Achille-Etna Michallon
(1796-1822)


Michallon par Léon Coigniet

Une famille d'artistes
Fils du sculpteur Claude Michallon (1751-1799), ce peintre remarquable naquit dans une famille d'artistes. Ayant perdu son père à l'âge le plus tendre, il fut élevé par sa mère, une femme aimante, cultivée, qu'il accompagna souvent au Louvre voir le sculpteur Guillaume Francin (1741-1830), son beau-père.

Élevé dans le culte des arts, son goût précoce pour le paysage amène le jeune Michallon à fréquenter les ateliers de Louis David (1748-1825) et de Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819). Il reçoit aussi les conseils de Victor Bertin (1767-1845) et d'Alexandre Denouy (1757-1841) qui, devant ses dons si remarquables, considèrent qu'à l'âge de douze ans il n'avait déjà plus rien à apprendre de se maîtres !


Louis David – Pierre-Henri de Valenciennes

Un mécène

En 1808, un riche et illustre étranger, le prince Nicolas Borissovitch Ioussoupov (1751-1831), découvrant ses tableaux dans l'atelier de David, témoigna de son enthousiasme. Le surnommant «le petit Poussin», il lui octroya une pension qui lui fut payée jusqu'à ce que le désastre de Moscou ébréchât quelque peu la fortune de son mécène.

Le prince qui se rendait tous les deux ans en Italie souhaita y amener l'adolescent pour lui en faire découvrir les trésors, mais sa mère refusa de se séparer de son enfant qu'elle jugeait trop jeune pour un tel voyage.

À partir de 1812, Michallon (il a 16 ans) expose au Salon et, après quelques succès académiques, il décroche deux médailles d'or, obtenues, l'une à Paris, l'autre au concours de la ville de Douai.

Napoléon déchu, la Restauration venue, le jeune artiste vient à peine d'atteindre sa vingtième année, lorsqu'il part enfin pour Rome en qualité de pensionnaire du Roi. En 1816 il parcourt la Suisse qui l'impressionne, la Lombardie qui l'étonne, s'enthousiasme pour Florence avant de découvrir Rome avec stupeur.


Michallon : Rome, le Colisée

Rome

« En arrivant dans la capitale des arts , il découvre son nom gravé en creux, sur l'une des tables de l'École française : il apprend que c'est la place même qu'avait occupée Claude Michallon son père : une vive émotion s'empare de lui, ses yeux se mouillent de larmes, il baise respectueusement le nom paternel, et s'installe à la place qui lui rappelle de chers et honorables souvenirs. »

A Naples ce fut Salvator Rosa qui le subjugua. Sa peinture provoquait en lui une sensation de familiarité, d'étrange déjà vu, de communion. De parenté intime.

En 1817, à l'unanimité des suffrages, son tableau Démocrite et les Abdéritains obtient le Prix de Rome du paysage historique proposé par le ministère de l'intérieur et décerné par l'Institut. (Tableau aujourd'hui à l'École des Beaux-Arts à Paris).


Michallon : Démocrite et les Abdéritains
L'année suivante, à Rome, Léon Coigniet brosse son célèbre portrait, l'un des seuls qui nous conserve l'image de ce jeune prodige. Dans la foulée, Michallon obtient sa première commande officielle, une composition pour la galerie de Diane à Fontainebleau, La Mort de Roland (1819, aujourd'hui au Louvre).

Michallon : La Mort de Roland

1820. - L'esprit et le cœur plein de sensations trop fortes, débordant d'émotion, l'artiste décide de rentrer en France afin d'y réaliser l'œuvre gigantesque qu'il porte en lui, qu'il sentait bouillonner dans son esprit.

Il en avait trop vu, trop ressenti, trop emmagasiné, trop pris, il lui fallait restituer le trop plein, donner à son tour, créer.

Comme celui de Claude Gellée et de Nicolas Poussin, son art s'inscrit désormais parfaitement dans la tradition du paysage classique. Avec sa touche de romantisme, il atteint ce point d'équilibre parfait entre la transposition réaliste de la nature et sa recomposition par la force de l'imagination.

Comme eux, dans ses scènes héroïques (La Mort de Roland ; Thésée poursuivant les centaures, il enrichit l'art du paysage par la peinture d'histoire.


Michallon : Taormine

Désormais le succès est là. Son Paysage inspiré de Frascati est acheté par Louis XVIII de son vivant.

À 25 ans, sûr de son fait, Achille-Etna Michallon ouvre son propre atelier.

Parmi ses premiers élèves, Jean-Baptiste Corot qui l'accompagne en 1822 dans la forêt de Fontainebleau, peindre des études sur le motif, bénéficiant de son enthousiasme pour la nature.

Ce fut son jeune maître qui lui apprit à fondre sur la toile les personnages dans le milieu naturel saisi sur le vif, réalisant en atelier la synthèse parfaite entre la rêverie poétique idéale du paysage imaginé et la nature réelle croquée sur le motif.

"Certains de ses « souvenirs », comme les Danses virgiliennes, relèveront plus tard de la même esthétique, entre l'expérience du travail en plein air et la rêverie poétique du paysage classique."


Michallon : Forêt de Fontainebleau

Une fin tragique
Michallon venait de faire un séjour à Marlotte, pour travailler d'après nature ; à son retour il va au Jardin des plantes, pour y étudier les arbres exotiques, notamment le cèdre, arbre royal qui l'impressionnait sans doute autant que le chêne.

Un soir, en rentrant chez lui, un mal de gorge le saisit, l'inflammation atteint la poitrine , et à 26 ans moins un mois, la mort l'enlève aux arts, dans la nuit du 23 au 24 septembre 1822.

Ce fut son cousin et biographe, le grammairien Victor-Augustin Vanier qui prononça son oraison funèbre.

Après la mort de Michallon, Corot poursuivit sa formation auprès de Jean Victor Bertin, qui avait été l'un de ses maîtres.

Michallon serait peut-être demeuré dans l'oubli si, en 1930, la donation de 27 études de plein air au musée du Louvre par la princesse Louis de Croÿ, n'en avait renouvelé l'intérêt. ?


Michallon : Philoctète à Lemnos

SOURCES :

(1) - M. Larousse dit : « Sa pratique de la nature romaine et des gravures d'après Poussin et Claude Lorrain confirma son appartenance au Néo-Classicisme : Frascati (1822, Louvre), Paysage avec Philoctète (1822, musée de Montpellier) ;

Malgré certaines concessions au Romantisme naissant inspirées par Salvator Rosa, où s'unissent les deux tendances, son néo-classicisme remporta un succès unanime au Salon de 1819. Les études peintes à Naples ou en Sicile sont, ainsi que les dessins, d'une inspiration plus personnelle, d'une fraîcheur et d'un naturalisme précurseurs (id.).

« Au début de 1822, Michallon regagne Paris en passant par la Suisse. Avant que la mort n'interrompe brutalement sa carrière, il a le temps de préparer 3 tableaux pour le Salon et d'aller, l'un des premiers, travailler en forêt de Fontainebleau.

« Les lithographes de l'époque s'inspirèrent abondamment de son œuvre (Nouveau Voyage pittoresque en France, 1817 ; Cahier de quatre paysages dessinés d'après nature ; Voyage pittoresque en Sicile de Gigaud de La Salle, 1822-1826).

« Michallon fut le premier maître de Corot, ce qui accrut sa célébrité. Une exposition lui a été consacrée (Louvre) en 1994. »

(2) - Alphonse Mahul : Annuaire nécrologique ou complément annuel et continuation de toutes les biographies ou dictionnaires historiques?.

(3) - Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843.

« Qu'on se figure Michallon en récréation, dit M. Victor-Augustin Vanier, fouettant un sabot, faisant tourner une toupie ou enlevant un cerf-volant dans la cour de la Sorbonne, pendant qu'un illustre étranger, le prince Youssoupoff, admire ses tableaux dans l'atelier de David, qu'il était venu visiter. »



Michallon : Le chêne et le Roseau

(4) - (Oraison funèbre de feu Achille-Etna Michallon, pensionnaire du Roi, peintre en paysage historique, prononcé par V.-A. Vanier, son cousin, le... 25 septembre 1822)

(5) - Catalogue des tableaux , études , peintures et dessins de feu A. E. Michallon, etc. Paris, 1822, in8, 22 pages.

Ce catalogue renferme 463 numéros, soit presquc tous ouvrages de Michallon, qui ont été vendus. On y remarque les premiers essais de l'enfance de l'auteur , dont quelques-uns remontent à l'âge de sept ans, et le prix du "concours d'arbre", représentant un châtaignier brisé par la foudre. C'est de ce concours que sortent les dix candidats, admis à disputer le grand prix de paysage historique.


Oraison funèbre de Achille-Etna Michallon par Victor-Augustin

À l'aube du XXIe siècle les hiérarchies artistiques retrouvent leur cours normal et Achille-Etna Michallon, le jeune prodige foudroyé en pleine gloire reprend sa place dans le cercle glorieux des peintres du groupe de Marlotte dont il fut le précurseur.


Michallon : Ravins de Sorrente




Michallon : Château de Vincennes

INHA

La Cammesella, chanson napolitaine, par Murolo


 
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