Jef Le Mat


ÉLOGE DU VOYOU


Salut !

Salut petit con !

Salut petit génie!

Tu veux la lune,

Tu glandes!

Tu t'emmerdes!

Tu ne sais quoi faire de ta force et de ton énergie,

Tu rôdes,

Le travail te fatigue,

Tu cherches un truc maous,

Un casse,

Une bagarre,

Une belle connerie à réaliser pour épater la galerie,

Tu te sens fort,

Fort en gueule,

Fort en muscles,

Fort en bande,

A la fois puissant et impuissant !

Tout dans le caleçon, rien dans la calebasse,

Tu veux tout tout de suite,

Alors tu voles, tu violes, tu casses, tu prends...

Ton exemple c'est Messier !

Ton idole, c'est Tapie !

Ton dieu, c'est Ben Laden !

Tu veux du fric, des fringues, des filles, des bagnoles pour le fun et la frime !

Tu veux des fringues, tu voles !

Tu veux du fric, tu trafiques !

Tu veux des filles, tu violes !

Tu veux une bagnole, tu casses !

Et parfois, tu obtiens tout ça, à la hussarde : des fringues, du fric, des filles, de belles bagnoles ! Et tu es content, tu es heureux, tu es fier de toi, tes potes t'envient, tes potes t'admirent, les filles se donnent, se vautrent à tes pieds, te sucent, mais le lendemain ça ne te suffit déjà plus !

Tu finis par devenir un petit caïd, un moyen caïd, puis un gros caïd !

Avant, tu cassais du flic, et tu allais en tôle.

Maintenant tu joues à cache-cache avec la police ! Avec la justice ! Avec les frontières !

Tu es devenu riche, tout puissant, tu n'as plus peur de personne...

Tu te paies les plus beaux palaces, les plus beaux voyages, les objets les plus rares.

Tes potes c'est le Président Du Schmoll, l'ambassadeur Von Kouilh, le Sénateur Gontran du Chose;

Et c'est les flics qui ont la trouille !

Tu peux tout t'acheter, les filles, les boîtes de nuit, les hommes politiques, les commissaires, les banquiers ,

Tu es devenu le roi ! The King !

Celui qu'on admire ! Celui qu'on envie !

Tu n'as plus à craindre que toi-même et à te défendre de la meute des anciens amis, des anciens compères, des anciens associés, des jaloux, de tous ceux que tu as bernés, lâchés en route...

Car pour devenir caïd, il faut régner, et pour régner, il faut diviser, et pour diviser, il faut trahir. Mais la trahison jette le poison au cœur des autres, la trahison et le mépris alimentent la haine !

Alors un jour tu tombes. Sous les balles d'un ami, sous les balles d'un ennemi !

Eh bien, l'ami, pour finir en beauté souviens-toi, un voyou doit imiter les vieilles putes ou les politiciens véreux...

Et que font les vieilles putes enrichies, les politiciens véreux, les PDG à la retraite ? «Elles» deviennent "dames-patronesses", «ils» créent des fondations, font dans "l'humanitaire" !

 

Éloge du voyou

Le voyou, au cœur de la cité est le ferment nécessaire pour faire lever la pâte !

Le criminel et le saint font partie des fondements de la société au même titre que le bourgeois et l'honnête travailleur.

Le chasseur, puis le berger, le jardinier, l'artisan, le bâtisseur ont fondé nos civilisations sur le travail et le savoir faire.

Dans chaque famille, dans chaque tribu, au sein de chaque peuple, naissaient des doués et des tarés. Il faut des deux pour faire une société harmonieuse.

Une société sans voyous et sans saints est une société morte.

Toi, petit con, petit salopard que nos histrions de la politique appellent "un jeune", et plus précisément "jeune de banlieue", toi que certains intellos appellent "sauvageon", moi qui ai l'habitude d'appeler un chat, un chat, je t'appellerai donc simplement un voyou, un salopard, un petit ou un sale con ! Sans doute n'apprécieras-tu même pas la poésie que recèlent ces termes, le parfum de ces expressions chères à Brassens, Villon, Apollinaire, à Jehan Rictus !

Eh bien, petit con, tu es aussi nécessaire à notre société qu'un rat, un ver de terre, un cancrelat, un verre de cyanure ou une vipère...

Mais je pense qu'il n'est pas forcément bon que l'on fasse de toi un modèle pour la jeunesse, un dieu, un exemple de réussite.

J'estime plutôt qu'il faut te tenir tête, te dresser, te frapper quand tu dévies, te corriger par tous les moyens même les plus violents si nécessaire, pour que tu rentres dans le droit chemin, dans la norme...

Non pas, petit con, pour qu'il n'y ait plus de voyous sur terre, qu'il n'y ait plus de crimes - il y en aura toujours - mais pour que le crime ne devienne pas la norme, pour que le criminel, le voyou ne soient plus le modèle, l'exemple à suivre pour la jeunesse.

Il en va de même de nos petits saints, de nos chaisières, de nos rosières, de nos punaises de bénitiers, de nos dames patronesses, de nos généreux donateurs, de nos administrateurs d'œuvres pieuses, des donneurs de leçons, des présidents d'associations charitables, de tout ce petit monde confit en dévotion, qui récolte les milliards de la générosité publique, dont les fondateurs prennent vite la grosse tête, deviennent des gourous, des escrocs, des bandits de grand chemin.

Mais alors, me direz-vous, où souhaitez-vous en venir ? Pourquoi changer les choses ? Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, la voyoucratie rééquilibre le ganstérisme de la haute finance, les présidents dévoyés, les escrocs de la charité !

Si nos petits saints même pourrissent notre société, si nos voyous sont un ferment nécessaire, où est le problème ? Laissons faire et tout s'arrangera tant bien que mal sans intervention de notre part ! Avec le temps, la force du compromis écrêtera les excès, nivellera les obstacles, fera rentrer les excités et les récalcitrants sous le joug.

Il y a du vrai dans cette idée du "laisser faire".

Mais j'aime l'action, le mouvement. Le changement et l'observation de notre société m'amène entre deux sommes, entre deux siestes, entre deux rêves, à souhaiter intervenir entre les forces en présence.

Ne disposant d'aucune puissance matérielle sinon celle du verbe, d'aucun autre levier que celui des mots, je voudrais utiliser ces deux outils pour aider quelques voyous à prendre conscience de leur force, de leur pouvoir, de leurs immenses possibilités non plus de brimer, de terroriser, de voler les autres, mais de transformer leurs cités sales en cités lumineuses, leurs terrains à l'abandon en terrains de sport ou en jardins de rêve, leurs caves en salons de musique ou de poésie.

Chaque homme, à sa naissance, qu'il soit beau ou laid, riche ou pauvre, reçoit de la nature la possibilité de devenir un roi ou un esclave.

Chaque homme dispose entre les frontières de son corps nu, d'une formidable machine créatrice de richesse intérieure.

Chacun de nous, même le plus pauvre, le plus laid, le plus malade, le plus faible, Job même sur son fumier, dispose d'une fantastique ressource d'énergie subtile qui lui permet, s'il en prend conscience, de transformer son royaume intérieur en une extraordinaire source de richesse.

L'homme n'est pas ce qu'il a mais ce qu'il est.

L'homme n'est pas ce qu'il paraît, mais ce qu'il fait.

Tout homme diffère de son prochain et le complète, chaque homme possède en lui tous les biens de ce monde et peut en disposer sinon à sa guise, du moins en communion avec la nature, en harmonie, en synergie avec les autres.

Toi, petit voyou, tu peux faire demain, sans subventions, sans aide financière d'aucune sorte, mais simplement si tu le veux, de ta cité sans joie une cité radieuse.

Un seul homme, peut, s'il le veut, changer un étron en diamant, un tas de fumier en un magnifique jardin de roses, faire d'un taudis un palais et du plus insignifiant voyou un être de lumière.

A suivre !



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