Giuseppe et Filippo Palizzi
Paysagistes à l'italienne


À gauche : Giuseppe Palizzi par Nadar. À droite : Filippo Palizzi

Les frères Palizzi
Les quatre peintres de la fratrie Palizzi, Filippo, Giuseppe, Nicola, Francesco Paolo, forment une sympathique et joyeuse famille d'artistes d'origine italienne.

Giuseppe l'aîné, et son frère Filippo, ont participé à la première tentative réussie d'imposer le vérisme héritier du naturalisme français dans l'art transalpin.

Venu en France le premier, l'aîné, Giuseppe, a découvert à Paris des artistes qui partageaient ses préoccupations, ses idées, son esthétique. Se liant aux paysagistes, comme Corot, Millet, Diaz voire Courbet, peintres qui travaillaient sur le motif, au plus près de la nature, groupe que l'on appela l'« École de Barbizon », il invita ses jeunes frères à venir le rejoindre. Seuls Filippo et Nicola acceptèrent son invitation. Mais Nicola préféra le soleil de Naples.

Après Barbizon, Giuseppe et Filippo découvrent les peintres du « Groupe de Marlotte », et la colonie cosmopolite de Grez-sur Loing.

Dans notre village, les frères Palizzi ont d'abord habité le Bocage, au N°2 de la rue qui porte aujourd'hui leur nom, puis la Villa Palizzi, au N°100 de l'actuelle rue Gambetta. (Cf: Palezzi). Notons que leur patronyme fut souvent estropié dans les documents officiels voire même sur des plaques de rue portant leur nom.


Villa Palizzi

Les Goncourt parlent d'eux dans leur Journal, à la date du 8 juillet 1863 :

« Je vois chez Palizzi des aquarelles de lui, très lumineuses, très violentes, très brillantes. Il me dit leur donner leur dernier éclat avec des couleurs chinoises, dont il a une boîte, qui donnent à tous ses tons comme un glacis de fraîcheur et de richesse, inconnu à nos couleurs d'Europe »

Giuseppe et Filippo Palizzi mettaient volontiers leur bourse et leur signature en commun. Giuseppe ayant une meilleure cote à Paris que Filippo dont les œuvres étaient plus recherchées en Italie, il leur arrivait, de signer les toiles de l'autre. Ce sera le cas aussi, un demi siècle plus tard, lorque Picasso signait de son nom des toiles cubistes de Braque, roulant dans la farine les meilleurs spécialistes !


La fratrie Palizzi

Giuseppe (1812-1888)
L'aîné de la fratrie, Giuseppe, acquiert une formation classique en Italie. Il étudie à l'Accademia de Naples, où, comme son frère Filippo, il s'affirma d'abord comme paysagiste et peintre animalier proche de la Scuola di Posillipo, qui regroupait quelques peintres adeptes du paysage romantique tardif.

Corot et Courbet qui avaient fait la connaissance de Giuseppe lors de son premier voyage à Paris, apprécaient son enthousiasme et son exubérance, et l'emmenèrent avec eux peindre sur le motif dans la forêt de Fontainebleau. La découverte d'une nature magnifique, des couleurs et de l'harmonie des paysages, l'enchantent.

Encouragé par ces artistes qu'il admire, il se met à peindre de grandes toiles, aux formats inhabituels pour la peinture sur le motif.


La traite des chèvres

En 1850, sa « Traite des veaux dans la vallée de la Touque » présentée au Salon, occupe un panneau entier de l'exposition, avec des dimensions colossales : plus de trois mètres de haut sur près de six mètres de large (tableau aujourd'hui au Musée des Beaux-Arts de Rouen).

A l'Exposition universelle de 1855 Giuseppe Palizzi exposa ses œuvres au sein du groupe de ses amis paysagistes.

Après un séjour à Barbizon, Giuseppe Palizzi, s'installe dans un premier temps à Marlotte et y demeure jusqu'au milieu des années 1860 tout en conservant un atelier à Paris.

Reconnu d'abord par ses pairs puis par la critique, il fut décoré de la Légion d'honneur en 1859 et, en 1862, chevalier de l'Ordre de St Maurice et St Lazare par le roi Victor-Emmanuel II d'Italie.

Son frère Filippo Palizzi étant venu le rejoindre, ils séjournent à Grez-sur-Loing où il s'arrange avec l'aubergiste Chevillon pour faire construire un atelier, sur une dépendance de l'auberge dédiée aux jeux de boules, pour lequel il signe un bail de dix ans, atelier qui sera le plus souvent occupé par Filippo.

Lui-même s'installe au Bocage, à Marlotte, au N°2 de la rue Palezzi* qui porte aujourd'hui leur nom, puis au N°100 de l'actuelle rue Gambetta dans la "Villa Palezzi" (sic).


Giuseppe Palizzi : Pastorale

Surnommés "Les peintres des ânes et des chèvres" pour leur prédilection à en faire figurer dans leurs paysages. Filippo s'amusait à tirer le portrait de ses petites amies en compagnie de jolies biquettes cornues et à barbichette.

À l'arrivée de Giuseppe, c'était une simple maison paysanne que l'artiste transforma selon la mode du temps, y ajoutant une aile, un décor mêlant le style à colombages "anglo-normand" aux balcons et terrasses à l'italienne ! Une grange à toit de chaume fut édifiée dans le parc, pour servir de fond de scène ou de cadre aux peintures de genre, de "pergola" l'été, bref « toute une machinerie pour opéra-bouffe ! » C'est là que fut peinte la « Tentation de Saint-Antoine ».

Félix Herbet nous dit qu'il avait obtenu l'autorisation d'élever non loin de la Mare aux Fées et de la route de la Gorge aux Loups une petite cabane qu'il appela La Gobba, pour remiser ses pinceaux, toiles et chevalets.

Dans ses Souvenirs, Dominique Isengrain, mauvaise langue comme souvent, prétend que la "Gobba" servait davantage de "goberge" aux trois peintres italiens que de remise ou d'atelier. Il insinuait que les séances de pose y étaient plus langoureuses que laborieuses, les soirées torrides et avinées, que les rires, les cris et les chansons napolitaines ou paillardes s'entendaient de très loin à la ronde.

Après la mort de Giuseppe Palizzi, le peintre Octave Saunier loua plusieurs années de suite cette cabane en pleine forêt, avant qu'elle ne soit démolie.


Dans les bois de Marlotte

Dans ses Souvenirs, Mme Vaillant-Saunier, raconte :

« Giuseppe Palizzi avait laissé des peintures humoristiques dans la salle-à-manger de l'auberge Chevillon à Grez, à la suite d'un long séjour en 1865, pour rétablir sa santé. Il fut si bien soigné qu'il se remit très vite et il dit à Madame Chevillon "Mon premier tableau sera pour vous, je vais vous peindre une enseigne !"

Cette enseigne est restée célèbre.

Elle représentait une table bien servie avec un cochon qui "s'en fourre jusque là !" tant la cuisine était bonne; c'est Saint-Antoine qui se voile la face en voyant la scène !

Quant il habitait Marlotte, d'abord au Bocage puis rue Gambetta (actuel n°100) Giuseppe Palizzi avait obtenu de l'administration forestière, l'autorisation de construire dans les "Ventes à la Reine" une cabane semblable à celles des bûcherons, pour y déposer son matériel de paysagiste.

Petit à petit, il fit construire, à côté de la première, une autre où il établit une cuisine puis il fit enclore le groupe d'une palissade en treillage, et ce fut un campement à peu près complet qu'il dénomma "La Gobba". Ce mot gobba signifie bosse en italien; il considérait ce gourbi comme un simple accident de terrain, une bosse au milieu des bruyères.

Gassies se souvient d'un repas que Palizzi avait offert dans la Gobba, à lui-même, De Penne, Beugniet, le marchand de tableaux et son fils. Le plat de résistance était le macaroni aux tomates, mais Palizzi, diabétique avait complètement oublié le pain et le dessert…" (souvenirs de Mme Vaillant-Saunier).

Au cours des années 1870, Giuseppe Palizzi par une nouvelle approche de la peinture de paysage, plus dépouillée, abandonna toute connotation romantique.

Au Salon de 1874 il exposa une grande toile intitulée « La Forêt » dont la composition toute simple, sans fioritures, à la palette colorée réduite à différentes tonalités de verts, procure une émotion à la fois physique et poétique.


Promenade en forêt de Fontainebleau

Dans la même veine, son Entrée de la clairière qui date de 1882, le maître ayant atteint le meilleur son art, au lieu de tenir le spectateur sensible à distance, il nous immerge dans un univers végétal fascinant.

Dès lors, Giuseppe Palizzi a trouvé « une expression personnelle détachée des orientations artistiques de son frère et de celles des peintres de l'école de Barbizon ».


Filippo (1818-1899)
À Vasto (dans les Abruzzes), Filippo apprend les rudiments de l'art auprès d'un modeleur de statuettes pour crèches.

À Naples où il se rend en 1837, il est l'élève de Camillo Guerra et de Costanzo Angelini avant de se perfectionner à l'atelier de Giuseppe Bonolis, un portraitiste renommé.

Au contact de ces petits maîtres de l'école napolitaine du paysage, il s'oriente progressivement vers l'observation minutieuse du « vrai », de la réalité.


Filippo Palizzi : Mucca e pecora

Il fut, avec ses frères, parmi les premiers peintres italiens à s'intéresser à la photographie, à en étudier la technique avant de la pratiquer en artiste.

Filippo Palizzi fait partie de cette École naturaliste italienne, qui, par un retour au Réalisme, se libéra du romantisme tardif qui affichait ses « confiseries sirupeuses » dans la les mièvreries de « L'école du Pausilippe ».

Certains critiques considèrent qu'il fut le mieux armé et le plus déterminé des 4 frères Palizzi (Giuseppe, Nicola, Francesco Paolo) pour soutenir cette croisade artistique rénovatrice.

Il comprit que la réhabilitation du clair-obscur, tel qu'il entrait dans les compositions du XVIIe siècle, était la voie la plus efficace pour reproduire la nature telle qu'elle est.


Filippo Palizzi : Course d'ânes

La préférence de Filippo fut de peindre en toute simplicité des paysages aimables comportant des scènes champêtres aux paysans et animaux réalistes, tels qu'il les voyait.

Dans les années 1850, il retrouva son frère Giuseppe à Paris où la découverte de paysagistes tels Corot, Diaz ou Théodore Rousseau, le confirma dans ses propres orientations.


Filippo Palizzi : Chevaux de course

Le critique Pietro Obraro dit de lui : « Par ses petites touches gaies et harmonieuses, Filippo Palizzi rejoint les maîtres de la peinture française moderne qu'il admire et il exercera une influence indéniable sur les peintres du XIXe siècle italien. »

En 1888, après la mort de Giuzeppe Palizzi, le seul des quatre frères à être resté à Marlotte, la Villa Palezzi fut vendue aux enchères par le notaire de Montigny.



Filippo Palizzi : Primavera

L'architecte Alphonse Léger (1840-1917) que nous retrouvons dans sa maison des N°22 et 24 de l'actuelle rue Delort, partagea un temps les ateliers des frères Palizzi avec Jules Nanot, (1857-1904) peintre et sculpteur, jusqu'à sa mort en 1912.



Maison Palizzi aujourd'hui : au N°100 de la rue Gambetta

INHA

La Cammesella, chanson napolitaine, par Murolo


 
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