Artistes de Bourron-Marlotte
EUGÈNE CICÉRI ET SA PARENTÈLE

L'histoire de ces familles apparentées aux Cicéri est assez embrouillée, et la page qui suit n'est qu'une première approche que j'affinerai sans doute par la suite. M.S.
ciceri
Pierre-Luc-Charles Ciceri par Nadar

Eugène Ciceri (1813-1890), est le fils du peintre et musicien Pierre Luc Charles Cicéri (1782-1868), inspecteur des théâtres de la Cour, chef décorateur de l'Opéra de Paris où il avait exécuté les décors de "La Juive" de "Robert le Diable", de "Guillaume Tell" et du ballet "Gisèle".

Sa mère, Alexandrine Isabey (1791-1871), était la fille du peintre miniaturiste Jean-Baptiste Isabey, son frère Eugène Isabey (1803-1886), fut un aquarelliste et lithographe renommé.

Eugène Isabey par Nadar - Alexandrine Isabey par Louis-André-Gabriel Bouchet

Sa sœur Lucie Nancy (1819-1902?), épousa en 1842 le peintre et décorateur Auguste Alfred Rubé (1815-1899) qui participa à l'ornementation des plafonds de l'Opéra Garnier et à bien d'autres travaux de premier plan.

Rubé soutint la réalisation des sentiers de Denecourt en forêt de Fontainebleau. Une roche sur le sentier n°11 qui monte à la Mare-aux-Fées porte le nom de "Repos d'Alfred Rubé".

Ce milieu exceptionnel permit au jeune Eugène de cultiver ses dons précoces.

Ciceri
Eugène Ciceri : La Cité du Fleuve
Par son mariage avec Augustine, aînée des 3 filles Boulanger, Eugène Cicéri s'allia à d'autres familles d'artistes du village de Marlotte.

Sa belle-sœur Clara devenait Madame Godefroy de Hagemann, et Stéphanie, la troisième fille Boulanger épousa M. Octave Saunier*, artiste peintre qui habita la Villa Beauregard au N°10 de l'actuelle rue Ciceri.

À la faveur d'un climat aussi favorable, Eugène Ciceri devint un des représentants les plus actifs du Groupe de Marlotte qui, à l'époque de Murger, renouvela la peinture française en sortant des ateliers pour aller peindre sur le motif.

Délaissant l'académisme qui règnait jusque là, ces jeunes artistes vont saisir la nature sur le vif, osant des couleurs nouvelles, un dessin moins conventionnel.

Ferme Marlotte
Eugène Ciceri : Cour de ferme à Marlotte
Aquarelliste et lithographe remarquable, paysagiste hors-pair, Eugène Cicéri comme d'autres peintres du XIXe siècle, retrouve au XXIe une nouvelle jeunesse.

Ce fut le peintre Caruelle d'Aligny qui amena son ami dans la forêt de Fontainebleau à Barbizon puis à Marlotte où il s'installa.

Ses premiers séjours remontent à 1848-1850. Il demeura d'abord à "La Feuilleraie" avant de s'établir durablement à la Villa Marie-Louise (N°67 de l'actuelle rue Murger) où il vécut jusqu'à sa mort.

Ciceri bord Loing
Eugène Ciceri : Bords du Loing

Une anecdote
Cicéri traversait fréquemment le village avec son tilbury et sa gentille jument Bichette, nous conte Jules Laurens dans La Légende des Ateliers. « Un jour, attendant sa femme qui faisait des emplettes dans un magasin à Melun, un voyageur pressé partant pour Paris le prit pour un véritable cocher… et pria l'artiste de le mener grand train à la gare… ce qu'il fit, acceptant avec humour la méprise… et d'un seul trait conduisit notre homme au chemin de fer. Là, il fallut bien, de par la pièce de quarante sous plus quelque billon jetés au faux cocher, en arriver à des explications absolues ! »

« Mais sauvez-vous donc Monsieur ! concluait celui-ci, coupant court à une inénarrable scène de confusion et d'excuses… enchanté, croyez-le bien, d'avoir pu vous être aussi opportunément et facilement utile. »

LA FAMILLE ISABEY

FJB Isabey
Jean-Baptiste Isabey et sa fille par François Gérard

 
Eugène-Louis-Gabriel Isabey
(1803-1886)
Peintre, lithographe et aquarelliste

Isabey
Eugène Isabey par Nadar

Fils de Jean-Baptiste Isabey (1767-1855), "le peintre des rois", Eugène voulut d'abord être marin et ne devint peintre que par obéissance à son père. Il peignit des scènes d'histoire, "de genre" tels des naufrages en mer ou des paysages animés proches du romantisme.

En 1821, il effectuera un voyage en Alger mais refusera d'accompagner le comte Mornay dans sa mission au Maroc préférant s'installer à Honfleur.

Eugène Isabey flirta parfois avec l'Impressionnisme, avant de se limiter sagement, pour satisfaire sa clientèle, à de belles marines violentes et des paysages de Picardie ou de Normandie hauts en couleur.

Tempete St Malo
Eugène Isabey : Tempête sur St-Malo
Dans son atelier parisien il forma des élèves tels qu'Eugène Boudin (1824-1898) ou Johan Barthold Jongkind (1819-1891) qui deviendront des artistes renommés.

Alexandrine, la sœur de Jean-Baptiste Isabey avait épousé le peintre décorateur Luc-Charles Cicéri (1782-1868), dont les travaux les plus connus furent la restauration du théâtre de Cassel pour le roi Jérôme et la décoration des fêtes pour le sacre de Charles X.

Duc Dalbe
Arrivée du duc d'Albe à Rotterdam en 1567

 
La famille Hagemann
Le fondateur de la lignée, le baron Auguste de Hagemann demeurait à Naples lorsque naquit son fils Godefroy (1820-1877). Après avoir suivi des cours à Paris le jeune peintre s'installa à Bourron-Marlotte, hébergea son père dans sa demeure où il décédera peu d'années avant son fils.

Ce fut son maître et ami Giuseppe Palizzi, lui aussi d'origine napolitaine, qui amena Godefroy à Marlotte et l'initia à peindre la nature sur le motif.

Godefroy Hagemann
Godefroy de Hagemann jeune

Palizzi avait une prédilection pour les animaux de ferme dont il aimait faire le portrait. Notamment les bovidés qui empruntaient chaque jour la rue Renoult pour aller paître en forêt, rue que l'on appelait alors le "Le Chemin des Vaches". Hagemann, plus romantique, préférait les paysages animés, les scènes de genre.

Hagemann Pecheur
Godefroy de Hagemann : Bord du Loing près de Grez avec le château de la Reine Blanche
Hagemann commença par peindre des scènes de village, des sous-bois, des paysages de notre région, avant de découvrir l'Orient, au cours d'un long voyage qui le conduisit en Italie, à travers les Alpes, puis dans l'Égypte qu'il adora. Parcourant le désert du Sinaï il visita les lieux saints jusqu'au Liban avant de revenir sur ses pas, via Alexandrie où il embarqua.
Hagemann Montagne
Il revint en Europe, enthousiasmé par son périple, avec dans ses bagages des centaines de dessins, des dizaines de toiles gaies, aux couleurs vives.

Godefroy de Hagemann exposa sa peinture à Nantes en 1861, puis au Salon de 1866, où il présente deux toiles : Une belle matinée de printemps et Une mauvaise journée d'automne, avant d'offrir au public parisien, en 1872, ses magnifiques tableaux rapportés d'Orient.

Admirable paysagiste, coloriste hors-pair, la mort le frappa trop tôt, avant que son talent ne fût pleinement apprécié.

Hagemann Le Caire
Godefroy de Hagemann : Un petit marché au Caire
À Bourron, Godefroy de Hagemann demeura d'abord rue de la Joie (actuelle avenue Hoche), épousa Clara Boulanger dont les deux sœurs convolèrent dans notre village, l'une : Augustine, devenant Madame Eugène Cicéri, et l'autre, Stéphanie épousa Thomas Saunier, père d'Octave Saunier.

Vers 1868, les époux Hagemann emménagèrent à La Feuilleraie, succédant à Eugène Cicéri qui louait la propriété jusque là.

Le père du peintre, le baron Auguste de Hagemann, mourut dans cette maison le 21 janvier 1873. Sa sœur, Mathilde de Hagemann, épousa le peintre Émile Noirot (1853-1924), en 1878.

À gauche : Le Caire : Mosquée.   À droite : Bazar

 
Émile Noirot
(1853-1924)

Emile Noirot
Émile Noirot, né à Roanne et Roannais de cœur est le fils de Louis Noirot, lui même peintre et lithographe qui lui enseigna ainsi qu'à ses frères, les rudiments de son art.

Au printemps 1874, sur les conseils paternels, le jeune artiste fait un envoi au Salon des Artistes Français. Son fusain : « Pâturages dans le Roannais » est accepté par le jury.

Il poursuit sa formation à Paris et à Lyon, avant de se marier, en 1878, avec Mathilde de Hagemann.

Une période matérielle difficile s'ensuit. Le peintre ne pouvant subvenir aux besoins de son ménage par la vente de ses œuvres, accepte, en 1881, le poste de professeur de dessin de la ville de Roanne. Les pressions politiques de l'époque l'amènent à donner sa démission en 1883.

Émile Noirot, pour échapper à la vie de rapin miséreux qui est le sort de la majorité des artistes qui n'attendent argent, honneurs et succès que de Paris, choisit de s'installer dans sa province natale.

Noirot-foret
Émile Noirot : Paysage de forêt

Refusant de se soumettre au diktat des galeries, des marchands incultes et radins ou des ''antiquaires'' magouilleurs des salons officiels, il quitte sans regret ce climat parisien effervescent, toujours factice et parfois provocateur.

C'est ainsi qu'il se satisfera de l'étiquette de ''petit maître'' que lui accordent les rares critiques qui parlent de lui, n'ayant ni l'argent ni la bassesse de les corrompre. Il offre ses beaux paysages aux bourgeois cultivés de sa province.

Parfois, il s'échappe vers d'autres horizons pour voir la montagne, la mer, dont il rapporte des tableaux somptueux.

Noirot traverse ainsi cette riche période du XIXe siècle, allant du néo-classicisme au symbolisme, empruntant ses élans magnifiques au romantisme, quelques touches de vérité au naturalisme, flirtant avec l'impressionnisme, sans jamais succomber à ses facilités.

Mont-saint-michel
Émile Noirot : Le Mont Saint-Michel
Brigitte Bouret, Conservateur du Patrimoine au Musée Joseph Déchelette de Roanne dira dans sa préface à l'œuvre d'Émile Noirot :

« Formé à l'école du dessin, dont il restera toujours un fidèle défenseur, observateur attentif et sincère d'une nature qu'il maîtrise réellement, il privilégie la composition de plein air en faisant preuve d'un sens inné de l'espace et de la lumière. Sa production picturale est souvent menée par l'idée directrice de "l'homme ajouté à la nature", ce que son pinceau traduit soit avec douceur ou énergie, selon qu'il choisit d'évoquer les lieux et heurs qui répondent le plus aux angoisses de l'être humain.

« On lui a reproché d'utiliser une palette aux nuances froides grises et bleues, mais c'est oublier que pour ce peintre de marine, il s'agit là de tonalités fondamentales à l'évocation de la fluidité de l'air. A contrario, dans certaines de ses toiles éclatantes de lumière, il sait faire preuve d'un réel talent de luministe. » Emile Noirot

Octave Saunier
(1839-1904)
Promeneuse
Octave Saunier : Promeneuse
Octave Saunier, artiste-peintre, aquarelliste et illustrateur est le neveu d'Eugène Cicéri. Dès l'enfance il aimait venir chez son oncle à Marlotte qui lui apprenait tous les secrets de son art. Il apprit la technique de la lithographie très en faveur en ce temps où la photographie n'en était qu'à ses débuts.

Il présenta ses premières réalisations au Salon de 1865. C'est à Marlotte qu'il fit la connaissance des familles Hagemann et Boulanger, pépinière de peintres, dont les filles, toutes plus ravissantes les unes que les autres, épousèrent des artistes.

Mathilde de Hagemann, la sœur de Godefroy épousa Émile Noirot. Des trois filles Boulanger, Augustine épousa Eugène Ciceri, oncle d'Octave Saunier, Clara épousa Godefroy de Hagemann et Stéphanie fit la connaissance de Thomas Saunier au cours d'un méchoui.

(J'espère ne m'être pas trop mélangé les pinceaux dans ces mariages en famille malgré quelques incohérences que je corrigerai sans doute !)

Mais d'où sortait cet "Auguste Boulanger" ? Trois peintres portant le patronyme de "Boulanger" ont eu, au XIXe siècle, des attaches avec notre village ou avec la Forêt de Fontainebleau : Gustave (1824-1888), prix de Rome, Académie des Beaux-Arts. Louis (1806-1867), Charles (1773-1838).

Madame Roesch-Lalance dans la seconde édition de son ouvrage Bourron-Marlotte, Si les maisons racontaient… fait intervenir cet Auguste Boulanger dans son esquisse d'arbre généalogique des familles Boulanger - Cicéri - Saunier - Hagemann - Isabey…, l'appariant avec "Antoinette Marchand" et "Josèphe Émilie Adde" !

Arbre
Esquisse généalogique
Grand voyageur, Octave Saunier visita l'Espagne, l'Afrique, l'Amérique d'où il rapporta une moisson de dessins, d'aquarelles, de tableaux, et se retira à Marlotte dans cette maison du N°10 de l'actuelle rue Cicéri, où il termina ses jours.

Mme Marie-Claude Lalance dans la première édition de son ouvrage Bourron-Marlotte, Si les maisons racontaient, écrit :

« Octave Saunier devint le neveu du peintre Godefroy de Hagemann qui, en 1862, épousa une sœur de sa mère et de Madame Cicéri. Il loua plusieurs années "la Gobba", à l'entrée de la Gorge-aux-Loups en forêt, que le peintre Palizzi avait fait construire. Octave Saunier fut franc-tireur en forêt en 1870-1871. »

Il a peint de superbes toiles de notre région dont : Le garde chasse à Marlotte, Sous-bois des Ventes à la Reine, Le Long rocher à Marlotte figurent dans des collections particulières de notre village. Panorama de Zanzibar est au Musée de la Mairie de Bourron-Marlotte. A Suivre !

Ruchers
Octave Saunier : Ruchers

Sources :
Bourron-Marlotte, Si les maisons racontaient
de Marie-Claude Roesch-Lalance)

Pierre Genève : Si Marlotte m'était contée

Voir en libre lecture :
La Légende des Ateliers de Jules Laurens

 
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