand nombre de peintres "officiels" du 19e siècle.

A l'Académie Julian, il se lie d'amitié avec Numa Gillet et Michel Korochansky, qui l'emmènent à Montigny. Là tout l'enchante, la forêt, les bords du Loing, les prairies, les animaux de ferme, le canal, et il abandonne Paris pour Sorques. Il s'installe au café Coffin qui prenait des pensionnaires, touristes ou artistes de passage. Ede, lui, reste sept ans, se trouvant à l'aise dans ce chaleureux milieu d'artistes aux conceptions si variées, véritable creuset de l'art moderne.

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Frédéric Ede : Bords du Lunain
Il y retrouvait Gillet et Korochansky, ses camarades de Paris; Korochansky habitait Sorques avant de faire construire sa maison de Montigny. D'autres encore tel Gihon de l'Académie Julian, puis Virion, Boué, Joseph Cloix, Marsac, Malleval, les peintres qui travaillaient la faïencerie de Montigny. Les Van Coppenolle, les habitués de Haute-Claire à Marlotte et tous les artistes étrangers, Canadiens, Américains, Suédois qui fréquentaient l'hôtel Chevillon à Grez.

Frédéric-Charles s'éprend de la fille du boulanger, mademoiselle Deshayes, qu'il épouse en 1896 et dont il aura trois enfants. Ils habitent "le Verger" dans la grande rue de Montigny, maintenant rue Montgermont. Il y a son atelier, mais il travaille surtout en plein air. Il partait à pied ou à bicyclette avec son chevalet et sa boîte de couleurs, pour des croquis, des huiles mais surtout des aquarelles très lumineuses, "enlevées" d'un pinceau sûr.

A cette époque, le maître Allongé travaillait à Marlotte. Eut-il une influence sur les aquarelles de Frédéric Ede? C'est possible. Plus tard, il devint l'ami du grand naturaliste que fut le docteur Dalmon, installé à Bourron en 1906. Celui-ci lui rend hommage dans son ouvrage Fontainebleau, antique forêt de Bierre :

«Un de mes meilleurs amis, enfant des forêts canadiennes, a fixé la forêt de Bierre en d'émouvantes aquarelles. Mais lui seul... et moi, en avons connaissance. Du reste, hommes des bois dans la forêt déserte, nous sourions au temps qui modèle la matière du monde pour les fins qui nous dépassent, ignore les hommes et leurs ambitieuses entreprises.»

Vers 1920, lorsque Lucien Cahen-Michel se fut installé à Montigny, séduit lui aussi par la lumière et les sites si riants de la vallée du Loing, on les voyait parfois de compagnie installés avec leur chevalet dans la Trentaine, au bord du canal, dans les prés, peignant l'église, le barrage, le vieux moulin, les reflets des nuages dans l'eau si claire de la rivière.

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Frédéric Ede : Le Café Coffin
Les vieux Montignons se rappellent Frédéric Ede, si semblable au très beau portrait qu'a laissé de lui son ami Cahen-Michel, ce beau regard clair et vif, ce sourire aimable. C'était un homme très bon, disent unanimement ceux qui l'ont bien connu, qui se mêlait peu à la vie du village, absorbé par son art et ses recherches archéologiques.

Car pour les naturalistes, les chercheurs, Frédéric Ede est aussi un précurseur dans l'étude des roches ornées. Vers 1909, il a eu connaissance de la légende qui entoure la "Roche au Nom", banc de roche en surplomb où les vieux du pays se rappellent avoir cherché abri avec leur troupeau: un jeune homme, se voyant refuser la main de celle qu'il aimait, se donna la mort sous cette roche. C'est à lui que nous devrions les nombreux dessins cruciformes gravés dans la grotte. Frédéric Ede a admis cette légende jusqu'au jour où, cherchant le motif d'une aquarelle en forêt de Fontainebleau, il découvre au Mont Aiveu, en 1911, une roche-abri couverte de signes gravés semblables à ceux qu'il connaissait à la "Roche au Nom".

signes prehistoire
Gravures rupestres Fontainebleau
Du coup, l'explication fournie par la légende ne lui suffit plus. Il parcourt le sud de la forêt à la recherche d'autres roches gravées des mêmes signes. Très rapidement, il étendra sa prospection, en 1912, des Roches Marion jusqu'au Vaudoué et Noisy-sur-École, Nemours, le Puiselet, Larchant, Villiers, etc.

Déjà des artistes locaux s'étaient passionnés pour ces recherches préhistoriques. C'est Thomas-Marancourt au Croc-Marin en 1891 et 1892, Numa Gillet à Haut-le-Roc en 1896 et 1910, aux Roches en 1904. Le peintre Hariveau a trouvé de nombreux objets de bronze au "Marion des Roches". A Bourron, le docteur Durand a fouillé en de nombreux endroits, découvrant lui aussi de belles pièces préhistoriques.

En 1913, avec ses amis naturalistes réunis en forêt de Fontainebleau, à la croix de Saint-Hérem, Frédéric Ede fonde "L'Association des Naturalistes de la Vallée du Loing". Il réservera la publication de ses études au Bulletin de l'Association, la dernière étant datée de 1930. Frédéric Ede y développe ses hypothèses à propos de l'origine des gravures rupestres. La découverte de nombreux tessons, celle d'un vase presque entier trouvé dans l'abri des Brosses, tessons et vase datés de la période gauloise dite de la Tène, font qu'il attribue aux Gaulois et aux cultes druidiques la majeure partie des gravures qu'il a étudiées.

Les chercheurs contemporains de Ede, ceux de la génération suivante, voient dans les gravures sur grès une ancienneté plus grande, les faisant remonter au Néolithique et même au Mésolithique.

Aujourd'hui, une grande dame de l'archéologie allemande, Mme Marie E. Kšnig, fait remarquer sur les monnaies gauloises la présence des mêmes symboles que ceux gravés sur les rochers de Fontainebleau: rouelles, quadrillages, carré avec ses diagonales, croix, etc. Les hypothèses de Frédéric Ede trouvent ainsi une confirmation posthume.

Comme peintre, Frédéric Ede est surtout connu dans la région. Avec les artistes ses amis, il exposait dans les Salons des environs, dans des galeries parisiennes et travaillait pour une galerie d'art en Amérique. Il avait connu Renoir et séjourné chez lui dans le Midi.

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Frédéric Ede: Bord du Lunain
Dans sa famille, on conserve jalousement une aquarelle du jardin de Renoir à Cagnes, exécutée lors d'un séjour de Frédéric-Charles chez son ami. Dans la région, nombreux sont les heureux possesseurs d'une aquarelle de Ede, des moutons ou des vaches avec leur bergère dans la Trentaine, l'église de Montigny, le vieux moulin, la forêt, les rochers, les Boulins, la vallée du Lunain...

En 1910, il s'était fait construire une villa, "Les Boulins", à l'écart du village, en lisière de la forêt, avec devant lui toute la plaine, le site de Montigny d'où l'on découvre le mieux les environs à des dizaines de kilomètres par temps clair; maison qui est toujours celle de sa famille avec son atelier tout plein de ses souvenirs.

Henriette Virion
avec la collaboration de Jean Poignant pour les renseignements archéologiques.
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Frédéric Ede: Bord du Lunain (retouché par Sisley ?)
Numa Gillet raconte l'anedote suivante : Vers 1890, Sisley rencontre Frédéric-Charles Ede peignant sur le motif au bord du Lunain. Le Canadien demande à son aîné ce qu'il pense de sa toile. Sisley empruntant quelques instants sa palette et ses pinceaux, jette de la pointe du plus fin d'entre eux quelques brefs éclats de couleur claire sur son paysage, lui apportant une touche pointilliste. C'est ainsi que de sérieux critiques américains ont pu parler de la "période impressionniste" de Frédéric Ede 

N.B. : Le Bulletin de l'Association des Naturalistes a publié de nombreux articles et dessins de Frédéric Ede. Les Bulletins des ABM N°3 (sur le Mont-Aiveu) et N°5 (sur la Roche au Nom) ont reproduits articles et dessins de Frédéric Ede. Le Musée de Fontainebleau conserve quelques estampes de gravures décalqués directement sur la roche par l'artiste.

Illustrations: Portrait de Frédéric Ede par Lucien Cahen-Michel. Le Café Coffin à Sorques vers 1890, tableau de Frédéric-Charles Ede. (Collection de Mlle Edith Ede, fille de l'artiste. Photos Jeanne Virion.)

Source : A.B.M N°15 – 1984 – Article d'Henriette Virion
Bourron-Marlotte: Un Village qui se raconte

 
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