Maxime  Laguerre

UN AUTRE REGARD SUR L'ÉDUCATION



Maxime Laguerre (2005)

« Il faut veiller à la libre expression de la déviance, que l'on tend toujours à rejeter comme criminelle ou folle, c'est-à-dire veiller à la libre expression des idées que nous croyons folles et criminelles. Nous avons besoin des pensées, non seulement auxquelles nous sommes accordés, non seulement avec lesquelles nous sommes en désaccord, mais aussi de celles avec lesquelles nous sommes en totale discorde. »
Edgar Morin :
Pour sortir du XXe siècle

 



AVANT-PROPOS

« Donnez-moi l'éducation et je changerai la face de l'Europe avant un siècle » a écrit Leibniz au début du XVIIIe siècle. En 1787, Condorcet renchérissait : « Il n'y a entre les deux sexes aucune différence qui ne soit l'ouvrage de l'éducation. » A fortiori non seulement entre les deux sexes mais entre tous les individus.

Ce XVIIIe siècle que les intellectuels baptisèrent plus tard « Siècle des lumières » par opposition à l'obscurité qui régnait sur la pensée humaine depuis le Moyen Âge vit la mise en œuvre industrielle de l'invention de l'imprimerie et du papier. Désormais comme l'écrivit Malesherbes :

« Chaque citoyen peut parler à la nation entière par la voie de l'impression. » Avec cette réserve que bien peu de personnes savaient lire car les écrits étaient jusqu'ici calligraphiés et réservés aux érudits, aux cénacles, aux cloîtres, aux cours royales et impériales, ce qui correspondait à un très petit nombre d'individus.

Comme l'a montré si justement Élisabeth Badinter, les intellectuels du XVIIIe siècle, qui avaient dans les siècles précédents végété dans la hiérarchie religieuse, se virent propulsés au premier rang par l'imprimerie. Avides de gloire, celle-ci leur permettait d'accéder à l'immortalité autrement que par la foi religieuse. L'imagination littéraire prenait le pouvoir alors que cette imagination était considérée jusque-là comme « la folle du logis ».

L'observation des choses de la vie qui était source de la morale, des proverbes, des conseils de comportement laissait la place à des idéologies souvent détachées du réel, véritables utopies.

De toutes ces idées nouvelles, la plus séduisante et qui fut la plus tenace car elle a conservé à travers les siècles toute sa force est la croyance que chaque individu est formé par ses acquis, ceux-ci étant différents suivant chaque classe sociale.

L'enfant du paysan ne recevait pas la même nourriture intellectuelle, les mêmes acquis que l'enfant d'un bourgeois ou d'un aristocrate.

Donnons les mêmes acquis à tous ces enfants et ils deviendront identiques. Voilà l'idée éblouissante du Siècle des lumières.

Jusqu'au XVIIIe siècle, il y avait très peu d'écrits et le langage avait peu d'importance. D'ailleurs il existait en France un si grand nombre de langues régionales et de patois que le langage n'était pas considéré comme un bon instrument de communication.

Ce qui comptait pour un individu était son savoir-faire et pour l'apprendre il suffisait de le regarder faire, quel que soit le pays ou la région où l'on se trouvait. Pour apprendre, que ce soit un métier, toutes les activités de la vie, le savoir-vivre, les bonnes manières, seul l'exemple était utilisé. C'était l'apprentissage comme moyen universel pour la transmission des connaissances. La plupart des intellectuels eux-mêmes n'utilisaient que l'observation de la vie et non la lecture. Les comédies de Molière et les Fables de La Fontaine furent les derniers exemples de toute une époque.

Les intellectuels du Siècle des lumières allaient changer tout cela. En publiant L'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, dont Diderot et d'Alembert furent les principaux rédacteurs, on pouvait apprendre la théorie de tous les métiers sans en savoir faire un seul.

On pouvait dans un salon éblouir l'assistance par ses connaissances sur les sciences, les arts et les métiers alors que l'homme de l'art aurait été bien en peine d'expliquer son savoir-faire et aurait passé pour un balourd. Le savoir-dire commençait à remplacer le savoir-faire, l'intellectuel dominant de plus en plus le manuel.

C'est Stradivarius qu'on commençait à assassiner. Désormais les individus allaient être jugés de plus en plus sur leurs idées et de moins en moins sur leur comportement.

Dans ses fables, La Fontaine expliquait comment il fallait se comporter, quelles erreurs on pouvait commettre, de qui il fallait se méfier. Des siècles d'observations populaires avaient produit ces remarquables leçons aidant à bien se conduire dans la vie. De nos jours, elles ne sont plus enseignées qu'aux enfants pour les amuser.

Molière présente un Tartuffe qui a de forts belles idées dignes d'admiration mais un comportement critiquable. Pour cela il le condamne. Certains ecclésiastiques en furent ulcérés. Comme de nos jours, bien des intellectuels pensaient que seules les idées publiques comptent et que le comportement est une affaire privée qui ne regarde que les intéressés.

Molière, grand admirateur des femmes auxquelles il donne souvent le beau rôle dans ses pièces, condamne les féministes dans Les femmes savantes. Il va jusqu'à faire dire à son personnage préféré : « Je vis de bonne soupe et non de beau langage. »

De nos jours, une telle profession de foi ferait frémir, mais Molière insiste et fait prononcer par Chrysale et Ariste une longue apologie de la femme au foyer s'occupant à bien tenir son ménage. Dans toutes les classes de la société, le travail concret qu'on appelle manuel était estimé à l'égal du travail intellectuel.

Louis XIV considérait son chef jardinier comme l'égal de ses autres ministres et il aimait particulièrement se promener avec Le Nôtre dans les jardins de Versailles pour en discuter les aménagements. Dans chaque famille existaient des secrets pour réussir tel plat ou telle pâtisserie dont on était fier. La bonne cuisine n'était pas, comme de nos jours, l'apanage de quelques centaines de grands chefs dont seuls quelques privilégiés peuvent s'offrir de déguster leurs plats, mais elle appartenait à tout un peuple qui dans chaque région, avec les produits du terroir, ne cessait d'inventer de nouvelles recettes.

A 18 ans, une jeune fille élevée par sa mère savait parfaitement cuisiner, coudre, tricoter et faire mille choses. De nos jours, nos bachelières ne savent ni coudre un bouton, ni faire cuire un œuf à la coque. Autrefois les mots « se cultiver » tels qu'ils sont employés de nos jours et voulant dire mémoriser des connaissances abstraites afin de briller en société n'existaient pas. Un homme de culture signifiait qu'il apprenait pour mieux développer la science, l'art, la technique qui l'intéressait afin d'en faire profiter les générations futures. C'était un altruiste.

Cultiver une science, un art, une technique c'était comme cultiver un chou pour le faire grossir.

Ainsi Leibniz et Condorcet croient au tout-acquis et donc au pouvoir absolu de l'éducation pour construire des êtres humains selon un standard à définir. Ils furent peut-être les premiers à l'exprimer si clairement mais cette croyance était partagée par presque tous les intellectuels.

Elle a traversé les siècles et se trouve de nos jours plus forte que jamais. Inlassablement on s'efforce d'éduquer les enfants afin qu'ils deviennent des citoyens modèles.

L'homme est un animal raisonnable. Il n'obéit pas aveuglément à ses instincts mais à sa raison dont on a le culte depuis Robespierre. Un des buts de l'éducation est d'enseigner les bons principes afin que chaque individu comprenne de mieux en mieux ses semblables dont seule une culture différente le différencie.

A partir des préceptes de la Déclaration universelle des droits de l'homme on doit parvenir à unifier toutes les valeurs, toutes les cultures afin d'obtenir l'entente universelle, c'est-à-dire la fin de tout conflit entre individus, groupes, communautés, ethnies, nations. Le remarquable spécialiste de l'éducation qu'est Philippe Meirieu a écrit un livre dont le titre est tout un programme : L'école ou la guerre civile. L'école pour éviter la violence, l'exclusion, l'intolérance. L'école pour accéder à la citoyenneté.

Cette croyance au pouvoir de l'éducation pour modifier le comportement n'est ni de droite ni de gauche, ni démocratique, ni totalitaire. Mussolini, cet instituteur-soldat, rêvait de faire de tous les Italiens des nationalistes et de bons soldats. Il réussit à créer une opinion publique nationaliste grâce à de grands rassemblements et à des discours belliqueux.

Dès le plus jeune âge, les enfants italiens faisaient un service militaire très poussé. Les industries d'armement furent favorisées. Cependant, entre la Première Guerre mondiale et la Seconde, on n'assista à aucun changement de la qualité de l'armée italienne. L'éducation militaro-nationaliste n'avait eu aucun effet.

Moi aussi j'ai cru au pouvoir de l'éducation, or en observant l'évolution de la société, j'ai constaté de curieuses dérives. Autrefois les mariages étaient arrangés par les parents. Avant la cérémonie nulle conversation sérieuse, aucune éducation sexuelle.

De nos jours, il n'en est plus ainsi. Éducation et essais multiples garantissent un choix raisonné et une bonne entente. Pourtant le nombre des divorces atteint 50 % des couples mariés. Or, au moment du mariage existaient une estime réciproque, un bon dialogue entre les deux époux. Il suffisait de continuer de dialoguer pour aplanir au fur et à mesure les petits différends pouvant surgir au fil des jours.

Or cela ne marche pas. De petits différends après des jours de discussions deviennent des fossés, puis des abîmes infranchissables. Chacun voit les choses différemment. Et pourquoi cette incommunicabilité si ce couple s'est connu à l'université après un même cursus scolaire donc une même éducation ?

Alors je me suis demandé d'où vient cette différence de point de vue ou de comportement qui n'est pas due à l'éducation et qui va jusqu'à l'exclusion de l'un par l'autre ou à une double exclusion ? Échec de l'éducation, échec du dialogue, pourquoi ? Il existe donc des forces inconscientes qui sont plus fortes que tout et provoquent l'incompatibilité d'humeur.

Aussitôt mes intellectuels s'exclament : inconscient, on connaît ! Voyez le docteur Freud et envoyez votre couple voir un psychanalyste. Malheureusement, si le nombre des psychanalystes a augmenté autant que les divorces, jamais ils n'ont réussi à les empêcher, à supprimer la cause de la mésentente.

Quelle est la part de l'inné, c'est-à-dire tout ce qui est commandé, décidé, programmé par notre patrimoine génétique et la part de l'acquis, c'est-à-dire tout ce qui vient de nos nourritures matérielles, intellectuelles, spirituelles ? Ainsi, par exemple, si nous sommes petit et malingre ou grand et vigoureux est-ce une question de nourriture matérielle ou cela a-t-il été programmé dès notre conception suivant les lois très complexes de l'hérédité ?

Si nous voulons devenir musicien, ou sportif, ou professeur, cela vient-il de notre environnement, de notre éducation parentale, sociale, scolaire ?

Notre quotient intellectuel est-il inné ou dépend-il des nourritures intellectuelles reçues pendant notre enfance ?


Pour en avoir le cœur net ...

Pour en avoir le cœur net, des professeurs au-dessus de tout soupçon (je veux dire qu'un professeur a plutôt vocation de croire au tout-acquis qu'au tout-inné) ont étudié la question des vrais et des faux jumeaux. Aux États-Unis notamment des milliers de jumeaux ont été suivis pendant plus de 30 ans.

Les faux jumeaux bien que nés le même jour ont des patrimoines génétiques différents comme des frères ou des sœurs d'âge différent. Les vrais jumeaux ont le même patrimoine génétique.

Grâce à des moyens considérables, les professeurs américains retrouvèrent plus de 50 couples de vrais jumeaux abandonnés à leur naissance et adoptés par des familles parfois fort différentes qui ne savaient pas que l'enfant adopté avait un frère ou une sœur.

Aux deux extrêmes de ces études on trouvait donc de faux jumeaux élevés à l'identique et de vrais jumeaux élevés très différemment. Avec les faux jumeaux, les observations révélèrent que parfois l'un parlait ou marchait six mois avant l'autre. Pourquoi puisqu'ils étaient aimés et éduqués à l'identique ?

Finalement entre les faux jumeaux les différences sont identiques à celles existant entre frères et sœurs d'âge différent ? Parfois ils sont assez semblables, parfois fort différents.

Les observations faites sur les vrais jumeaux élevés séparément furent plus surprenantes encore. Lorsqu'on leur révélait l'existence d'un frère ou d'une sœur trente ou quarante ans après leur naissance et qu'on organisait leur rencontre, on constatait après leurs retrouvailles qu'il n'existait aucun fossé entre eux. Mêmes goûts, même personnalité, mêmes dons, même type de carrière, même Q.I., tout pour une entente immédiate, parfaite et durable. Les différences dues à l'éducation parentale et scolaire, aux influences du milieu social n'avaient laissé aucune trace.

Cependant, et c'est d'une extrême importance, on découvrit que cette parfaite identité dans leurs goûts, leur style de vie était totalement rompu lorsque la passion amoureuse leur avait fait choisir leur épouse souvent fort différente. Ce choix ne s'expliquait ni par leur inné, ni par leurs acquis. Ce dysfonctionnement était bien connu autrefois lorsqu'on s'efforçait de favoriser des mariages où l'harmonie était gage d'une bonne entente durable.

On considérait que la passion amoureuse n'était qu'une folie passagère sur laquelle on ne pouvait rien bâtir.


Nourritures matérielles

J'ai parlé ci-dessus de nourritures matérielles et culturelles qui permettaient à l'enfant de grandir et de s'épanouir dans tous les domaines.

A une époque où les découvertes génétiques permettent enfin de reconnaître que la personnalité de chaque être qui le distingue des autres individus n'est pas coupée en deux : d'un côté des particularités physiques propres à sa race et de l'autre des particularités de langue, de mœurs, de croyances, de civilisation propre à son ethnie. On présentait l'individu comme si son aspect physique (la race) n'était qu'un emballage pouvant contenir n'importe quoi venant de l'héritage culturel (ethnie). Dans n'importe quel emballage, on pouvait mettre n'importe quelle culture et c'est cette culture qui définissait la vraie personnalité.

En fait, et nous le verrons plus loin, il est plus ou moins possible à un individu de mémoriser n'importe quelle culture, et par mimétisme grégaire de se comporter comme les individus de la communauté au milieu de laquelle il vit. Mais cette intégration pourrait être trompeuse. Chassez le naturel...

De nos jours, on sait qu'un cheveu, un morceau de peau, un peu de salive, une goutte de sang, une parcelle de cerveau définissent la personnalité qui est unique - sauf chez les vrais jumeaux où l'identité physique et intellectuelle n'a pas d'exception.

J'ai parlé ci-dessus de nourritures matérielles et je propose à mes lecteurs, afin qu'ils comprennent mieux ce que je veux dire, de donner pour exemple le développement physique des enfants.

Parmi nos vrais jumeaux séparés à la naissance, il s'en est trouvé dont l'un était adopté par un couple de commerçants dans l'alimentation, gros mangeurs et poussant leur enfant à manger autant qu'eux et l'autre se trouvait avec des parents intellectuels aimant grignoter des biscottes accompagnées de légumes avec peu de matière grasse.

L'un des jumeaux va avoir trop à manger et va se buter quand ses parents voudront lui faire prendre plus qu'il ne désire. L'autre sortira de table le ventre creux mais il se débrouillera dehors pour s'acheter un bon sandwich ou pour se faire inviter chez un copain dont la mère fait d'excellents gâteaux qu'elle aime offrir à tous les enfants qui viennent chez elle.

Finalement à 18 ans ces deux jumeaux auront la même taille et le même poids, l'un parce qu'il aura refusé ce qu'il ne pouvait pas assimiler et l'autre parce qu'il aura recherché hors de sa famille la nourriture dont il avait besoin. Il en est ainsi pour les nourritures intellectuelles?


Des besoins innés

On en arrive à la conclusion que chaque enfant a des besoins innés et naturels que nous devons satisfaire avec cette restriction qu'à besoins naturels il faut offrir des nourritures naturelles. Or, notre civilisation invente continuellement des produits artificiels pour tromper la nature et nous rendre dépendants de nourritures contraires à notre bonne santé !

Dans ce domaine de la nourriture matérielle, il existe de fait un grand libéralisme, l'État n'ayant pas décidé d'intervenir comme il le fait pour les nourritures intellectuelles.

Il est bien certain que Leibniz et Condorcet étaient des hommes sincères. Ils pensaient que par l'éducation ils pouvaient former n'importe quel enfant à leur image, en faire des adultes raisonnables sachant aborder chaque problème avec calme et objectivité.

La plupart des intellectuels pensèrent comme eux et c'eût été merveilleux si l'on avait pu transformer la société européenne selon leurs désirs. Tout conflit étant aplani grâce au dialogue nous permettant de parvenir à des vérités universelles, c'était non seulement la paix sociale mais également la fin des conflits armés.

Pourtant la réussite n'est pas venue, même après l'instauration de l'école obligatoire dont les maîtres étaient tous des intellectuels poursuivant ces mêmes objectifs.

Devant ce qui semble être un échec, je me suis demandé si le doute avait commencé à pénétrer l'esprit des professeurs. Je me suis demandé également qui était responsable de l'abandon progressif de toutes les activités concrètes et intelligentes d'autrefois qui semblaient tellement satisfaire ceux qui les pratiquaient. Le besoin de congés, de temps libre, si nécessaire aujourd'hui, ne s'était jamais manifesté chez eux. D'ailleurs, certaines activités concrètes bien que non enseignées continuent à être exercées sous des formes diverses (bricolage, jardinage) et font partie des activités de loisir.

Pourquoi cet enseignement devenu intellectuel qui convient si bien aux bons élèves lesquels deviendront sans difficulté et suivant leur Q.I. instituteur, professeur certifié du secondaire, professeur d'université ou d'une grande école, à moins qu'ils n'entrent directement dans la Fonction publique ?

Les autres se sentent exclus de cette voie royale qui mène sans coup férir à un emploi à vie.

Que sont devenus les grands projets de bâtir une nouvelle société plus juste, sans ségrégation, plus fraternelle ? Les exclus de la réussite scolaire ont confusément le sentiment qu'ils sont floués et que leurs professeurs ont construit un système qui, sous couvert d'égalité des chances, favorise hypocritement les élèves qui leur ressemblent.

Il ne s'agit pas de seulement critiquer mais d'étudier une nouvelle éducation qui donnerait à chaque enfant non pas l'égalité des chances pour réussir des examens qui ne conviennent qu'à quelques-uns, mais de leur offrir un choix entre toutes les formations concrètes ou abstraites qui correspondent aux mille métiers existants.

Entre, d'une part, le tout-acquis, c'est-à-dire la formation de l'enfant grâce à l'assimilation de tout ce qu'impose l'éducation parentale, le milieu social, l'Éducation nationale et, d'autre part, le partage entre un inné définitivement déterminé à la conception et formant la personnalité et des acquis choisis par l'enfant, suivant ses goûts, ses dons, ses aptitudes et l'incitant à rechercher ceux qui possèdent le savoir dont il a besoin pour réaliser son destin... la différence est immense.

Le tout-acquis c'est l'idée sur laquelle s'est construite notre Éducation nationale et donc notre politique d'effacement des classes sociales et d'intégration de populations multi-ethniques.

Si cette idée est complètement fausse et que nous devons tout reconstruire suivant des valeurs nouvelles tout à fait opposées, quelle révolution !


LE CONCRET ET L'ABSTRAIT
SAVOIR-FAIRE ET SAVOIR-DIRE

Tentez d'apprendre à un enfant de nouer les lacets de ses chaussures en lui donnant une notice explicative n'utilisant que des mots : « Prenez de la main droite une extrémité du lacet et de la main gauche l'autre extrémité... » Il est certain qu'il n'y parviendra pas. Par contre montrez-lui comment procéder, demandez-lui d'imiter vos gestes, corrigez ses erreurs jusqu'à la parfaite exécution du nœud et vous obtiendrez un résultat certain.

Maintenant prenez un groupe d'enfants, demandez-leur d'apprendre le texte explicatif par cœur. Les uns le feront rapidement et sauront le répéter parfaitement. D'autres trébucheront sur les mots et auront du mal à mémoriser le texte.

Parmi les mêmes enfants réalisez l'initiation par l'exemple et vous verrez que là aussi les résultats seront variables et que ceux qui mémorisent par l'exemple ne sont pas ceux qui mémorisent le texte.

Vous verrez donc que des enfants peuvent parfaitement mémoriser le texte sans jamais savoir faire la chose et que d'autres sauront parfaitement nouer les lacets de leurs chaussures sans retenir le texte explicatif.

Ainsi se distinguent le concret et l'abstrait, le savoir-faire et le savoir-dire, la capacité d'apprendre soit par l'exemple ou soit par le texte. C'est comme s'il y avait deux êtres en nous, l'un en phase avec le concret et l'autre en phase avec l'abstrait.

Paul Valéry a dit : « Le métier des intellectuels est de remuer toutes choses sous leurs signes, noms ou symboles sans le contrepoids des actes réels. » Il ne distinguait pas les intellectuels des manuels par l'usage ou non de l'intelligence mais par la propension à n'utiliser que des mots, des chiffres, des symboles (qui sont des abstractions).

Au contraire il voyait dans les « manuels » des individus préférant les actes réels, le concret, le monde sensible des êtres vivants et des choses. Les intellectuels ne l'entendent pas ainsi, l'adjectif intellectuel signifiant : « Qui est du ressort de l'intelligence », laquelle est : « la faculté de connaître et de comprendre » ce qui nous distinguerait des animaux.

Sans le dire expressément les intellectuels considèrent que les travaux manuels n'utilisent pas l'intelligence mais les mains.

L'enfant qui sait par cœur la manière théorique de nouer des lacets de chaussure est intelligent mais celui qui ne sait pas le dire mais seulement le faire n'est pas intelligent, c'est seulement un débrouillard. Dans la hiérarchie des êtres il est tout à fait en bas.

Quand les intellectuels prétendent qu'eux seuls ont la faculté de connaître et de comprendre, ils devraient préciser connaître et comprendre théoriquement, d'une manière abstraite, la connaissance et la compréhension concrète n'étant pas pour eux du domaine de l'intelligence mais du savoir-faire ce que possèdent en commun les animaux et les « manuels ».

Il n'existe pas d'êtres humains uniquement doués pour le concret, purement « manuels » car alors ils seraient comme des animaux. Ceux-ci sont en effet très capables d'apprendre concrètement et d'améliorer leur savoir-faire mais le monde de l'abstrait leur échappe.

Les hommes primitifs, qui étaient très proches des animaux ont été capables de symboliser des objets ou des êtres vivants pour communiquer. L'homme, animal grégaire avait besoin de faire savoir aux autres membres du groupe ce qu'il avait vu et qui pouvait être utile à la vie ou à la survie de tous (gisement de nourriture, prédateurs).

Il n'existe pas non plus de purs intellectuels incapables du moindre savoir-faire car pour vivre il faut bien se comporter, se nourrir, s'habiller, se déplacer et faire mille choses indispensables à notre vie matérielle. Il existe donc un dosage variable entre les capacités concrètes et abstraites. Les hommes qui ont le plus marqué l'histoire de l'humanité présentaient un bon équilibre de leur faculté de comprendre les êtres, les choses mais aussi d'en abstraire des principes.

Cet ouvrage ayant pour but de comprendre comment on peut instruire et éduquer, cette réflexion sur le concret et l'abstrait a une grande importance. Avant l'invention de l'imprimerie qui a permis de véhiculer sur une très grande échelle le côté abstrait de nos connaissances, la France et l'Europe ne savaient ni lire ni écrire sauf le très petit nombre de lettrés, les scribes et les Pharisiens des évangiles, qui étaient presque tous dans la hiérarchie religieuse.

La France du Moyen Âge avait probablement entre dix et vingt millions d'habitants et au maximum cent mille lettrés soit 1 %. Le reste de la population était illettré, c'est-à-dire ne sachant ni lire ni écrire. A quoi leur aurait-il servi de savoir lire puisque en dehors des très rares et très coûteux manuscrits généralement religieux il n'y avait rien. ?


Charlemagne

Le très grand empereur Charlemagne qui régna sur la partie la plus évoluée de l'Europe, le saint Empire romain germanique aurait aimé savoir écrire mais il était inapte et ses professeurs durent renoncer. Lorsque ses lettrés rédigeaient lois et traités sur ses ordres, il les signait d'une croix comme un illettré absolu de nos jours. Je regrette de démolir ainsi une idée reçue le présentant comme un grand animateur de la culture. C'est vrai qu'il favorisa les ateliers d'art mais de son temps l'art n'était qu'une des facettes de l'artisanat lequel était très concret et pratiqué par des illettrés.

Le Moyen Âge revu par les intellectuels c'est avant tout l'obscurantisme si bien que parler de l'obscurantisme moyenâgeux est devenu une expression utilisée à tout bout de champ. Un auditeur s'exprimant sur un poste de radio et s'indignant des agressions des chauffeurs de bus disait : « C'est un retour au Moyen Âge ! »

Ainsi le Moyen Âge aurait été une époque ou entre les épidémies et les famines, les habitants ne cessaient de s'entre-tuer. Lorsqu'ils avaient quelques minutes de répit ils se dépêchaient de construire une cathédrale, histoire de passer le temps.

Si au Moyen Âge seulement un pour cent de la population avait une activité intellectuelle non productive de biens de consommation ce ne fut pas pour cause d'obscurantisme mais par nécessité. Or nécessité fait loi.

En effet quelle que soit l'époque de l'histoire de l'humanité et quel qu'en soit le lieu, les êtres humains ont toujours eu besoin de se nourrir, de dormir, de se vêtir, de se protéger des intempéries. Même les intellectuels les plus détachés des biens matériels ne peuvent se contenter de nourritures spirituelles.

Or au Moyen Âge les moyens de production de la nourriture étaient encore primitifs. Il était indispensable que 90 % au moins de la population travaille à se nourrir et à nourrir les 10 % non-paysans dont 9 % d'artisans qui travaillaient principalement à produire des instruments utiles aux paysans. Un pour cent de lettrés non productifs, c'était le maximum possible.

Dans les sociétés africaines primitives, avant l'intrusion des Blancs il n'existait qu'un intellectuel, le sorcier qui dialoguait avec les dieux et intercédait en faveur de la population en échange de produits de consommation.

C'est donc à mesure que les moyens de productions s'améliorent qu'il est possible d'augmenter les activités intellectuelles non productives ou peu productives. De nos jours 3 % de paysans plus autant de personnes travaillant à produire industriellement des instruments aratoires, des engrais et des pesticides cela fait 6 % de la population pour nourrir largement 91 % de ceux qui ni de près ni de loin ne participent à cette production.

Le pourcentage d'individus plus doués pour le concret et de ceux plus doués pour l'abstrait reste probablement le même quelle que soit l'époque. Ce qui a changé c'est que l'enseignement par l'exemple des connaissances concrètes, du savoir-faire, pratiqué à l'exclusion de tout autre par les paysans et les artisans a disparu. Pour garçons ou pour filles, il est considéré comme frustrant car vil et dégradant, alors que le travail intellectuel est honoré et donc gratifiant.

Ce changement s'est fait peu à peu, rendu possible par l'amélioration de la productivité, permettant aux intellectuels de consommer sans produire. Ceux-ci ont été aidés par l'invention de l'imprimerie (œuvre des « manuels ») qui les a dotés d'un formidable moyen de communication beaucoup plus facile à utiliser et moins coûteux que l'apprentissage par l'exemple. ?


L'importance des inventions

Dès 1993, j'expliquais dans un ouvrage l'importance des inventions (par définition imprévisibles) dans l'évolution de la société. J'avais donné en exemple l'invention de l'imprimerie permettant aux écrivains d'avoir une audience considérable. De même les inventions permettant une diffusion bon marché de la musique populaire ont projeté au premier plan chanteurs et orchestres. Sans ces inventions, ils ne seraient rien.

Henri Caillavet, du Comité national d'éthique, écrit fin 1998 au sujet de l'invention de l'imprimerie :

« Souvenons-nous que c'est grâce à cette découverte, au xve siècle, que les connaissances d'alors ont enfin quitté le cercle étroit des érudits, des cénacles, des abbayes, des cloîtres, des cours impériales ou royales. Les copistes, descendant des scribes de l'Antiquité, abandonnèrent peu à peu l'art de l'enluminure et celui de la calligraphie des ouvrages essentiellement sacrés ou philosophiques... La multiplication des informations ont en effet d'importantes conséquences sur l'évolution des esprits, des mœurs et indirectement sur l'ensemble des structures politiques. Sans forcer le trait, j'écrirai que la république, que la démocratie sont, peu ou prou, les filles de l'imprimerie ! »

Remarquons en passant qu'Henri Caillavet commet une erreur, fréquente d'ailleurs, en parlant de découverte de l'imprimerie alors qu'il s'agit d'une invention. On ne découvre que ce qui existe. Christophe Colomb a découvert l'Amérique en utilisant des vaisseaux qui avec leurs instruments de bord étaient la concrétisation de quantités d'inventions.

Le XVIIIe siècle fut l'époque charnière appelée par nos intellectuels le «Siècle des lumières», celui où la société française est enfin sortie de l'obscurantisme moyenâgeux pour accéder à la connaissance abstraite, véritable soleil pour les êtres humains.

C'est ainsi que les grands intellectuels du XVIIIe siècle pensèrent pouvoir transformer l'enseignement concret par l'exemple en enseignement abstrait et théorique. Fini d'apprendre aux enfants à nouer leurs lacets de chaussure par l'exemple, l'explication théorique à l'aide de mots devant être suffisante.

Sous la direction de Diderot fut rédigée L'Encyclopédie ou «Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers» qui instituait la prééminence des connaissances abstraites sur le savoir-faire, des mots sur les choses, de l'idéologie sur le comportement !

Ce changement ne se fait pas en un jour et c'est un siècle après la Révolution de 1789 que Jules Ferry décréta la nécessité de la culture générale pour tous, en instituant l'école laïque, obligatoire et gratuite.

Cette école obligatoire n'enseignait que des connaissances abstraites. Le savoir-faire professionnel et le savoir-vivre social étaient mis à l'écart comme si cela appartenait à un autre monde peu digne d'intérêt. Or la majorité des enfants gardait une préférence pour cet enseignement concret par l'exemple. L'apprentissage professionnel n'étant plus reconnu et de nos jours les parents n'ayant plus le temps d'enseigner à leurs enfants le savoir-vivre, l'apprentissage du comportement allait échoir au groupe de copains dont les dominants n'étaient pas toujours exemplaires.

J'ai tenté dans ce chapitre de montrer comment la population française, en dehors du petit monde des intellectuels, religieux et philosophes, vivait autrefois jusqu'au XVIIIe siècle uniquement dans le concret, jugeant les individus sur leur comportement et sur ce qu'ils produisaient. Tous ne portaient de jugement que sur ce qu'ils voyaient, sentaient, entendaient, touchaient, goûtaient. Entre ce monde sensible et eux aucun média ne pouvait déformer ou censurer la réalité.

Les «Fables de La Fontaine» n'avaient d'autre but que d'expliquer le comportement des êtres humains en différentes circonstances et de tenter d'en tirer une morale utile pour tous.

Ne sachant ni lire ni écrire et n'ayant d'ailleurs rien à lire cette population manuelle ne pouvait s'exprimer que par des réalisations concrètes librement conçues et exécutées. C'est pourquoi la diversité ne pouvait être que la règle, chacun exécutant selon sa propre inspiration et s'efforçant d'ajouter une touche artistique à toute réalisation fonctionnelle.

A cette époque instruire consistait à former l'intelligence de l'apprenant et à lui faire mémoriser des connaissances abstraites. C'était le rôle des précepteurs qui étaient le plus souvent des intellectuels ayant produit des œuvres littéraires. Un maître, un élève, c'était évidemment l'idéal. ?


L'apprentissage

Éduquer consistait à former le comportement professionnel et social, le savoir-faire et le savoir-vivre. L'apprentissage était la règle pour tous les métiers manuels soit pour la presque totalité de la population et son principe était de montrer et de faire faire aussitôt. « C'est en forgeant qu'on devient forgeron » disait-on. On ne jugeait pas les capacités professionnelles sur des connaissances théoriques reconnues par un diplôme comme de nos jours mais uniquement sur le savoir-faire contrôlé. « C'est au pied du mur qu'on juge le maçon. »

L'apprentissage n'existait pas que dans les métiers manuels mais aussi dans les professions intellectuelles comme celle de notaire où c'est « sur le tas » que se faisait la formation.

Le savoir-vivre s'apprenait également par l'exemple et la pratique. De nos jours il n'est plus enseigné, remplacé par des cours d'éducation civique où l'on apprend par cœur la « Déclaration des droits de l'homme » et comment par le dialogue et la raison on résout tous les conflits.

Après cela on s'étonne que des élèves qui savent par cœur toutes les règles du civisme se comportent d'une manière si contraire à son application concrète. Le savoir-vivre comme le savoir-faire s'apprend par l'exemple que donne son initiateur or cet exemple et la pratique qui doit suivre où sont-ils ?

Molière avait déjà noté cette évolution de la société française vers l'intellectualisme.

Dans le «Bourgeois gentilhomme» il se moque de monsieur Jourdain qui croit pouvoir changer de classe sociale en singeant les manières des gentilshommes mais aussi en acquérant des connaissances intellectuelles avec un professeur de français et un de philosophie, lesquels sont plutôt ridiculisés. Le «philosophe» a un comportement diamétralement opposé à celui qu'il enseigne. Sa nature profonde reprend le dessus se montrant plus forte que le comportement exemplaire qu'il enseigne.

Dans les «Femmes savantes», Molière est plus précis. Il peint des femmes qui refusent de s'occuper des tâches dégradantes du ménage pour s'enrichir l'esprit de connaissances intellectuelles.

Molière, qui avait dû affronter toute sa vie des difficultés matérielles et su les surmonter pour réaliser son œuvre, avait conscience que l'esprit vit dans un corps dont les besoins sont prioritaires. On ne peut vivre hélas d'amour et d'eau fraîche?


Conclusion

Pour bien fixer les choses, disons que chaque être humain a un comportement qui est du domaine du concret et qui peut s'éduquer. Il a également une intelligence qui peut mémoriser des connaissances abstraites. ?


Le savoir-vivre.

Le savoir-vivre était autrefois enseigné par la famille selon les principes du dressage. Il était également formé par la religion qui avait défini un comportement idéal et les sept péchés capitaux précisaient tous les dérapages qu'il fallait éviter. Un bon comportement était récompensé par le paradis et un mauvais puni par l'enfer.

Le savoir-faire professionnel était enseigné par les professionnels eux-mêmes sans l'intermédiaire de professeurs.

Chez tout ce peuple de paysans et d'artisans, qui ne savait ni lire ni écrire, les mots définissaient des choses bien concrètes sans aucune ambiguïté ! Alors que langues et patois étaient multiples, pour bien des métiers le dessin, le plan représentaient un moyen de communication universel.

Les personnes pouvant avoir une activité purement intellectuelle étaient peu nombreuses car le surplus de biens de consommation leur permettant de vivre sans produire était très faible.

Ces activités intellectuelles gravitaient autour de la religion.

Grâce à de multiples inventions permettant d'accroître considérablement la production de biens de consommation, l'abondance allait permettre aux activités non liées à leur production de s'épanouir, notamment les activités intellectuelles.

C'est alors que naquit l'idée que l'esprit commandait le corps et qu'en s'adressant uniquement à l'intelligence, on pouvait éduquer le comportement. Le principe selon lequel on éduquait par l'exemple et par des punitions et des récompenses concrètes fut abandonné.

L'éducation civique donnée à l'École et faisant appel à la raison devait suffire à donner à tous un comportement fait de tolérance, de renoncement à la violence, de charité, de solidarité, de fraternité.

Ainsi naquit une idéologie qui devint dominante dont les valeurs prenaient le contre-pied de celles sur lesquelles avait été édifiée la société existant jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.

 

LA FRANCE DU MOYEN-ÂGE
JUSQU'AU XVIIIe SIÈCLE

Avant l'invention de l'imprimerie, du papier et des développements industriels qui en résultèrent, il n'existait qu'un nombre très limité de livres. Ils étaient calligraphiés par des copistes descendant des scribes dont parlent les Évangiles. De ce fait, les écrits étaient à la fois rares et coûteux, réservés au haut clergé et aux cours royales et impériales, ainsi qu'aux lettrés qui les fréquentaient.

Dans la grande masse des travailleurs manuels, personne ne savait lire ou écrire. Cela ne servait qu'aux intellectuels aimant lire ou écrire des ouvrages à caractère philosophique ou religieux. 3/4tre illettré n'empêchait pas d'œuvrer dans le concret.

Certains intellectuels qui jugent une époque à l'aune du développement des connaissances abstraites parlent de l'« obscurantisme du Moyen Âge ». Cela est devenu une idée reçue qui rejaillit sur toute cette époque considérée comme barbare.

Il est certain que les productions de l'esprit dans une population à 99 % illettrée ne pouvaient être abondantes. Par contre dans le domaine du concret, il en fut tout autrement.

Labourer, semer, faucher, battre les céréales, traire les vaches, construire une maison, fabriquer des meubles, une voiture, un navire, ferrer un cheval, sans compter les prolongements artistiques de l'artisanat, autant de travaux très concrets qu'il nous faut examiner car ils permettent de mesurer le degré de civilisation d'un peuple autant au moins que par ses productions littéraires ou philosophiques.

Il est amusant de constater combien la population actuelle ne cesse d'admirer ce qui reste des productions concrètes de cette époque. Que ce soit les vieux quartiers des villes où l'on admire la solidité et la beauté de très anciennes demeures, que ce soit un pont, une fontaine, des châteaux, des églises, des cathédrales, des meubles que l'on s'arrache à prix d'or et bien d'autres choses. L'on feint de croire que toutes ces merveilles ont été conçues et dessinées par des artistes intellectuels et que les artisans illettrés de l'époque n'étaient que des exécutants.

La population française, bien que la plus nombreuse en Europe n'atteignait pas vingt millions d'habitants. L'absence d'énergie d'appoint - moteurs électriques, à vapeur, à explosion - à l'exclusion de celles des chevaux et des bœufs, la médiocre qualité et la faible quantité des outils et instruments de travail auraient dû condamner les productions artistiques et techniques à rester marginales.

Cette situation a duré jusqu'à la fin du XVIIIe siècle durant lequel le développement de l'imprimerie permit d'accroître les productions littéraires et philosophiques ainsi que le nombre de leurs lecteurs. Cependant, les productions de l'artisanat restaient du même type qu'au Moyen Âge avec le même type de formation par l'apprentissage. Les paysans et les artisans continuaient à être illettrés et à s'autoformer.


Les cathédrales

Les cathédrales furent les œuvres les plus spectaculaires du Moyen Âge. Prouesses techniques et merveilles artistiques. Si l'on considère le peu de moyens dont disposaient leurs bâtisseurs, elles ne peuvent que nous stupéfier.

Il n'existait pas à cette époque d'écoles d'architecture et les maîtres d'œuvre des cathédrales furent soit le meilleur charpentier soit le meilleur maçon de la région.

Ce maître d'œuvre qui faisait office d'architecte portait les insignes de son grade : la règle, l'équerre, le compas, c'est-à-dire les instruments permettant d'exécuter un plan. Dans le domaine du concret, le langage n'est utilisé que pour accompagner l'exemple ou le dessin, lequel est à la frontière du concret et de l'abstrait. L'aide du langage est utile, mais pas indispensable.

Napoléon disait qu'un petit croquis vaut mieux qu'un long discours. Au Moyen Âge, le croquis, le dessin, le plan étaient les instruments de la communication entre le donneur d'ordre et celui qui le recevait. Au contraire du langage ou de l'écrit qui n'est compris que par ceux qui parlent la même langue, le dessin est universel. En outre il est précis, ne pouvant donner lieu à interprétations au contraire d'une instruction orale ou écrite.

On peut noter qu'au Moyen Âge chez tous les artisans et compagnons œuvrant dans le concret, l'utilisation du dessin pour communiquer permettait de travailler dans n'importe quel pays, la barrière de la langue devenant secondaire.

C'est ainsi qu'Étienne de Bonneuil se rendit en Suède à Uppsala avec dix compagnons français de haut niveau pour y construire avec des Suédois une cathédrale. On peut citer également des architectes (maîtres d'œuvre) comme Bernard le Vieux (Compostelle), Mathieu d'Arras (Prague), Guillaume de Sens (Canterbury) qui travaillèrent aussi hors de leur pays.

Inversement, des compagnons allemands tailleurs de pierre participèrent à l'édification de la cathédrale de Reims. L'architecte alsacien Niesenberger se rendit à Milan avec treize compagnons de différents pays pour élever la coupole de la cathédrale. La construction de la cathédrale de Strasbourg fut dirigée par des maîtres d'œuvre allemands.

Sous la direction du meilleur d'entre eux les artisans qui construisirent les cathédrales étaient des illettrés possédant un extraordinaire savoir-faire. La hiérarchie existante venait de la réussite professionnelle et non de diplômes obtenus en fin d'études théoriques.

Édifier une immense cathédrale avec des moyens dérisoires au milieu d'une petite ville aux maisons basses représentait un projet qui comparativement dépasse de loin en importance les plus grandes réalisations de notre siècle. Cela suppose un incroyable optimisme de la part de ceux qui y participaient.

Certes, il y eut quelques échecs, mais certainement pas plus que pour les fusées interplanétaires conçues par les meilleurs ingénieurs de notre temps.


Peu de créateurs mais de nombreux exécutants

De nos jours, il existe peu de créateurs et beaucoup d'exécutants dont les tâches répétitives leur interdisent toute initiative. Du Moyen Âge au XVIIIe siècle, ce fut exactement le contraire. Si l'on prend pour exemple les meubles, il existe actuellement un nombre limité de fabricants dont beaucoup produisent en série des copies d'anciens. D'autres innovent mais n'ont que peu de créateurs de nouveaux modèles et beaucoup d'exécutants. Le profit étant l'obligatoire objectif, l'abaissement du prix de revient polarise toutes les recherches.

Au Moyen Âge, le nombre de menuisiers était considérable et chacun d'eux était maître de son ouvrage. Tout se faisait à la main et chaque compagnon avait un grand savoir-faire. La production concrète était presque le seul moyen d'exprimer son sens artistique. Cela explique l'étonnante abondance de réalisations de tous ordres que tous nous admirons.

Les vingt millions de Français du Moyen Âge étaient beaucoup plus productifs en biens durables, pratiques et d'une grande beauté que les soixante millions vivant de nos jours. Pourquoi ?

Parce qu'au Moyen Âge on produisait pour l'éternité alors que de nos jours, on travaille pour la poubelle. Tout doit être jeté, d'abord tous les emballages si rutilants et pratiques, ensuite les objets dont la technologie est vite dépassée, enfin tout ce que nous achetons pour être à la mode, laquelle change chaque année. Rien n'est plus laid que ce qui est démodé. A la poubelle !

Au Moyen Âge, on produisait mille fois moins mais l'objet bien entretenu devait durer, jusqu'à la nuit des temps et sa beauté était éternelle. De nos jours les biens abstraits, dits culturels offerts par les journaux, magazines, radios, télévisions, internet, sont si abondants que sitôt lus ou vus ils sont oubliés.

Ce qu'on appelle le progrès, c'est la libre adoption par la population d'innovations, d'inventions qui sont par définition imprévisibles.

Personne ne sait les conséquences sur lui-même, sur sa famille, sur ses descendants ou sur ses concitoyens de l'adoption d'une innovation. C'est ainsi que la paysannerie est passée de 95 % à 3 % de la population uniquement par sa libre adoption d'innovations qui ont provoqué une surproduction fatale accompagnée d'une tragique suppression de main-d'œuvre.


La paysannerie s'est autodétruite

La paysannerie s'est autodétruite alors qu'elle croyait que le progrès technologique lui donnerait une vie meilleure. Des artisans ont inventé l'imprimerie et sa mise en œuvre. Ils ne savaient pas qu'ils signaient leur déclin aboutissant à leur disparition.

Malesherbes a écrit au XVIIIe siècle : « Chaque citoyen peut parler à la nation entière par la voie de l'impression. » Désormais, le talent d'un intellectuel pouvait faire sa gloire et sa fortune dans toute la France alors que le talent d'un artisan qui produit un meuble admirable ne sera connu que de quelques amateurs.

L'équilibre entre les productions de l'esprit et celles des mains est rompu et à mesure que l'on va inventer de nouveaux moyens de diffuser le savoir-dire, les connaissances abstraites, celles-ci vont submerger tout ce qui est concret. Les travailleurs manuels si bien dans leur peau lorsqu'ils étaient paysans ou artisans vont se sentir inadaptés dans cette civilisation où l'homme a « lâché la proie pour l'ombre » le réel pour son image.

Nous devons bien comprendre que certaines inventions peuvent propulser au devant de la scène des personnes dont le talent serait resté sans cela inconnu. Si Luther était né un siècle plus tôt, personne ne le connaîtrait. Grâce à l'imprimerie, ses « protestations » ont été placardées dans toute l'Europe et lues à la population par les scribes. Si Johnny Halliday avait eu 20 ans en 1900, ne pouvant devenir chanteur d'opéra, il aurait renoncé au métier de chanteur populaire qui nourrissait tout juste son monde.

L'invention de la photographie a tué la peinture figurative et notamment l'art du portrait si admirable jusque-là. Depuis, des peintres qui avaient peut-être tous les dons pour devenir de sublimes portraitistes sont restés dans l'ombre, leur destin brisé par une invention.

Les écrivains eux-mêmes ont été bien plus populaires au XIXe siècle que maintenant ou la lecture a été remplacée par la télévision.

Élisabeth Badinter a remarquablement bien compris le Siècle des lumières où beaucoup d'hommes de talent qui auraient peut-être fait une carrière honorable dans la théologie, ont profité de l'invention de l'imprimerie pour obtenir la gloire dont ils étaient avides.

Les siècles précédant le XVIIIe siècle ont eu autant d'hommes possédant le talent de Condorcet, de d'Alembert ou de Montesquieu mais qui n'eurent pas la chance de pouvoir parler à la nation « par la voix de l'impression ».

Le microscope a permis à Pasteur d'obtenir la célébrité. Sans lui, il ne pouvait prouver l'existence des microbes et trouver le moyen de les combattre. Parler de l'évolution de la pensée et des mœurs sans parler des innovations concrètes, c'est ignorer les vraies causes de cette évolution.

De tous temps quelques écrivains, hommes ou femmes, ont écrit que la femme était libre de son corps et devait avoir un comportement amoureux semblable à celui des hommes. Il a fallu attendre l'invention de la « pilule » pour que cela entre dans les faits. Cette révolution des mœurs ne vient donc pas de la religion ou d'une idéologie laïque mais d'une innovation très concrète.


Pourquoi parler du Moyen Âge ?

Pourquoi parler du Moyen Âge ? Est-ce pour vous inviter à revenir en arrière ? Certes non ! Ce qui est révolu ne revient jamais. J'ai simplement voulu lutter contre une désinformation qui présente le Moyen Âge comme une époque d'obscurantisme et de barbarie.

En haut des religieux ne pensant qu'à discuter sans fin de l'interprétation des textes du Nouveau et de l'Ancien Testament. Puis des seigneurs grossiers, brutaux et exploiteurs du peuple, lequel peuple complètement illettré devait en plus subir les exactions de bandes de pillards, des pestes et des disettes.

Comment construire des cathédrales dans un tel désordre ? Mystère.

L'important est de montrer qu'un peuple d'illettrés dans une France sans école sauf pour les intellectuels choisissant la carrière religieuse a pu produire tant d'œuvres merveilleuses. La beauté de ces œuvres nous procure une immédiate émotion artistique au contraire de l'art moderne qui demande des années d'initiations intellectuelles pour être soi-disant compris.

Ce peuple s'auto-éduquait professionnellement par l'apprentissage. Il apprenait par l'exemple familial le savoir-vivre.

Il en était de même pour la noblesse et le clergé où comme pour le tiers état, les adultes décidaient de l'éducation, de la formation des enfants qui devaient leur succéder. Les hommes éduquaient les garçons, les femmes éduquaient les filles.

Cette éducation ne regardait pas l'état monarchique au contraire de ce qui se passe de nos jours où l'état républicain est pratiquement seul à décider de l'éducation de tous les enfants. Dans ce secteur si important nous vivons dans un état totalitaire.

Au moment de conclure ce chapitre, je m'aperçois que j'ai oublié de mentionner l'essentiel. J'ai parlé de créations dans tous les domaines et du merveilleux savoir-faire qu'elles supposaient mais il fallait concevoir chaque chef-d'œuvre avant de le réaliser. D'où venait cette inspiration qui habitait tant d'hommes dans tous les domaines ?

Ce qui caractérise ces anciens temps, c'est la prolifération des projets, la fécondité de la créativité, la constance du bon goût. Beaucoup d'individus voulaient se dépasser soit par une action héroïque soit en réalisant un chef-d'œuvre. La petitesse de la population, la faiblesse des moyens mis à sa disposition n'empêchèrent pas la naissance puis l'épanouissement d'une véritable civilisation qui eut son apogée sous Louis XIV. La main en fut l'instrument principal.

 

LE PRIMAT DE L'ÉDUCATION PARENTALE
REMIS EN QUESTION

Récemment Mme Judith Rich Harris*, psychologue américaine diplômée de Harvard, fit une étude approfondie de l'influence de l'éducation parentale sur la formation de la personnalité des enfants. Judith Rich Harris note : « L'importance de l'enfance dans le "destin" d'une personne est devenue une sorte de dogme idéologique des temps modernes. » Elle croyait elle-même en grande partie à ce dogme lorsqu'elle entreprit ses recherches.

Pour bien réussir une telle étude, il ne faut pas avoir d'idées préconçues qui vous incitent à choisir quelques exemples qui vont dans le sens de ce que l'on veut démontrer. Il faut faire des recherches systématiques et totales.

L'auteur a notamment étudié dans les familles à plusieurs enfants l'aîné et le cadet qui sont toujours élevés différemment, ce qui expliquerait selon une idée reçue très répandue une personnalité adulte différente.

Or les études systématiques ont bien montré qu'aîné et cadet étaient effectivement traités différemment par leurs parents mais lorsqu'on a étudié la personnalité de milliers d'aînés et de cadets il ne fut trouvé aucune particularité spécifique aux uns ou aux autres. La théorie qui paraissait si séduisante et si certaine s'écroulait totalement. Après des années d'étude Judith Rich Harris dut constater que l'influence du milieu familial et l'éducation parentale ne pouvaient en rien modifier la personnalité de l'enfant. Il est par exemple habituel de relever une corrélation entre un enfant asocial et les conflits éclatant fréquemment entre ses parents.

En réalité cette corrélation est due à l'hérédité et non à l'influence du milieu familial. Les parents qui se disputent continuellement ont une nature intolérante et agressive qu'ils transmettent génétiquement à leurs enfants. Voilà un dogme, et d'importance qui s'écroule, dogme qui lança sur de fausses pistes nombre d'éducateurs !

Ce qu'il y a d'utile dans l'ouvrage cité c'est qu'il dit aux parents : ne vous tracassez pas pour l'avenir de vos enfants et sur les erreurs que vous pourriez commettre dans leur éducation, celle-ci n'a aucune influence sur la formation de leur personnalité et donc sur leur destin. Pour conforter ce point de vue voici la morale d'une fable de La Fontaine, « La souris métamorphosée en fille » :

Il faut en revenir toujours à son destin
C'est-à-dire à la loi par le Ciel établie :
Parlez au diable, employez la magie
Vous ne détournerez nul être de sa fin.


Judith Rich Harris cite un couple de chercheurs américains s'intéressant aux méthodes d'éducation des habitants de Khalapur, village rural d'une région reculée de l'Inde. Ils ont demandé un jour à une mère quel genre d'homme elle voulait que son fils devienne quand il serait grand. La femme a haussé les épaules : « Ça dépend de son destin, a-t-elle répondu, ce que je veux est sans importance. »

Ainsi autrefois en France, de nos jours dans les régions les plus pauvres du monde où l'idéologie dominante des intellectuels n'est pas parvenue on ne croit pas au primat de l'éducation parentale mais au destin par le Ciel établi.

Ici on aperçoit une différence fondamentale entre les intellectuels qui se nourrissent de livres, d'idées, de la représentation abstraite de toutes choses et le monde des hommes qui partent de l'observation des choses pour en tirer des conclusions.


Jean-Jacques Rousseau

Jean-Jacques Rousseau nous montre le cheminement de la pensée intellectuelle. Après avoir eu cinq enfants tous abandonnés à leur naissance il a écrit un gros livre sur l'éducation, certes génial mais fait pour un certain type d'enfant plus imaginé qu'observé.

Il n'a pas eu envie de mettre en pratique ses théories. Un homme du concret à la fois observateur et cherchant à tirer des leçons de ses observations aurait commencé à élever beaucoup d'enfants avant d'écrire un ouvrage sur leur éducation. La vérité est sur terre, pas dans les nuées et de cette réalité qu'on observe, que l'on peut recontrôler autant de fois que l'on désire, on peut élaborer des théories dont la qualité dépend de la rectitude du raisonnement, de l'honnêteté intellectuelle et du génie créatif.

Les constatations de Judith Rich Harris sont fort intéressantes car elles présentent un élément de l'éducation des enfants jugé primordial, celui donné par les parents. Montrer qu'il n'a aucune influence sur la formation de la personnalité, cette démonstration venant d'une intellectuelle, psychologue diplômée, est importante car l'intelligentsia ne prend en compte que ce qui vient de sa caste.

Au Moyen Âge, les chevaliers laissaient l'éducation de leurs fils aux femmes, n'importe lesquelles et ne s'intéressaient à eux qu'à l'âge où ils pouvaient apprendre à monter à cheval, à chasser, à se battre. Nulle crainte pour eux de les trouver efféminés et peu enclins à partager leurs valeurs. Ils savaient déjà par l'observation ce que Judith Rich Harris a découvert après des années de recherches, que la nature de l'être humain qui détermine son comportement et son destin est insensible à l'éducation parentale. J'ajouterai qu'elle est également insensible aux éducations sociale et scolaire.

Je reprocherai cependant une chose à Judith Rich Harris. Elle prétend que si l'éducation parentale n'a aucune influence sur la formation de la personnalité elle est remplacée par celle « des pairs » c'est-à-dire les amis, les copains, l'équipe, le groupe, la bande auquel s'intègre l'enfant, lequel partage vite ses valeurs et non celles de ses parents.

Ceci n'est pas prouvé et vient d'une autre erreur, ou plutôt omission c'est d'oublier de définir la personnalité et plus généralement ce qui motive le comportement de l'être humain. Tant que l'on n'a pas bien compris ce mécanisme du comportement il est difficile de parler d'éducation.

 

MÉCANISMES DU COMPORTEMENT

Puisque cet ouvrage traite de l'éducation et de l'instruction et que l'éducation concerne le comportement c'est-à-dire nos rapports avec le concret, les choses et les gens, nous devons étudier son mécanisme pour savoir jusqu'à quel point nous pouvons le modifier.

La doctrine actuelle date du Siècle des lumières. Condorcet en a défini le principe de base en disant : « Il n'y a entre les deux sexes aucune différence qui ne soit l'ouvrage de l'éducation. »

C'est la doctrine du « tout-acquis » qui prétend que l'enfant est formé par ce que lui apporte sa famille, son environnement social, la société à travers l'école. Il est comme la glaise entre les mains du sculpteur.


De bons principes

Au temps de Cordorcet comme de nos jours, éduquer et instruire étaient presque synonymes parce qu'on croyait pouvoir éduquer le comportement en formant l'esprit. De nos jours, la société à travers l'école enrichit l'esprit des enfants de bons principes :

non-violence, respect des opinions d'autrui, tolérance, résolution des conflits par le dialogue et l'on s'aperçoit que de tels principes ne sont appliqués que par les enfants, très minoritaires dont le naturel les prédispose à se comporter selon ces principes. Les autres, hélas, n'en ont cure.

La personnalité que les intellectuels appelaient autrefois le caractère et le peuple le naturel (chassez le naturel, il revient au galop) je préfère l'appeler la nature profonde.

La nature profonde est la somme des instincts qui nous incitent à satisfaire nos besoins biologiques. Ceux-ci nous permettent de survivre et de perpétuer notre patrimoine génétique.

Ces besoins fondamentaux comme manger, boire, se protéger des intempéries et des prédateurs, vivre en communauté et en son sein communiquer, satisfaire son besoin de paraître et sa volonté de puissance, vivre en couple, satisfaire ses pulsions sexuelles, aimer et protéger ses enfants, etc., forment notre nature profonde.

Le dosage de ces besoins et la manière dont ils s'expriment varient avec chaque individu et forment sa personnalité. Seuls les vrais jumeaux ont la même personnalité.


Besoins naturels nécessaires

Quelles sont les incitations poussant à satisfaire les besoins naturels nécessaires à la survie de l'individu et à sa perpétuation ? Le plaisir et la souffrance sous toutes ses formes. C'est ainsi que la température optimum nous permettant de conserver notre bonne santé et notre activité est 20°. Une température de 30° ou de 10° nous procure des sensations désagréables qui nous font rechercher un lieu soit plus frais, soit plus chaud.

Ce ne sont donc pas les découvertes scientifiques dans le domaine médical qui nous incitent à rechercher une température de 20° mais le besoin de se sentir bien.

Pour satisfaire ses besoins l'être humain doit s'adapter à son environnement. Une fois qu'il a trouvé le processus pour satisfaire l'un d'eux, il va le répéter et se créer une habitude.

L'ensemble des habitudes forme ce que l'on appelait autrefois la seconde nature. Alors que la nature profonde ou personnalité est définitivement fixée dès la conception, la seconde nature peut être éduquée, modifiée. Selon certains critères, un être peut acquérir de bonnes ou de mauvaises habitudes.

A titre d'exemple la soif traduit un besoin biologique qui peut se satisfaire de mille manières. Suivant le lieu où il se trouve l'être humain peut aller chercher de l'eau dans un puits ou se servir d'un robinet s'il a l'eau courante ou préférer une eau minérale de meilleur goût et il peut l'acheter dans divers magasins. Il va finir par déterminer le processus qui lui convient pour étancher chaque jour sa soif et peu à peu le répéter et se créer une habitude.

Changeant de lieu, il devra remettre en question ce processus, changer ses habitudes. Seul son besoin d'eau qui fait partie de sa nature profonde ne peut varier.

Alors que chez les animaux le choix instinctif de ce qui est bon ou mauvais dans un environnement naturel ne saurait être erroné, chez les êtres humains de nombreuses inventions ont mis à sa disposition des produits « trompeurs » comme le tabac, l'alcool, les drogues. En effet, ces produits lui procurent des sensations positives alors qu'elles devraient être négatives pour lui interdire de les utiliser. Elles sont de fait défavorables à sa survie et à la perpétuation de son patrimoine génétique, objectif suprême bien qu'inconscient à partir duquel s'ordonnent toutes les activités animales et végétales.


Nature grégaire

Un troisième aspect de notre comportement vient de notre nature grégaire. Un être humain ne peut vivre seul. La mise en quarantaine est la pire des épreuves à laquelle peu d'êtres peuvent survivre.

Nous voilà donc éprouver le besoin de nous insérer dans un certain nombre de communautés plus ou moins grandes, d'abord familiales, ensuite communauté de travail, mondaine, sportive, religieuse, nationale, etc., ce qui nous amène à différentes adaptations comportementales. Par exemple nos vêtements vont changer suivant que nous sommes seuls, position où se révèle notre nature profonde ou en famille, au bureau, dans une réunion mondaine, avec des copains...

Dans chaque groupe il existe un ou des dominants qui donnent le ton et une multitude de dominés qui suivent. Ainsi naissent les modes vestimentaires auxquelles il est difficile de se soustraire même si l'on prétend n'en pas tenir compte. Les femmes y sont plus sensibles que les hommes et même si une nouvelle mode est condamnée par beaucoup d'entre elles qui prétendent « que jamais elles ne porteront ça » elles n'y résistent guère plus de deux mois.

Pour connaître la nature profonde d'un être il faut savoir comment il se comporte hors de tout groupe. Ainsi par exemple lorsqu'il conduit seul sa voiture un homme d'une très grande courtoisie lors d'une réception mondaine peut se muer en parfait goujat lorsqu'il s'agit de ravir une place de parking à un autre conducteur qui l'attendait depuis plus longtemps.

Parfois un être ayant du génie dans l'art oratoire peut subjuguer les foules et sembler créer un « homme nouveau » auquel tous les citoyens s'efforcent de ressembler.

Que ce dominant disparaisse et que de nouveaux leaders prennent la place des anciens et le monde entier croira que les citoyens de ce pays ont totalement changé. C'est une erreur, leur nature profonde étant toujours la même. Les changements chez les individus qui forment une nation se font toujours très lentement et sont toujours dus à des dérives génétiques et non à des mouvements d'idées.

Cet instinct grégaire est d'une extrême importance pour expliquer notre comportement en certaines circonstances. Parmi les animaux qui vivent en communauté le chien, qui le possède, peut remplacer le dominant de la meute par son maître.

Jack London qui a participé à la Ruée vers l'or a beaucoup étudié les rapports entre l'homme et son chien. Il pensait que pour le chien qui adore son maître celui-ci est comme un dieu dont il ne peut se détacher.


Un maître bon ou méchant...

Que le maître soit bon pour lui ou méchant, l'animal lui reste fidèle et le défendra jusqu'à y perdre la vie.

Ainsi l'homme ayant donné sa foi à un chef le suivra jusqu'au bout, parfois jusqu'au sacrifice.

Si les conflits entre le comportement « naturel » et le comportement grégaire sont connus depuis la nuit des temps, la psychanalyse a su les présenter d'une manière nouvelle en appelant la nature profonde l'inconscient ou le subconscient.

Appartenant à l'école de pensée du « tout-acquis » la psychanalyse prétend que cet inconscient n'est pas inné mais s'est formé dans la petite enfance et que l'individu peut modifier certaines pulsions qu'il veut combattre en prenant conscience de certains incidents de sa petite enfance, les « traumatismes du vécu ».

A titre d'exemple jusqu'à la première moitié du XXe siècle, le comportement grégaire était en partie subjugué par une morale dominante qui entre autre considérait comme bien l'union hétérosexuelle et mal l'homosexualité. D'où naissance de graves conflits chez les homosexuels.

La psychanalyse s'est acharnée à prétendre que l'homosexualité était provoquée par des relations équivoques pendant la petite enfance. Elle était de toute façon acquise. De nos jours il ne fait plus de doute qu'il s'agit d'une différence innée, génétique.


Pédophiles

Il est intéressant de noter qu'une récente campagne de journaux anglais contre les pédophiles s'est traduite par la publication de noms et photos d'individus ayant été condamnés pour de tels comportements, parfois vingt ans plus tôt. Cela voulait dire que contrairement à la doctrine freudienne, la pédophilie était considérée par ces journaux comme innée et irrémédiable.

Chose étonnante, les nations européennes n'ont pas protesté avec véhémence contre ce retour à la doctrine du « criminel né » qu'ils avaient autrefois radicalement condamnée.

Ainsi les psychanalystes se réfèrent toujours à un maître tout en ayant abandonné sa doctrine. Je voudrais préciser que si l'éducation correspond à la nature profonde, à une tendance innée ce qui sera appris subsistera après le départ de l'éducateur. Par contre si cette éducation ne correspond pas à la nature profonde et si la société par son action grégaire ne prend pas le relais de l'éducateur, toutes les leçons de celui-ci seront vite oubliées.

Autrefois pour réprimer une tendance innée au vol, on disait aux enfants : « Qui vole un œuf vole un bœuf » et le vol d'un œuf était très sévèrement puni. Ensuite, chez l'adulte la société prenait le relais et châtiait cruellement le voleur, souvent en le suppliciant en place publique. Le vol était de ce fait extrêmement rare.

C'est ainsi que Louis XIV permettait à n'importe qui de visiter le château de Versailles à condition d'être habillé proprement. On pouvait louer un pourpoint si nécessaire à la porte du château. Aucun vol, aucun vandalisme n'a été à déplorer.

En ce temps-là, toutes les églises étaient ouvertes. De nos jours, elles sont fermées en dehors des heures de cérémonies.


Une nature profonde intangible

Je me suis efforcé d'analyser le comportement humain et d'expliquer son mécanisme en révélant l'existence d'une nature profonde ou personnalité qui est intangible. C'est l'inné définitivement fixé au moment de la conception. Rien ne peut le modifier.

J'ai également révélé l'existence d'une seconde nature, celle des habitudes. Elle seule peut et doit être éduquée pour apprendre au futur adulte à s'intégrer à la société en s'adaptant à ses lois, à ses usages, à ses coutumes. C'est le savoir-vivre.

L'analyse du comportement de l'être humain a également révélé l'importance des instincts grégaires, comme nous l'avons déjà dit.

C'est probablement la nature profonde qui choisit la communauté à laquelle l'individu va s'intégrer en imitant son ou ses dominants. Il ne sait pas toujours où cela va le mener mais s'il est subjugué, cela veut dire qu'il perd son autonomie, sa liberté de jugement.

Comme je l'ai dit nous appartenons en même temps à plusieurs communautés, indépendantes les unes des autres.

Pour résumer, on peut dire que lorsqu'un individu agit c'est poussé par sa nature profonde, il choisit par habitude, ou pour se conformer au comportement des membres d'un groupe auquel il appartient.

Cependant l'être humain n'est pas que cela car la nature profonde, les habitudes et les instincts grégaires se retrouvent chez de nombreux animaux et expliquent leur comportement.


Imagination créatrice

L'homme primitif avait un comportement très voisin de celui de certains animaux dits supérieurs. C'est l'imagination créatrice que ne possède aucun animal qui semble être la seule différence expliquant son évolution.

Encore faut-il comprendre selon quels critères les individus adoptent une invention faite par l'un d'eux. La recherche du moindre effort en est le principal. Cette tendance existe chez tous les animaux. La « Société protectrice des Oiseaux » recommande de donner de la nourriture aux oiseaux en hiver mais d'arrêter fin mars afin d'éviter qu'ils deviennent dépendants d'une nourriture facile à trouver. Sinon l'arrêt de cette distribution peut provoquer leur mort par incapacité de faire les efforts nécessaires pour trouver leur subsistance habituelle.

Ainsi l'homme est devenu dépendant de toutes les innovations qu'il a adoptées et considère avec horreur les conditions de vie de nos ancêtres. Il est fier d'avoir inventé le temps libre alors qu'autrefois on disait que l'oisiveté est mère de tous les vices.

L'homme a créé des moyens de communiquer abstraits - langage, chiffres -, des moyens de communiquer à la frontière de l'abstrait et du concret - dessin, peintures, images, croquis, plans - et enfin il a créé des objets, des ustensiles, des outils lui permettant d'accroître sa puissance et son mieux-être et c'est par l'exemple qu'il a enseigné comment les fabriquer et les utiliser.

Contrairement à ce que croient les intellectuels les productions de l'esprit n'ont joué qu'un faible rôle dans l'évolution humaine. Ce sont les créations concrètes qui ont profondément modifié notre environnement matériel donc notre style de vie et par contrecoup notre patrimoine génétique.

Il peut paraître surprenant que le style de vie modifie le patrimoine génétique. Cependant si l'on considère que les Noirs africains recrutés pour travailler dans les champs de coton des États-Unis ont été sélectionnés pour leur vigueur, que l'on sait depuis longtemps qu'un homme gras est peu doué pour une activité physique demandant endurance et rapidité, il est tout a fait certain qu'aucun travailleur obèse n'a été recruté.

Or de nos jours, entre un quart et un tiers des Américains, dont les Noirs, sont obèses. On remarque des familles d'obèses ce qui fait dire qu'il existe un phénomène d'hérédité.

Comment ces Noirs sont-ils devenus génétiquement obèses si ce n'est en changeant de vie, en passant des heures devant une télévision à grignoter des amuse-gueules. Or ce sont les progrès technologiques qui ont créé l'abondance alimentaire. Ils ont provoqué également la disparition du travail physique fatigant et l'augmentation du temps libre.

Nous sommes donc amenés à penser qu'une modification du comportement pendant plusieurs générations peut modifier notre patrimoine génétique, créer de nouveaux besoins génétiquement transmissibles, changer notre aspect physique.

A supposer que ni la maîtrise du feu, ni les armes, ni les pièges n'aient été inventés mais que seuls aient évolué le langage et la pensée, l'être humain aurait continué à vivre dans des cavernes ou dans quelque abri de fortune d'une manière qu'on appelle primitive.

C'est ceux que l'on appelle de nos jours, et avec quelque condescendance des « manuels », ceux qui préfèrent manier le concret, les choses et les gens et non les intellectuels qui manient l'abstrait, les mots, les chiffres, les idées, les symboles qui ont fait évoluer la société humaine par leurs inventions.


Conclusion

Ainsi chaque individu possède une personnalité qui va orienter sa vie, ses choix professionnels ou sociaux. C'est son destin que nul ne peut modifier. Nous pouvons être au mieux pour un enfant comme un bon jardinier qui apporte à la plante exactement ce qu'elle demande. Elle ne peut assimiler autre chose ni devenir une autre plante parce qu'on lui donne une autre nourriture.

Mais alors que le jardinier sait exactement quelle plante correspond à la graine qu'il sème et connaît par expérience ses besoins, l'éducateur ignore le destin contenu dans le patrimoine génétique de l'enfant et comment l'aider à s'accomplir. L'enfant lui-même ignore quelle sera sa vie.

Parfois la personnalité est très faible, ou met du temps à s'affirmer et dans ce cas il est possible d'influencer son choix. Ou bien il sait ce qu'il veut et nous ne pouvons que l'aider à réaliser son rêve. De toutes façons apprendre le savoir-vivre en société, c'est-à-dire les règles de politesse et l'obéissance aux lois, est toujours nécessaire. Mais il s'agit d'un comportement et non d'un savoir abstrait et un comportement se forme par l'exemple, les récompenses et les punitions.

 

L'ÉDUCATION NATIONALE

Ainsi, grâce à l'invention de l'imprimerie l'abstrait prit le pas sur le concret, les mots et les chiffres dont la représentation concrète était constante se détachèrent du réel, quittèrent notre monde sensible pour vivre leur propre vie. Ce flot de mots et de chiffres dont on nous abreuve chaque jour n'ont plus aucun sens ou plutôt chacun les comprend à sa manière.

Cette ambiguïté fait la délectation des intellectuels qui en discutent à perte de vue. Sait-on que les premiers mots de la Bible : « Au commencement » donnèrent lieu a plus de 850 interprétations par les plus grands théologiens ?

Autrefois parler d'une douzaine d'œufs n'avait qu'un sens et c'est pourquoi hommes et femmes avaient les pieds sur terre et la tête froide.

Chacun sait que le travail manuel décrété obligatoire pour les enfants est quelque chose de monstrueux. Cependant, pendant des siècles et des siècles nos ancêtres paysans et artisans faisaient travailler leurs enfants du matin au soir. Ce sont des choses qu'on n'ose pas dire tant elles sont contraires aux idéologies du xxie siècle. Nous oublions que nous n'existerions pas si cela n'avait pas été ainsi. C'était une nécessité pour survivre.

Lorsque Jules Ferry créa l'école laïque et obligatoire et bien que beaucoup d'enfants de paysans préféraient les travaux de la ferme à ceux de l'école, cette obligation fut saluée par les intellectuels comme une merveilleuse décision. Ainsi dès la fin du XIXe siècle l'idéologie dominante considérait que le savoir abstrait, intellectuel était noble, enrichissant, gratifiant et le savoir-faire concret était vil, dégradant.

Ce fut à la même époque que peintres et sculpteurs qui tentaient jusqu'ici de fixer pour l'éternité et de faire partager l'émotion éprouvée à la vue d'un paysage, d'un corps, d'un visage, d'une scène virent leur art torpillé par l'invention de la photographie.

Certains grands peintres impressionnistes furent tout d'abord enthousiasmés par cette nouvelle technique. Ils pensaient qu'elle les aiderait dans leur travail mais ils s'aperçurent qu'un photographe pouvait lui aussi éprouver une émotion devant un visage, un corps, un paysage et la communiquer par une photo pour la faire partager.

Dès lors l'art figuratif dut se réfugier dans l'art abstrait purement intellectuel, ne traduisant aucune émotion et ne pouvant être directement compris par le profane.


Le projet de Jules Ferry

Le projet de Jules Ferry allait dans le sens de l'histoire qui lamine les particularismes pour aller vers l'universalisme. La lutte contre les langues régionales fut un des principaux objectifs des instituteurs de l'école primaire. Tout cela partait d'un bon sentiment bien que de nos jours ce « progrès » aboutit à la disparition progressive de notre propre langue au bénéfice de l'américain.

A cette époque il n'existait encore ni magazine pour enfants, ni radio, ni télévision, et très peu de livres. Les enfants majoritairement issus de milieux ruraux connaissaient leur village, ses habitants, les métiers qui y étaient pratiqués, les animaux domestiques et sauvages de leur région, les plantes, les arbres, les fruits et bien d'autres choses appartenant au monde sensible. Toutes ces connaissances n'étaient pas médiatisées mais directement perçues par les cinq sens des enfants.

Depuis son origine l'être humain vit en groupe et chacun s'efforce d'apporter des informations au groupe. Celui qui en apporte le plus jouit d'un prestige incontestable bien que ses récits ne soient pas toujours exacts. C'est pourquoi les plus âgés du groupe restaient toujours sur leurs gardes et prévenaient : « A beau mentir qui vient de loin. » Chez les jeunes, au contraire : « Tout nouveau, tout beau » et c'est pourquoi les connaissances transmises par l'instituteur fascinaient.

Lui seul détenait ce savoir et il était heureux et fier de le transmettre.


Les Hussards noirs de la République

Au début de l'école laïque et obligatoire les instituteurs étaient appelés : «Les Hussards noirs de la République.» Ils avaient foi en leur mission. Mon grand-père maternel était inspecteur de l'enseignement primaire et sa sœur institutrice et je me souviens d'eux comme de personnes ne songeant qu'à servir. Grâce à eux tous les enfants allaient entrer dans le monde des connaissances de l'histoire, de la géographie, des sciences naturelles. Ils allaient apprendre à lire, à écrire, à compter grâce à quoi ils pourraient eux-mêmes s'instruire.

A cette époque l'Éducation nationale s'appelait l'Instruction publique. Ses ambitions étaient donc plus modestes bien qu'en fait les instituteurs s'occupaient plus d'éducation que de nos jours. Avec leur règle, ils tapaient sur les doigts des enfants indisciplinés, négligeants ou qui parlaient le patois entre eux. De nos jours un tel comportement risquerait de mener le professeur devant un tribunal.

Désormais les enfants pouvaient se situer dans la France et celle-ci dans le monde. A la fin de l'école primaire ils obtenaient un certificat d'études qui en fait était beaucoup plus difficile que le baccalauréat de nos jours. En dehors de l'école primaire, dans les lycées on préparait les enfants plus intellectuels que manuels au baccalauréat et ensuite aux grandes écoles qui formaient les hauts fonctionnaires et les ingénieurs et patrons des entreprises privées.

Comment tous ces instituteurs et professeurs si dévoués à la nation et si respectés, si convaincus de l'utilité de leur mission ont-ils pu peu à peu se muer en fonctionnaires désabusés accumulant les privilèges et devenant une véritable nomenklatura que leur ministre a dénommée Mammouth pour sa puissance et son incapacité à s'adapter aux transformations de la société ?


Un prestige immense

Au début du XXe siècle les instituteurs étaient les seuls médias entre la plupart des connaissances abstraites et les enfants. De ce fait auprès de ceux-ci leur prestige était immense. De nos jours il n'en est plus de même car la jeunesse dispose de magazines, radio, télévisions qui l'abreuvent d'informations, reportages qui couvrent tout l'univers. Un cours d'histoire paraît bien pâle et ennuyeux à côté des nombreux films qui traitent des mêmes sujets bien qu'ils soient très souvent loin de la vérité historique.

Apprendre à connaître le Pérou à l'école ou voir un magnifique reportage sur ce pays ne peut se comparer. De même pour la vie des animaux. L'école est devenue ennuyeuse pour la plupart des élèves qui sont certes heureux d'y retrouver les copains mais dont les cours ne sont qu'un exercice de mémorisation dont la finalité est l'obtention d'un diplôme. Celui-ci obtenu les connaissances nécessaires pour l'obtenir sont vite oubliées.

Avant la guerre il y avait 10 000 bacheliers par an qui étaient tous des intellectuels aimant les connaissances abstraites. De nos jours il y en a 50 0000 presque tous issus de milieux manuels c'est-à-dire aimant mieux le concret que l'abstrait. De ce fait ils préfèrent les images, les dessins, les photos, les romans-photo, les bandes dessinées à la pure littérature.

L'image est en effet un ersatz du concret et dans toutes les publicités elle est largement préférée au texte.

Les enseignants ont fini par prendre conscience que la plupart de leurs élèves se désintéressent de la culture abstraite. Ayant ainsi perdu la foi en leur mission ils se sont alors repliés sur eux-mêmes ne s'intéressant plus qu'à leur propre confort intellectuel et matériel. Ils ont alors cherché à obtenir le maximum d'avantages de leur fonction.

On ne saurait reprocher aux enseignants cette transformation tout à fait normale. De Hussards noirs de la République ils sont devenus des privilégiés de la nation. Par contre on peut reprocher à l'État-patron d'avoir cédé continuellement à leurs revendications. Comment accepter que l'Éducation nationale ait sa propre société de ventes par correspondance « la CAMIF », genre la Redoute gérée aux frais de l'Éducation nationale ? Comment accepter qu'elle ait sa propre compagnie d'assurances, la MAIF toujours gérée par les fonds de l'État ? Comment accepter ces centres de vacances, ces maisons de repos, etc., qui l'ont transformée en véritable nomenklatura ?

Beaucoup d'enseignants dont la devise était servir ne pensent plus qu'à se servir.

On parle de classes surchargées mais Claude Allègre a dit une fois que d'après ses calculs il y avait un enseignant pour 11 élèves. Puis à la rentrée 1999, il a donné d'autres chiffres soit environ 12 millions d'élèves pour 1 300 000 salariés à l'Éducation nationale. En retirant ceux qui sont dans des services annexes soit 500 000 (!) il reste 800 000 professeurs. Claude Allègre dit que cela fait 25 élèves par classe en moyenne. Tiens, a-t-il perdu sa calculette ? Douze millions divisés par 25 cela fait 480 000 enseignants et pas 800 000. Où sont les 320 000 manquants ?

Il est dans la nature de l'homme, du moins de la plupart des Français d'essayer d'obtenir des passe-droits, des avantages spéciaux, des privilèges. Il n'y a donc rien à reprocher aux enseignants d'avoir tenté de le faire. Mais pourquoi l'État-patron s'est-il montré aussi laxiste, aussi généreux avec les deniers publics ?

Pour une raison très simple : la Chambre des députés est composée d'une majorité de fonctionnaires et l'on est jamais si bien servi que par soi-même. Pourquoi cette disproportion alors qu'il n'y a que cinq millions de fonctionnaires sur quarante millions d'électeurs ? Parce que pour un membre de la Fonction publique il est facile d'avoir une activité politique, de prendre des congés qui ne nuisent nullement à la carrière alors que pour les salariés du privé c'est tout à fait le contraire.

Pour eux : « qui va à la chasse perd sa place ».

A une époque où l'on parle constamment de parité, ne serait-il pas temps d'imposer des quotas pour les députés de façon que l'entreprise privée soit représentée en proportion de l'importance qu'elle a en France ?

Songez qu'en 1981, il y avait 161 professeurs-députés alors qu'il n'y a que 1 300 000 salariés à l'Éducation nationale dont 800 000 enseignants sur 40 millions d'électeurs. En comptant 1 300 000 enseignants, le quota leur donnerait 18 députés sur 600.


Un système détestable

A cause de ce système détestable les incroyables privilèges dont bénéficient beaucoup de fonctionnaires et qui sont contraires au principe de justice sociale tant de fois proclamé ne seront jamais abolis. Au temps de Jules Ferry tout le monde croyait à l'importance de l'hérédité. Le tout-acquis est venu plus tard surtout grâce aux théories de Sigmund Freud prétendant que l'inconscient qu'on appelait la personnalité se formait dans la petite enfance et n'était donc pas inné.

Par rapport à cette réalité de l'hérédité, l'école de Jules Ferry était cohérente avec une séparation très nette entre le petit pourcentage d'intellectuels qui sauf exception étaient fils d'intellectuels et la grande majorité de manuels.

Pour ces derniers l'école primaire ne voulait pas apporter des connaissances directement utiles à leur métier mais une culture générale leur permettant de mieux se situer dans la nation, dans le monde.

Cela nourrissait le côté intellectuel de ces manuels dont certains, grâce à la loterie génétique pouvaient devenir d'authentiques intellectuels, ce que l'on considérait à tort comme une promotion.

Quant aux intellectuels, l'école secondaire les préparait à entrer dans des grandes écoles où l'on formait les cadres de la nation.

L'idée erronée du tout-acquis a envahi toute l'intelligentsia juste après la dernière guerre et a été logiquement mise en pratique à l'Éducation nationale. Désormais tous les enfants devaient être arrachés à la formation familiale pour ne recevoir que celle de l'école.

Théoriquement l'égalité des chances, grâce à une même formation, devait aboutir à l'égalité des résultats. Il n'en a rien été.

En outre à la suite de la formidable explosion des médias les connaissances procurées par les professeurs ont paru de peu d'intérêt par rapport à tout ce qu'apportaient les magazines, les radios, la télévision. Grâce au téléphone on ne communiquait plus par écrit et si savoir lire paraissait utile aux enfants ils n'avaient plus l'occasion d'écrire. En dehors des dix pour cent d'intellectuels, on ne sait plus de nos jours rédiger une lettre comme on savait le faire au XIXe siècle.


Le français semble condamné

De toute façon le français semble condamné. Un film à grand succès, français, présentant la vie de notre héroïne nationale Jeanne d'Arc est tourné directement en américain, langue plus commerciale que le français.

Or, je suis persuadé que metteur en scène, scénaristes, acteurs aiment la France et souhaitent préserver son identité mais l'argent finit toujours par commander. Les financiers, et c'est tout à fait logique, ne s'intéressent qu'aux individus qui leur rapportent le plus que ce soit dans l'industrie, le commerce, le sport, l'art.

Le champion sportif qui était un véritable héros pour la jeunesse au temps de l'amateurisme n'est plus qu'un support publicitaire. Comme les parents se mettent aussi à penser à l'argent que gagnera leur enfant, ils comprennent que parler américain rapportera beaucoup plus que parler français. La logique du profit condamne toutes les langues européennes à devenir des langues littéraires utilisées par une élite d'intellectuels.

Revenons à l'Éducation nationale dont la doctrine fondamentale s'exprime en deux principes : d'abord celui de la supériorité des connaissances abstraites sur le savoir-faire concret rendant inutile son apprentissage, ensuite le principe du tout-acquis prétendant que les enfants sont entièrement formés par la société à travers l'école.

Au nom de ces deux principes on a mélangé les enfants de milieux intellectuels et manuels pour leur enseigner les mêmes connaissances abstraites.

A cette erreur est venue s'en greffer une seconde provoquée par l'immigration. Alors qu'il était déjà très problématique de transformer tous les manuels en intellectuels, il l'était bien davantage avec des enfants du tiers monde dont les qualités héréditaires étaient fort éloignées de celles des Européens blancs.

Certes tous les élèves ont un côté intellectuel leur permettant de mémoriser des mots, des chiffres et de les répéter à un contrôle de connaissances. En réduisant les individus à ces seules capacités on peut donner l'impression qu'il existe une culture universelle qui rendra tous les êtres humains égaux.

Pour parfaire ce système on a donc décidé que seule l'intelligence comptait chez l'individu et que cette intelligence qui commandait le comportement se mesurait grâce à un système appelé « quotient intellectuel » ou « Q.I. ».


Le Q.I. ne mesure qu'une forme d'intelligence

Ce que nous devons comprendre c'est que le Q.I. ne mesure pas l'intelligence mais une certaine forme d'intelligence. Pour le déterminer on est parti non pas de la réussite dans la vie mais de la réussite scolaire. De ce fait, les meilleurs élèves possèdent le meilleur Q.I. et ont été déclarés les plus intelligents.

Ce qui sépare vraiment les individus entre eux, les ethnies entre elles ce n'est pas la capacité d'apprendre ou d'imiter mais celle de créer, d'innover, d'inventer. Or une « entreprise » est une création continue.

On nous fait croire que le système du Q.I. pour mesurer l'intelligence est objectif, aussi incontestable que le système métrique pour mesurer une longueur alors qu'il a été élaboré par un certain type d'intellectuels pour se glorifier.

C'est ainsi qu'on a sélectionné certains enfants dont le Q.I. atteint des sommets. Ces « surdoués » ne le sont qu'à l'école, rarement dans leur vie professionnelle.

Napoléon Bonaparte lors de ses études dans une école militaire a été très très loin d'être le major de sa promotion. Normalement tous ses professeurs auraient dû le considérer comme un élève surdoué dont les qualités d'intelligence étaient si grandes qu'on en rencontre de telles qu'une fois dans sa vie. Il n'en fut rien. C'est plus tard sur le terrain, militaire ou administratif, qu'il donna sa mesure.

Par ce système de sélection les intellectuels dominent et se réservent la Fonction publique. Celle-ci recrute sur concours dont les épreuves permettent à ceux qui ont le meilleur Q.I. d'avoir les meilleures notes.

Grâce à cela nos fonctionnaires ont en moyenne un Q.I. très supérieur à celui des salariés des entreprises privées. Le plus petit fonctionnaire recruté sur concours à un bon Q.I. alors que l'ouvrier spécialisé, c'est-à-dire le smicard qui travaille en usine, a un Q.I. très faible.

Il est vrai que certaines professions libérales, les plus lucratives et protégées ont adopté un système de recrutement par le Q.I. par exemple notaires, pharmaciens, etc.

Le quotient intellectuel est-il vraiment le critère de sélection indiscutable et sûr ? Pour le chercheur Howard Gardner : «Le Q.I. ignore six formes d'intelligence, il n'explore qu'un éventail restreint d'intelligences, celles liées aux capacités logico-mathématiques et langagières.»

Pour Daniel Goleman : «Parmi les facteurs dont dépend la réussite dans la vie, le Q.I. représente au mieux 20 %.»

On voit bien que Goleman écarte la Fonction publique et ne s'intéresse qu'à la réussite dans les entreprises privées car comme nous l'avons vu l'accès à la Fonction publique dépend à 100 % du Q.I. et la réussite dans la carrière dépend à 90 % du Q.I. puisque la promotion est presque toujours automatique (1).

Voici donc nos enseignants de l'Éducation nationale qui se reproduisent à l'identique afin de mieux défendre leur pré-carré. En effet, ce sont eux-mêmes qui décident des épreuves pour devenir enseignant et ces épreuves, ces concours sont exclusivement basés sur le Q.I., c'est-à-dire sur les capacités intellectuelles qu'ils possèdent.

Pour être logiques avec eux-mêmes ils sélectionnent les élèves selon les mêmes méthodes, les bons élèves étant assurés de pouvoir devenir des enseignants.


Une hiérarchisation abusive

Cette hiérarchisation faite par l'école, si elle correspondait à celle de la réussite hors fonction publique serait exclusivement utilisée pour le recrutement. Or il n'est pas une seule entreprise privée qui recrute uniquement sur diplôme ou qui organise des concours semblables à ceux réalisés par la Fonction publique. Le recrutement des cadres y est un problème difficile et coûteux. Malgré l'utilisation de spécialistes, le résultat est aléatoire. Il est certain que si l'on tient compte des diplômes pour réaliser une première sélection, quantité d'autres facteurs sont pris en compte. Certaines qualités d'une importance primordiale comme la créativité, le don de l'invention ne peuvent être décelées avant qu'elles n'aient produit leurs effets. Or, on sait que pour une entreprise l'innovation, la bonne innovation, est le facteur n° 1 de la réussite.

Si une entreprise privée appliquait les principes de gestion du personnel existant dans la Fonction publique soit : recrutement sur concours, garantie de l'emploi, promotion à l'ancienneté, elle ferait à coup sûr faillite.

C'est maintenant une chose universellement connue que les entreprises d'État sont si mal gérées qu'elles ne peuvent lutter contre les entreprises privées ayant la même activité. Or le fait que le capital d'une entreprise soit entre les mains de l'État ou de financiers, ou du public ne change rien à l'affaire. Ce qui compte c'est la gestion du personnel.

Pourquoi dans ces conditions ne pas appliquer aux entreprises d'État les mêmes règles de gestion du personnel qu'aux entreprises privées ? Parce que la Fonction publique est aux mains des intellectuels qui veulent défendre leur pré-carré, leur système de recrutement par le Q.I., leur garantie de l'emploi quels que soient leur efficacité, leur promotion par ancienneté et tous leurs privilèges accordés par une majorité de députés appartenant à la même Fonction publique.

Mais revenons à notre Éducation nationale qui croit comme Condorcet que les différences existant entre les êtres humains viennent uniquement de l'éducation. Croyant donc au « tout-acquis » elle a mélangé manuels et intellectuels pour en faire tous des intellectuels et elle se trouve maintenant en outre confrontée aux problèmes posés par l'immigration.

En 2050, paraît-il, la majorité des élèves sera non européenne, d'origine arabe et africaine avec une petite proportion d'une cinquantaine de races. Difficile de leur parler de nos ancêtres les Gaulois ou de leur dire que Charles Martel a sauvé la France à Poitiers en battant les armées arabes. Dédaignant toute étude préalable et sérieuse et se fondant sur le précédent italien dont les immigrés du XXe siècle ont été assimilés on décréta qu'il nous serait facile grâce à l'Éducation nationale d'intégrer un nombre illimité d'immigrés de tous pays.

Or s'il est vrai que le côté intellectuel d'un individu s'intègre facilement, quand on entre dans le domaine du concret, c'est-à-dire du comportement qui est dicté par la nature profonde alors là il n'y a plus d'intégration facile. Elle devient extrêmement rare.

Aux États-Unis, l'adoption de la langue anglaise par toutes les communautés a été facile mais celle du même comportement n'a pas été réalisée.

Les Chinois des Chinatown, les Noirs dans leurs cités, les Mexicains dans le Sud et même parmi les Blancs, les Italiens, les Irlandais, les Polonais, etc., s'efforcent de conserver des coutumes de leur pays d'origine qui correspondent à leur nature profonde. Cette croyance des intellectuels que le comportement est dicté par l'intelligence ou la raison et qu'en formant celle-ci on commande celui-là est totalement faux.


Instruire et éduquer

Dans tous les dictionnaires, instruire et éduquer sont presque synonymes mais par quelques exemples on aperçoit des nuances. C'est ainsi qu'on peut parler d'éducation physique mais pas d'instruction physique. L'instruction s'adresse à l'esprit et l'éducation au corps. Proposons nos définitions.

Instruire : Action de former et d'enrichir l'esprit en utilisant le langage.

Éduquer : Action de former le comportement, généralement social, par l'exemple concret, les récompenses et les punitions.

Au temps de Jules Ferry, l'Instruction publique s'efforçait de former et d'enrichir l'esprit des enfants. Cependant à l'école on exigeait d'eux un certain comportement et pour l'obtenir l'instituteur utilisait sa règle et d'autres punitions concrètes. En fait c'était la famille qui s'occupait essentiellement de l'éducation et les parents avaient tous les droits dans ce domaine.

Depuis que l'Instruction publique est devenue l'Éducation nationale, les enseignants se contentent de former et d'enrichir l'esprit. Le comportement social, appelé civisme, est instruit par des mots. L'exemple, la punition, la récompense n'existent plus.

L'autorité de la famille a disparu pour différentes raisons. Les enfants ne sont donc plus éduqués, ni dans leur famille, ni à l'école. C'est donc un retour à l'état sauvage qui se traduit par la formation de bandes ayant leurs dominants, leurs meneurs dont le prestige vient toujours de leur comportement physique.

Alors qu'il y a cinquante ans les enseignants voulaient que l'école soit ouverte, sans clôture, symbole de l'ouverture au monde et que la vue d'un policier leur donnait des boutons voilà que tout change, qu'ils réclament de hautes clôtures, des contrôles renforcés à l'entrée, un service d'ordre policier ou assimilé jusque dans les classes. Comme en outre l'école est obligatoire sous peine de graves sanctions envers les familles qui ne forceraient pas leurs enfants à y aller, de telles méthodes utilisées dans un régime totalitaire seraient jugées odieuses.


Conclusions

Les enseignants sont plus à plaindre qu'à blâmer. Ils sont désabusés, confrontés à des problèmes dont ils ne distinguent pas la solution. Ils se consolent par certains avantages dont ils bénéficient et dont le maintien peut nous paraître leur seul objectif. Au fond d'eux-mêmes ils préféreraient faire un travail dont l'utilité pour tous les enfants et pour la société leur paraîtrait évidente.

 

LES FILIÈRES TECHNOLOGIQUES

L'Éducation nationale va donc sélectionner les élèves ayant un bon Q.I. qui accéderont facilement s'ils le désirent à la Fonction publique ou préféreront une profession intellectuelle dans le privé où l'efficacité, la qualité du travail sont mieux récompensées.

Les autres, soit la majorité, deviendront employé commercial ou administratif, O.S. en usine pour faire toute sa vie des gestes répétitifs dans un environnement (odeur, bruit) peu agréable, chauffeur routier, petit commerçant ou artisan, employé dans la restauration, horticulteur, pépiniériste, utilisé pour de petits boulots etc, etc ou chômeur !

Si on analyse l'activité dans la profession ou dans la vie de tous les jours de toutes ces personnes et que l'on se demande ce que leur a apporté la scolarité obligatoire de 3 à 16 ans, on ne trouve presque rien en dehors de savoir parler, lire, écrire et compter.

Mais, me dira-t-on, grâce à cette scolarité obligatoire tous devraient posséder cette culture générale qui permet à chaque adulte de connaître la littérature française et étrangère, l'histoire et la géographie de la France et de tous les pays du monde, les mathématiques, la physique, la chimie, les religions, les grands débats philosophiques, les sciences naturelles qu'on appelle maintenant « Science et vie de la terre ».

Pour savoir si cet objectif est atteint, rien de plus facile qu'un contrôle de connaissances réalisé auprès de mille jeunes de 20 ans choisis au hasard.


Un contrôle simple à organiser

Ce contrôle, simple à organiser, peu coûteux permettrait de connaître exactement le bien-fondé de notre système éducatif. Mais le fera-t-on ? Probablement jamais car la plupart des professeurs sont sans illusion sur son résultat.

Je sais qu'on prétend qu'il reste toujours quelque chose d'un enseignement complètement oublié. Vous pouvez ne plus savoir où se trouve la Bolivie, sa superficie, sa capitale, sa population, sa langue, sa monnaie, ses productions, qu'importe, dans votre inconscient ces connaissances subsistent et vous ont formé l'esprit. Si cela est vrai, pourquoi des examens puisqu'on apprend seulement pour se former l'esprit et non pour mémoriser durablement des connaissances ? L'examen ou le concours ne récompenserait-il que ceux qui mémorisent un temps suffisant pour le réussir par rapport à ceux qui oublient aussitôt ?

D'ailleurs quelle relation entre une culture mémorisée durablement et la réussite dans la vie ? Le super-champion des jeux culturels américains en 1999 s'appelle John Carpenter. Il a 51 ans et a gagné 6 millions de francs. C'est un employé des impôts. En France, les jeux culturels se multiplient. Dans « Questions pour un champion » un des meilleurs candidats, fort joli garçon par ailleurs, était gardien de prison.

Les bons élèves se croient sincèrement destinés à être l'élite de la nation et ils ne peuvent avoir que mépris pour les mauvais élèves. Cet âge est sans pitié !

Il n'en est pas de même des professeurs qui croyant au dogme du pouvoir absolu de l'éducation ne peuvent comprendre pourquoi tant d'enfants restent fermés à leur enseignement. Les uns souffrent en silence, humiliés jusqu'au plus profond d'eux-mêmes, les autres se révoltent ne se sentant pas inférieurs aux bons élèves mais différents, capables de faire beaucoup de choses ailleurs qu'à l'école. Refusant de parler d'inaptitude innée les professeurs reconnaissent, sans l'expliquer que l'on doit diriger certains enfants vers les filières technologiques.

L'Éducation nationale fait beaucoup pour les élèves en difficulté, probablement plus que pour les bons élèves comme on fait plus pour les handicapés que pour les êtres en bonne santé. Les filières technologiques ne sont pas présentées comme une option équivalente à celle de l'enseignement général que l'on tente de donner à tous. Ce sont des pis-aller, parents et enfants le ressentent ainsi.

Que dit à ce sujet M. Roger Fauroux ancien ministre :

« L'orientation entretient dans les collèges et les lycées un rapport presque exclusif avec l'échec scolaire. »

On est orienté quand on ne suit pas ou quand on suit mal. Les filières technologiques fonctionnent plus comme des structures d'accueil d'élèves en difficulté que comme une option valorisante répondant à un choix positif.

Ce choix positif presque inexistant révèle l'autre grande carence du système éducatif : trois fois sur quatre, la décision d'orientation n'est pas prise par l'élève ou par sa famille, mais à l'encontre de leurs vœux, sans leur participation, de façon autoritaire.

L'orientation apparaît comme un processus subi, comme une démarche imposée par les uns et suivie par les autres, résultat d'un ensemble de procédures aveugles contre lesquelles on ne peut pas lutter. » M. Roger Fauroux a présidé la « Commission de réflexion sur l'école ». Il sait donc de quoi il parle.

On en arrive à cette conclusion, plutôt effarante, que la direction de l'Éducation nationale qui organise à l'école des cours de civisme centrés sur la « Déclaration universelle des droits de l'homme », viole en même temps et outrageusement le paragraphe 3 de l'article 26 de cette même déclaration. Celui-ci précise que : « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants. »

J'imagine l'enfant Stradivarius de nos jours. En dehors de sa main géniale, de son oreille géniale, de son don de communier avec le bois, il avait aussi un bon Q.I. Pris en charge à 3 ans par l'Éducation nationale celle-ci aurait dissuadé ses parents de choisir une filière technologique tout à fait indigne de lui et ceci malgré son goût et son talent pour fabriquer des maquettes en bois. Il méritait de devenir fonctionnaire, ce qui devrait combler de joie ses parents tellement la sécurité de l'emploi est appréciée à notre époque.

Il est des pays qui se sont libérés du despotisme d'une éducation d'État. Les Pays-Bas, par exemple, dont la prospérité, le très faible taux de chômage, l'efficacité de ses entreprises sont exemplaires, a renoncé à une éducation nationale pour ne faire que des écoles privées équitablement subventionnées par l'État.

La doctrine de toutes ces écoles est la suivante :

« L'école est là pour accompagner les parents dans leur devoir d'éducation. »

Accompagner, aider, conseiller, pas décider à leur place.

Ce pis-aller que sont les filières technologiques offre-t-il aux enfants en échec scolaire une vraie formation comme il en existait autrefois ?


Des connaissances superflues

Si vous preniez connaissance des programmes de toutes nos écoles professionnelles, vous seriez étonné de la masse de connaissances théoriques demandées. Elles sont pourtant en grande partie superflues.

On peut être un excellent forestier, savoir reconnaître toutes les essences d'arbres qui poussent lors d'une régénération naturelle, savoir celles qu'il faut éliminer, reconnaître la bonne santé d'un arbre ou diagnostiquer ce qui le fait dépérir et par contre ignorer comment la sève monte jusqu'en haut des arbres, ne pas savoir qu'elle assure la circulation des métabolites et que de sève brute elle se transforme en sève élaborée grâce à la photosynthèse.

Toutes ces connaissances fort intéressantes pour certains esprits ne doivent pas masquer le savoir concret nécessaire et suffisant pour être un bon forestier. Donner un diplôme professionnel grâce à des connaissances théoriques est un non sens.

J'ai connu un garçon, fils de vétérinaire, aimant la nature, la chasse, la pêche, de bonne santé, ayant grandi dans l'ambiance du métier de son père et qui voulut devenir lui-même vétérinaire. Malheureusement il échoua au concours d'entrée à Maisons-Alfort pour une mauvaise note en mathématiques. Je me suis toujours demandé quel rapport existait entre le métier de vétérinaire et les mathématiques.

Par la suite il devint directeur technique d'une entreprise industrielle assez importante. Cela prouve la stupidité des examens et concours élaborés par l'Éducation nationale.

Je comprends très bien la réaction de Jacques Dupaquier à la lecture de ma première édition. Il m'écrit : « Il me semble que vous allez un peu loin dans le sens du "tout inné". En poussant cette contre-thèse jusqu'au bout, on pourrait contester les vertus de l'apprentissage. » Il est vrai qu'en disant que les jumeaux séparés à la naissance acquéraient la même culture, on pourrait en déduire que toute aide éducative devient inutile.


Le destin d'une graine de petit poise

Si l'on réfléchit au destin d'une graine de petit pois, on constate que tous ses acquis sont programmés dans son patrimoine génétique. Cela n'empêche pas qu'un bon jardinier profitant des études sur les besoins des petit pois et les offrant exactement à la plante obtiendra son développement optimum. Par contre s'il impose une terre, un climat, des engrais que lui juge excellents parce que cela a réussi pour d'autres variétés de plantes potagères et ceci sans analyser les besoins spécifiques et innés du petit pois, il ira à un échec.

Il en est de même pour les enfants. Chacun d'eux a ses besoins et donner à tous, autoritairement les nourritures intellectuelles qui conviennent à quelques-uns, c'est obtenir de bons résultats seulement avec cette minorité qui est de la même famille d'esprit que le professeur. Les autres auront des résultats variables pouvant aller jusqu'à l'échec complet.

Certes, j'ai expliqué que les enfants qui n'obtiennent pas à l'école ce qui permet leur épanouissement le recherchent ailleurs avec plus ou moins de difficultés. Comparaison n'est pas raison et l'exemple du petit pois doit être nuancé. La différence entre les plantes et les animaux est que ceux-ci sont mobiles. Une graine qui ne trouve pas là où elle tombe les conditions optima à son développement, ou meurt, ou se développe mal.

L'animal dans la même situation se déplace parfois de centaines de kilomètres pour trouver des conditions satisfaisantes pour assurer son développement. Dans la nature s'il existe de très grandes différences de développement entre des plantes ou des arbres d'une même espèce, entre les animaux il n'en est pas de même.

Si un de nos deux jumeaux se trouvait par hasard élevé au milieu d'une peuplade primitive dont il ne pourrait s'évader, il est bien certain qu'à 30 ans il n'aurait pas la même culture que son frère élevé dans un pays très développé. Sa personnalité n'en serait toutefois pas modifiée, mais son destin potentiel, virtuel, ne pourrait se réaliser.

L'enseignement principal à tirer de l'étude des vrais jumeaux c'est qu'ils ont toujours le même patrimoine génétique, de parfaites affinités et appartiennent à la même famille d'esprit.

On comprend mieux le rôle de la société et des éducateurs : ils doivent aider les enfants à prendre conscience de leurs possibilités et les aider à les réaliser. Lorsque l'enfant s'aperçoit qu'en définitive il a choisi lui-même ce qu'il veut faire, il travaillera infiniment mieux que si on lui impose d'apprendre un savoir qui l'ennuie.

Après il faut que ses enseignants, ses éducateurs soient choisis dans la profession qu'il veut embrasser afin d'être de la même famille d'esprit que lui. La compréhension réciproque sera aussi bonne que possible, approchant celle existant entre deux vrais jumeaux. Enfin il faut que travail « manuel » et travail intellectuel soient mis sur le même plan, qu'il y ait par exemple autant de prix Nobel attribués à des artisans réalisant des chefs-d'œuvre, ou à de grands inventeurs comme le fut Edison qu'à des chercheurs professeurs d'université.

Certains me disent : vos critiques de l'école laïque et obligatoire ne sont pas justifiées. La preuve c'est que les sondages montrent que la majorité des parents en sont satisfaits.

De tels sondages sont trompeurs car on ne demande pas aux familles si elles préfèrent une école d'État laïque et obligatoire à de multiples écoles privées également gratuites comme aux Pays-Bas. Quels sont les côtés positifs de l'école actuelle pour les parents ?


Une immense garderie

D'abord et surtout, c'est une immense garderie dont la plupart des parents, avec l'organisation actuelle de la société, notamment le travail des femmes, ne peut se passer. En outre, les professeurs sont dans l'ensemble sympathiques. Enfin, les parents ont la conviction que les diplômes donnent une meilleure chance de trouver un emploi. Les enquêtes auprès des employeurs leur donnent raison.

J'ai montré que les études dans leur forme actuelle ont un double but : d'abord sélectionner, hiérarchiser d'après le Q.I., ensuite donner une culture générale. Un bon Q.I. indique des aptitudes à être un bon exécutant. Alors que la France d'autrefois n'était faite que de décideurs libres et responsables de leurs actes, de plus en plus de nos jours le nombre des emplois demandant l'exécution d'un travail intellectuel ou manuel suivant de strictes directives ne cesse de s'accroître.

Les employeurs n'utilisent donc, pour certains recrutements de salariés que le côté sélectif par le Q.I. des diplômes. Ils ne s'intéressent pas à l'important savoir appris et oublié par les candidats, leur formation professionnelle, généralement simple, étant faite dans l'entreprise.

C'est donc abusivement que l'Éducation nationale se dit confortée dans son système de formation par les sondages.

Terminons ce résumé des principales thèses exposées dans cet ouvrage par une nouvelle amusante.

Le professeur de français de M. Jourdain, le bourgeois gentilhomme de Molière, lui apprend comment utiliser sa langue, ses lèvres, ses dents pour dire A, E, I, O, U, ce qu'il avait appris d'instinct en imitant ses parents.

Molière n'a pas osé faire apprendre à M. Jourdain par un professeur comment reconnaître le salé, le sucré, l'amer, l'acide. On aurait dit qu'il forçait un peu la satire et il a laissé l'idée de cette leçon hilarante à notre nouveau ministre de l'Éducation.

 

LE DIPLÔME

Définition ancienne : « Pièce officielle établissant un droit, un privilège. » Si de nos jours cette définition est toujours vraie, la manière d'obtenir un diplôme a changé.

Ce n'est plus comme autrefois où le pouvoir monarchique les distribuait à ceux qui avaient rendu service à la nation. De nos jours on l'obtient en réussissant différentes épreuves intellectuelles. Celles-ci mesurent à la fois le Q.I. et la mémorisation d'un savoir plus ou moins utile professionnellement.

Jusqu'au XVIIIe siècle, la population française se répartissait en trois états : le tiers état constitué des paysans et des artisans, la noblesse qui assurait la défense et la protection d'un territoire et le clergé qui tenait l'état civil et contrôlait les mœurs.

Le tiers état produisait tous les biens de consommation destinés à l'ensemble de la population. Paysans et artisans étaient formés par l'apprentissage dont deux proverbes fixaient les principes :

« C'est en forgeant qu'on devient forgeron. »
« C'est au pied du mur qu'on juge le maçon. »

Le premier proverbe explique clairement que c'est en pratiquant un métier guidé par ceux qui le connaissent parfaitement que l'on devient l'égal de ses maîtres.

Le second proverbe indique que l'on ne juge pas des qualités professionnelles sur les connaissances théoriques d'une personne mais sur son efficacité pratique. La notion de diplôme précédant l'activité professionnelle n'existait pas dans l'immense majorité de la population, celle qui produisait tous les biens de consommation nécessaires à la vie de la nation.


Deux classes

On voyait déjà poindre sous l'Ancien Régime dans les deux classes non manuelles, la noblesse et le clergé, ce désir de bénéficier d'avantages particuliers appelés privilèges distribués à cette époque par le pouvoir royal ou le pouvoir religieux.

La noblesse qui possédait dans l'ensemble des qualités spécifiques à sa fonction était une sorte de caste croyant à la transmission héréditaire du caractère (personnalité). C'est donc de naissance qu'on obtenait le titre et les droits et devoirs qui y étaient attachés. Seule la religion pratiquait un recrutement de ses membres sur examen permettant de juger de leur intelligence, de leurs connaissances religieuses, de leur caractère et de leur foi.

Le clergé formait la seule classe dans laquelle les qualités intellectuelles avaient une grande importance. De nos jours, certains diplômes ou la réussite à certains concours permettent d'entrer dans la Fonction publique et de bénéficier de différents privilèges.

Ces avantages particuliers sont entre autres la garantie de l'emploi jusqu'à la retraite, un plan de carrière minimum assurant une promotion automatique, une retraite bien mieux calculée que dans le privé et prise plus jeune que pour des fonctions similaires hors service public, possibilité de se mettre en disponibilité et de revenir prendre sa place quand bon vous semble (avantage inappréciable qui permet pratiquement aux seuls fonctionnaires de se présenter aux élections sans porter atteinte à leur carrière professionnelle), meilleur remboursement des soins, assurances moins chères, calcul très avantageux de la retraite, accès à une centrale d'achats réservée à la Fonction publique.

Il faut ajouter certains avantages spécifiques à chaque corporation (électricité presque gratuite pour les salariés de l'E.D.F., voyages gratuits pour ceux de la S.N.C.F., etc.).

Le plus grand magazine de gauche, le Nouvel Observateur qui est très bien fait et assez objectif a fait une grande enquête en septembre 1999 sur le temps de travail réel et les rémunérations des Français. Pour tous les enseignants il a enregistré les déclarations de ceux-ci sur leur temps passé à préparer des cours, à corriger des copies d'examen, et à enseigner.


Plaire aux fonctionnaires

Il est tout à fait certain que le Nouvel Observateur a beaucoup d'abonnés appartenant à la Fonction publique et bien peu parmi les épiciers ou les petits agriculteurs. De ce fait si cette étude a pu être légèrement tendancieuse, ce ne peut être que pour plaire aux fonctionnaires.

Or, nous voyons qu'un boulanger-pâtissier travaille 3080 heures par an et un professeur certifié du secondaire 1060 heures. Trois fois moins ! Est-ce que le métier de professeur est beaucoup plus pénible et fatigant que celui de boulanger-pâtissier qui se lève au milieu de la nuit pour commencer à pétrir et à cuire le pain ?

Si notre boulanger est malade et doit interrompre son travail, c'est une vraie catastrophe. Pas de travail, pas de profits. Par contre, notre professeur à la moindre fatigue peut s'arrêter : il continue à être payé. En outre le professeur prendra sa retraite dix ans plus tôt que le boulanger. Il aurait été intéressant de donner le nombre de jours d'absences pour maladie des professeurs et des boulangers. Cela aurait réservé quelques surprises.

Cette étude nous montre qu'un petit agriculteur chef d'exploitation gagne 4,5 euros de l'heure alors que le professeur 26 euros. Est-ce à dire que la gestion d'une petite ferme est plus facile et moins pénible que le travail du professeur ? Lorsqu'on a du bétail, pas question de s'arrêter pour maladie ou vacances annuelles.

Ces trois professions nécessitent des qualités spécifiques et si, ni le boulanger, ni l'agriculteur ne peuvent devenir professeur l'inverse est également vrai. On peut remarquer également que ni la durée de travail annuelle ni l'âge de la retraite ne sont liés à la pénibilité du travail. Il est même très fréquent que l'âge de la retraite soit avancé dans les professions les moins fatigantes.


La Chambre des députés : une annexe de la Fonction publique !

Une telle étude, très passionnante aurait dû être faite par un ministre du Travail et non par un hebdomadaire à ses frais. Mais en fait, elle n'intéresse nullement les partis politiques, la Chambre des députés étant dans sa majorité une annexe de la Fonction publique. C'est donc par son intermédiaire que la Fonction publique a voté ou approuvé la multitude de privilèges dont elle bénéficie. Tout cela a été fait dans la plus grande discrétion afin que les électeurs du privé ne s'en offusquent pas.

N'allez pas dire aux membres de la Fonction publique qu'ils bénéficient de privilèges, mot banni entre tous. Ce sont des droits acquis, obtenus à la suite de luttes glorieuses et un droit acquis, c'est sacré. Le combattre est sacrilège.

Notre ministre de l'Éducation peut réformer les programmes tant qu'il veut mais il sait parfaitement que tenter de diminuer d'une manière infime un droit acquis devenu totalement sans fondement déclencherait la révolution. D'ailleurs lui-même a toujours été fonctionnaire et son Premier ministre l'a été également. Il est toujours malvenu de cracher dans la soupe qu'on trouvait fort bonne lorsqu'elle vous nourrissait. Le système est si bien verrouillé que seule une révolution pourrait provoquer l'abolition des privilèges.

Finalement, lorsqu'on analyse le travail réalisé par les fonctionnaires, on ne trouve pas de différence fondamentale avec celui effectué par les salariés du privé. Dès lors, pourquoi avoir un système de recrutement complètement différent ne tenant compte que d'un diplôme ou de la réussite à un concours ? Les entreprises privées tiennent compte des diplômes ou mieux de l'expérience professionnelle, elles posent mille questions, se renseignent auprès des références du candidat et de toutes façons ne l'embauchent qu'à l'essai. La garantie de l'emploi n'est jamais accordée.

Toutes les entreprises privées considèrent que l'utilisation du système de recrutement et l'adoption des privilèges de la Fonction publique les mèneraient à leur perte.


Une garantie d'efficacité

N'est-ce pas une question de justice sociale et une garantie d'efficacité que de réclamer l'application à la Fonction publique des mêmes conditions de travail que dans les entreprises privées, c'est-à-dire recrutement en tenant compte d'un ensemble de qualités assurant la bonne adaptation à l'emploi.

C'est-à-dire non-garantie de l'emploi, promotion non automatique mais suivant les résultats obtenus, temps de travail, âge de la retraite et sommes versées équivalents. Bref, abolition de tous les privilèges qui sont à la fois socialement injustes et cause de la faible efficacité de la Fonction publique.

Nous avons vu par quel système pervers ces privilèges ont été obtenus mais si l'on demande à un fonctionnaire de justifier leur équité, il se trouve bien embarrassé sauf à dire qu'un diplôme mérite une rente de situation.

Dans les P.M.E., il y a très peu de diplômés, la promotion s'étant faite sur le terrain. Le fonctionnaire a dans l'idée que toutes ses années d'études sanctionnées par un diplôme méritent un traitement à part, justifient ses privilèges.


Un exemple concret

Tentons d'étudier le principe du diplôme en prenant un exemple concret.

M. X qui habite maintenant à la campagne a envie de pêcher à la ligne. Il s'inscrit à une école de pêche privée et apprend la théorie et la pratique de la pêche à la ligne. Naturellement, dans cette école on ne donne pas de diplôme. On donne seulement des connaissances utiles pour pêcher à la ligne, les enseignés ne demandant pas autre chose.

On pourrait imaginer une école de pêche d'État enseignant tout sur la biologie des poissons, sur les plantes et insectes vivant dans l'eau, sur les différentes cannes à pêche, lignes, moulinets, hameçons, flotteurs et ceci sans cours pratique. Le diplôme donnerait le droit de pêche.

Ainsi les plus doués pour mémoriser cet enseignement obtiendraient ce diplôme et auraient seuls le privilège de pouvoir pêcher.

On voit par cet exemple qu'un enseignement dont le but est de rendre plus efficace dans l'exercice d'une profession, mais ne donnant aucun droit car sans obtention d'un diplôme, est fort différent d'un enseignement dont le contenu est secondaire mais le diplôme qui constate sa mémorisation à un moment donné procure des droits très importants.

Si on supprimait non pas l'enseignement mais les diplômes, les élèves, les étudiants sauraient qu'ils apprennent pour leur bien, pour enrichir leur personnalité, pour mieux se préparer à leur vie professionnelle, afin que leur vie d'adulte soit meilleure et non pour obtenir un droit à des privilèges. Tout l'état d'esprit des études serait changé et les élèves, les étudiants seraient plus exigeants sur l'utilité de ce qu'on leur enseigne. Ils sauraient que les seuls juges de leur valeur seraient leurs futurs employeurs et non des professeurs lors d'un examen ou d'un concours. Ils seront jugés sur ce qu'ils font et non sur leurs titres.

Le diplôme a un effet pervers non seulement quand il permet d'accéder à la Fonction publique mais également dans les grandes entreprises où il existe une solidarité entre ceux qui sortent de la même grande école.


Conclusion

Dans un pays qui se flatte d'être à la pointe du progrès social et dont les enseignants répètent inlassablement aux enfants qu'en 1789 la Révolution a aboli définitivement les privilèges, il serait temps de faire une remise à plat des conditions de travail de tous les citoyens.

Le monde bouge, les conditions de travail changent du tout au tout pour un même emploi. Quel rapport entre conduire une locomotive à vapeur par tous les temps et une motrice électrique automatisée où le conducteur est confortablement assis dans une cabine climatisée ?

Accorder le même âge de retraite aux deux sous prétexte de maintien des droits acquis n'est pas normal. Accepter qu'un couvreur qui passe sa vie professionnelle sur les toits dans une position inconfortable, pénible, dangereuse par tous les temps prenne sa retraite à 60 ans, alors qu'un conducteur de trains ou un chef de gare la prend à 55 ans est une intolérable injustice sociale.

Les hommes politiques qui ne feraient rien pour obtenir le réexamen des privilèges appelés droits acquis ne pourraient plus prétendre défendre les « Droits de l'homme ».

Enfin dans l'enseignement il faudrait revenir aux anciens principes. Autrefois un philosophe expliquait ses idées à ses disciples mais ne leur donnait aucun diplôme. Un grand peintre avait ses élèves mais ne leur donnait aucun diplôme. Un menuisier avait ses apprentis mais ne leur donnait aucun diplôme. Apprendre pour être plus fort et non pour obtenir un titre qui flatte la vanité et procure des droits particuliers.

 

LES AFFINITÉS ÉLECTIVES

Définition : « Sympathie née d'une ressemblance profonde entre les caractères, les opinions, les goûts de deux personnes. » Lorsque cette sympathie rapproche un certain nombre de personnes, on dit qu'elles appartiennent à la même famille spirituelle.

Le très éminent anthropologue Claude Lévi-Strauss disait dans un discours aux Nations unies : « On ne peut mettre dans la même catégorie, ni attribuer automatiquement au même préjugé, l'attitude de certains individus ou groupes que leur attachement à certaines valeurs rend totalement ou partiellement insensibles à des valeurs différentes. Il n'y a rien d'inadmissible dans le fait de placer un mode de vie au-dessus de tous les autres, ou de ne pas être attiré par des individus ou des groupes dont le mode de vie, respectable en soi, est très éloigné du système auquel on est traditionnellement attaché.

Cette incommunicabilité relative n'autorise évidemment personne à opprimer ou à détruire les valeurs qu'il rejette ni leurs représentants ; mais à cette condition, elle n'a rien de répugnant. Elle peut être le prix à payer pour que soit préservé le système de valeurs de chaque communauté ou de chaque famille spirituelle et pour qu'il trouve en lui-même les ressources nécessaires à son renouvellement. »

Ce texte est important et il entre parfaitement dans le cadre de mon ouvrage sur l'éducation. En effet ces familles spirituelles différentes ne se trouvent pas seulement chez des peuples différents mais aussi, à l'intérieur d'un peuple. Éduquer, c'est respecter la famille spirituelle dont l'enfant est issu et non vouloir à toute force le faire entrer dans sa propre famille spirituelle.

Cette erreur provient du flou qui entoure l'origine, la cause première des affinités électives. Sans le dire expressément il est convenu de croire que les « caractères, opinions et goûts » sont acquis et proviennent de différentes influences ou de différents enseignements dont il est très difficile de retrouver le cheminement. S'il en est ainsi on peut en procurant à l'enfant les mêmes acquis aboutir à ce qu'il ait le caractère, les opinions, les goûts que l'on souhaite lui donner.

L'erreur est fondamentale et elle a eu des conséquences parfois désastreuses.

Les affinités électives ne sont pas toujours totales. Vous pouvez avec une autre personne avoir de grandes affinités pour la musique ou la littérature mais pas pour la gastronomie. Cependant il est un cas où il y a totale affinité, c'est celui des vrais jumeaux qu'ils soient élevés ensemble ou séparés à la naissance puis se retrouvant à l'âge adulte.

Les vrais jumeaux appartiennent toujours à la même famille spirituelle et on ne peut pas parler du même héritage culturel s'ils sont élevés dans des familles, des milieux, des pays fort différents. On ne peut parler que d'héritage génétique, ou plutôt d'identité des patrimoines génétiques n'existant que chez les jumeaux.


Les caractères, opinions, goûts étant innés,
il est vain de vouloir les modifier


Ainsi les caractères, opinions, goûts d'un individu étant innés et non acquis, il est vain de vouloir les modifier, on ne peut que les enrichir avec des nourritures matérielles, intellectuelles, spirituelles que sa nature lui permet d'assimiler.

Certes tout être humain, à l'instar des comédiens peut donner de lui une image ne correspondant pas à sa nature profonde et ceci s'il y trouve son intérêt.

Dans tout pays à économie stable c'est-à-dire dont les technologies n'évoluent pas, il se forme des castes, des classes sociales dont les individus ont des activités, un style de vie semblables. Ils sont génétiquement bien adaptés à ce style de vie et ils tentent de préserver cette bonne adaptation génétique en interdisant les mariages hors de la caste ou de la classe sociale.

Les affinités électives entre tous les membres d'une même caste sont très grandes sauf accident génétique et apparition d'un individu très différent. C'est la brebis galeuse qui pose bien des problèmes.

L'éducation, l'instruction à l'intérieur d'une caste est facile. L'enfant est né pour comprendre les valeurs de sa caste, son style de vie, ses activités professionnelles.

De même que la caste rejette les individus hors normes, elle peut en accueillir venant d'une autre caste mais ayant des affinités électives avec les membres de la caste.

C'est la véritable intégration qui ne prend en compte que la personnalité et non l'intérêt, c'est-à-dire les avantages que l'individu peut tirer de cette intégration ou soi-disant intégration.

On comprend mieux pourquoi pendant la longue période où l'on a privilégié en Europe la perpétuation de la famille bien adaptée à une activité professionnelle et à un style de vie, et ceci en favorisant les mariages dans la classe sociale, on a combattu la primauté de l'attirance sexuelle telle qu'elle est pratiquée de nos jours.

En effet l'étude des vrais jumeaux a permis de constater que le seul point ou leur choix différait, parfois totalement, concernait leur attirance sexuelle.

Si l'on regarde attentivement les tableaux de Millet et de Van Gogh sur la vie des paysans de leur temps (fin du XIXe siècle), on s'aperçoit que les femmes portaient continuellement des robes très longues avec des manches cachant leurs bras et des bas cachant leurs chevilles.

Or, à cette époque de tels vêtements coûtaient cher et étaient peu pratiques mais il était impératif de ne jamais éveiller l'attirance charnelle chez les hommes.

La vie chez les paysans, sous cet angle, était semblable à celle des oiseaux qui en dehors de l'accouplement et de ses préambules - soit quelques heures ou quelques jours par an - vivent comme des êtres asexués.

Dans toutes les familles les parents faisaient en sorte que l'attirance sensuelle ne se manifeste qu'envers un des candidats qu'ils avaient choisis. Cela faisait des mariages infiniment plus solides que ceux basés uniquement sur l'attirance sexuelle. Par exemple un enfant de paysan, garçon ou fille, qui avait pendant toute son enfance aidé ses parents avait été préparé à sa vie d'adulte s'il restait dans la même classe sociale.


Une économie instable

L'époque actuelle à l'aube du XXe siècle se caractérise par une économie instable due à une évolution technologique accélérée. En outre les immigrations massives augmentent considérablement le mélange des « familles spirituelles ou culturelles » qui dépendent elles-mêmes des patrimoines génétiques.

Les différences entre individus deviennent énormes et la compréhension ne peut se faire qu'au niveau de certaines jouissances communes à tous. Éduquer et instruire une humanité aussi disparate avec laquelle le professeur n'a aucune affinité devient un travail difficile.

L'épanouissement, la créativité d'un individu sont-ils favorisés par sa vie au milieu de personnes pour lesquelles il éprouve des affinités électives ou au contraire de personnes très différentes de lui, ayant une autre culture que la sienne ?

Cette dernière thèse est privilégiée de nos jours. On parle d'une confrontation féconde des cultures. Le patchwork des ethnies ayant chacune leur culture serait donc le terreau de multiples talents.

Or je pense tout à fait le contraire.

De l'an 700 jusqu'en 1900 il n'y eut pratiquement pas d'immigration en Europe. Les villages vivaient en autarcie et la population était presque exclusivement rurale. Entre le XVIIIe siècle et le début du XXe siècle la population française a été multipliée par trois. La technologie nécessaire aux artistes pour apprendre et s'exprimer c'est-à-dire par exemple les instruments de musique a probablement été multipliée par 100 pour un même nombre d'habitants. Oui cent pianos de nos jours pour un au temps de Jean-Sébastien Bach. Cent multiplié par trois cela fait 300. Nous devrions avoir six cents Jean-Sébastien Bach de nos jours si la multiplication de la population, des instruments de musique et de l'éducation musicale donnait ses fruits.

Je suis persuadé que Jean-Sébastien Bach transplanté à sa naissance en Chine dans un milieu aimant la musique mais d'une autre sensibilité n'aurait rien produit. Vivant au contraire parmi des personnes avec lesquelles il avait de profondes affinités, qui de ce fait ressentaient les mêmes émotions à écouter sa musique que lui à la composer, il ne put que s'épanouir et exprimer totalement ses sentiments.

Le choc enrichissant des cultures, encore une idée reçue très discutable.

Dans les écoles, collèges, lycées, facultés, universités, on ne peut nier qu'il se révèle des affinités électives entre professeurs et certains élèves. Dans ce cas on constate un plaisir réciproque du professeur à enseigner et de ces élèves à apprendre.

C'est l'enseignement idéal tel qu'il existait avant l'apparition des diplômes. En effet, les élèves choisissaient les maîtres pour lesquels ils se sentaient certaines affinités électives et avec lesquels ils avaient plaisir à approfondir leurs connaissances aussi bien concrètes qu'abstraites.

Le diplôme source de profits et de promotion sociale a tout corrompu.

On ne cherche plus à enrichir définitivement son esprit ou son savoir-faire mais à mémoriser momentanément des connaissances permettant d'obtenir le diplôme.

 

LES JUMEAUX

La loterie génétique présente un nombre de numéros si incalculable que jamais deux êtres ne sont identiques sauf les vrais jumeaux.

Les résultats de cette loterie ne dépendent pas du seul hasard. L'enfant d'une longue lignée d'universitaires a plus de chance d'être un intellectuel qu'un manuel. De même une longue lignée de cultivateurs a plus de chance d'avoir des enfants ayant les aptitudes de leurs parents. Mais rien n'est sûr : c'est la loterie génétique.

Les progrès dans ce domaine de la recherche ont montré que contrairement à ce que la plupart croyait l'aspect physique d'un individu n'est pas une sorte d'emballage dans lequel on peut mettre n'importe quelle culture qui seule le caractérise. Bien des pièces de théâtre ou films ont montré des jumeaux identiques d'aspect dont l'un était un voyou cynique et l'autre un exemple d'honnêteté et de bonté, mais cela est du domaine de la fiction.

L'individu est un tout et l'on retrouve dans la moindre parcelle de son corps son empreinte génétique qui est unique sauf chez les vrais jumeaux.

Pour tenter de déterminer la plus ou moins grande importance de l'inné et de l'acquis, un certain nombre de chercheurs surtout américains ont voulu étudier sur une longue période la vie des « vrais » et des « faux » jumeaux.

Ils ont étudié la vie de plus de trente mille jumeaux dont 68 couples séparés à la naissance, adoptés par des familles différentes ignorant que l'enfant qu'elles avaient choisi avait un frère ou une sœur.

Les faux jumeaux ont un patrimoine génétique différent bien que nés le même jour. Élevés ensemble à l'identique, on s'aperçoit parfois que l'un parle six mois avant l'autre.

De même pour la marche. Parfois ils sont assez semblables mais différences ou similitudes sont dans la même proportion que pour deux frères ou deux sœurs nés à des dates différentes. Pour ces faux jumeaux, l'éducation familiale, scolaire et sociale ne semblent pas avoir d'influence. Chacun a ses goûts, ses dons, ses aptitudes, sa personnalité, même si tout leur environnement a été identique.

Concernant les vrais jumeaux séparés à la naissance la situation est exactement opposée. Même patrimoine génétique mais éducation familiale, scolaire, sociale complètement différentes. Or lorsque après des recherches on retrouve ces vrais jumeaux, quelquefois après plus de trente ans de vie, on s'aperçoit qu'ils sont restés identiques : mêmes goûts, mêmes dons, mêmes aptitudes, même personnalité. Le fameux Q.I. lui-même reste identique.

On s'aperçoit qu'ils ont su développer leurs dons, utiliser leurs aptitudes, satisfaire leurs goûts d'une manière très voisine.


Des individus sculptés par la société

Dès lors l'instruction et l'éducation des enfants apparaissent sous un jour nouveau. Dans notre système actuel, on part de l'idée exprimée par l'écrivain Jean Paulhan suivant laquelle les individus sont « créés, pétris, sculptés » par la société. Cette société est représentée par les parents, par les professeurs, par les copains, par la télévision principalement.

Les parents et les professeurs ne peuvent s'empêcher d'avoir pour idéal de former les enfants à leur image. Si l'enfant a un patrimoine génétique assez proche de celui de ses parents, ceux-ci prétendront que si leur enfant se conduit comme ils le désirent, c'est grâce à leur éducation sinon ils seront désespérés d'avoir un enfant rebelle à leur enseignement.

Les professeurs souhaitent que l'enseignement forme de futurs professeurs et les bons élèves sont en effet sûrs de réussir les concours leur permettant de le devenir.

L'Éducation nationale voudrait être le maître d'œuvre de la formation des enfants alors que c'est leur patrimoine génétique qui va décider de leur destin.

Les enfants dans les mains des enseignants sont un peu comme les plantes dont s'occupe un jardinier. Chaque plante a ses besoins spécifiques et le jardinier ne peut que tenter de les satisfaire pour aider la plante à s'épanouir et à donner le meilleur d'elle-même.

Ce développement optimum de la plante est inscrit dans son patrimoine génétique. Sauf à manipuler ce patrimoine, on ne peut faire mieux que d'obtenir cet épanouissement spécifique.

Ainsi il en va des enfants. Comprendre leurs besoins et les satisfaire pour qu'ils accomplissent leur destin, c'est ce que nous pouvons faire de mieux. Or très souvent ces besoins n'ont rien à voir avec les connaissances abstraites dont on tente de leur bourrer le crâne.

L'étude des jumeaux nous a appris autre chose : la communication entre eux est très facile. Sur tous les sujets ils se comprennent parfaitement. C'est le contraire de ce que disait Baudelaire : « La pensée est incommunicable, même entre gens qui s'aiment. »

Si Baudelaire avait eu un frère jumeau, il aurait compris que la pensée d'un homme exceptionnel est incommunicable sauf avec son jumeau ou avec ceux génétiquement très proches de lui, ce qu'on appelle « de la même famille d'esprit ».


Imaginons un ... clone

Imaginons une classe dont le professeur et les élèves formeraient un clone, c'est-à-dire tous génétiquement semblables. Tout serait merveilleux pour le professeur et les élèves. La compréhension serait immédiate et facile entre eux.

A contrario entre un professeur et des élèves génétiquement très différents, la pensée, comme disait Baudelaire, devient incommunicable.

On commence a mieux comprendre le système existant autrefois pour transmettre la connaissance, le savoir-faire et le savoir-dire.

Il y a quelques siècles existait en France un système de castes qui n'étaient pas d'origine philosophique ou religieuse mais réalisées pour des raisons pratiques. Nos ancêtres, très observateurs, croyaient pour leurs animaux comme pour eux-mêmes à l'hérédité de tous les caractères d'un individu. Ils savaient que chaque métier réclamait des qualités particulières. Celles pour être un bon paysan étaient autres que celles pour être un bon artisan, ou un bon commerçant, ou un bon aristocrate, etc.

De ce fait, on croyait plus sage de se marier dans sa classe afin d'avoir toutes chances d'obtenir que les aptitudes spécifiques au métier exercé par cette classe soient transmises.

En outre, l'enseignant étant génétiquement proche de ses fils ou de ses apprentis, la transmission du savoir était facile. Ce système cohérent a été complètement démoli, d'une part par les penseurs à partir du XVIIIe siècle qui voulaient que tous les citoyens deviennent des intellectuels apprenant d'abord la théorie de leur métier et non le savoir-faire, ensuite par le progrès technologique qui a fait disparaître des milliers de métiers.

Pendant des siècles la paysannerie formait quatre-vingt-dix pour cent de la population française et européenne. Population particulièrement saine jusqu'à l'invention de l'alambic et la fabrication d'alcools alimentaires. C'était le vivier de l'Europe décimé de temps en temps par des guerres ou des épidémies importées par le commerce maritime, mais se reconstituant avec une rapidité stupéfiante.

La disparition de la paysannerie est une véritable catastrophe sociologique. La population des villes ne peut plus comme autrefois être régénérée par la venue permanente des paysans en surnombre.

 

L'ÉDUCATION DES FILLES
ÉGALITÉ ET PARITÉ

Les féministes réclament la parité* entre hommes et femmes pour toutes les activités humaines comme diriger une entreprise, être cadre, député, maire, officier, policier, pilote, faire la vaisselle ou la cuisine, langer les enfants, etc.

En fait les féministes ne réclament la parité que pour d'une part les activités qu'elles sont presque seules à pratiquer et qu'elles jugent dégradantes - comme faire le ménage - ou d'autre part celles qui sont honorifiques et profitables comme maire, député ou ministre, et qui sont surtout exercées par les hommes.

Par contre pour toutes les activités peu intéressantes et peu lucratives comme O.S. en usine elles ne s'en préoccupent nullement.

Chacun peut voir que les caisses des grandes surfaces (97 % du commerce de détail) sont exclusivement tenues par des femmes. Il y a là une espèce de ségrégation sexiste, de discrimination à l'embauche dont nos féministes ne s'offusquent pas. A moins qu'elles ne s'en soient pas aperçu, habituées à lire plutôt qu'à observer.

En politique leur position est plutôt ambiguë. Il existe en effet une majorité d'électrices parmi les votants qui devraient élire une majorité de femmes. Or les électrices préfèrent généralement les hommes au grand dam des féministes qui pour obtenir la parité réclament que dans la moitié des circonscriptions les partis ne présentent que des femmes.

Ce système empêchant le libre choix des électeurs et des électrices serait profondément anti-démocratique. Il montrerait qu'hommes et femmes ne sont pas interchangeables alors que justement les féministes veulent abolir toute différence. Dans une élection les bruns ne réclament pas s'il y a davantage de blonds. Dans une autre élection, ce sera le contraire. De même normalement, et c'est le cas pour la majorité d'entre elles, les femmes devraient être indifférentes sur le sexe de l'élu(e), ne jugeant que ses aptitudes à bien remplir sa fonction.


Un système humiliant pour les femmes

Elisabeth Badinter est de ces femmes dont la réussite a été remarquable sans l'obtenir par un système de parité. Elle s'est donc opposée à ce système le trouvant humiliant pour le sexe féminin.

Seulement une partie des femmes intellectuelles sont féministes. Ce sont celles qui défendent leurs intérêts car elles ont l'ambition d'accéder à des postes de haut niveau qu'elles obtiendraient plus facilement si on acceptait le principe de la parité.

Les femmes-femmes, celles qui ont le charme, l'intuition, la diplomatie, le pouvoir de manœuvrer les hommes, toutes qualités propres à leur sexe ne réclament pas la parité.

Qu'importe aux Américaines que toutes les entreprises qui gagnent beaucoup d'argent soient dirigées par des hommes : grâce à leur charme et à leurs qualités manœuvrières elles savent acquérir ces fortunes créées par les hommes : les deux tiers de la fortune américaine est entre leurs mains !

Si nous reprenons notre critère de sélection par l'aptitude à œuvrer dans le concret ou dans l'abstrait et si nous revenions à l'époque où la France était presque entièrement peuplée de paysans et d'artisans qui tous ne travaillaient que dans le concret on s'apercevrait qu'on pratiquait la division du travail suivant les seules aptitudes et non par sexisme ou machisme.

Une femme pouvait très bien faire tous les travaux d'homme si la nature lui en avait donné la force et le caractère.

Cependant les femmes généralement moins vigoureuses que les hommes, devaient en plus mettre au monde de nombreux enfants et les allaiter. Étant plus habiles de leurs mains et plus rapides, elles faisaient les travaux demandant davantage de dextérité comme filer la laine, tricoter, coudre.

Ce partage du travail paraissait évident à tous et ne venait nullement de décisions sexistes. Il en était de même dans l'aristocratie où dans la plupart des pays monarchiques hommes et femmes pouvaient accéder à la fonction suprême.

Qui ne connaît la Grande Catherine ou la reine Victoria qui dépassèrent en talent bien des rois et bien des empereurs.


Jeanne d'Arc

La vie de Jeanne d'Arc, simple bergère et qui commanda à une armée de guerriers peu habitués à voir des femmes dans leurs rangs montre que ni le fait qu'elle était une jeune fille ni celui de son origine sociale, tout à fait en bas de l'échelle, ne gênèrent sa fulgurante ascension.

Curieusement ce n'est que chez les intellectuels, qui à cette époque avaient tous une fonction religieuse, que l'on trouve le sexisme. Bien des théologiens se demandaient si la femme avait une âme. En tout cas beaucoup de fonctions leur étaient interdites par principe.

Dans le monde des paysans et des artisans l'apprentissage des garçons se faisait par le père ou par un homme d'un autre métier si un fils voulait changer de profession. Les filles étaient formées par leur mère à tout ce qu'elles devraient faire lorsqu'elles seraient mariées.

Au début du XXe siècle les capacités intellectuelles furent mesurées par le Q.I. lequel se trouvait en moyenne équivalent entre hommes et femmes avec peut-être une légère supériorité pour ces dernières.

Désormais puisque le Q.I. était le seul critère utilisé pour mesurer la valeur d'un individu, le fameux partage du travail existant autrefois n'avait plus sa raison d'être. L'égalité entre les sexes était indiscutable et la constatation que dans beaucoup de professions, les hommes étaient bien plus nombreux que les femmes ne pouvait venir que du sexisme des hommes qui tentaient de maintenir leur domination pour conserver les meilleures places.

Or ceci est complètement faux et sans fondement. Analysons le fonctionnement des entreprises privées. Le plus grand nombre sont des P.M.E. dont le patron est le propriétaire. Celui-ci est obsédé par la peur d'avoir une année un bilan déficitaire qui lui fermerait la porte de sa banque.

La faillite d'une petite ou moyenne entreprise représente généralement une véritable catastrophe pour le patron qui n'a pas droit aux indemnités de chômage ou de licenciement, qui souvent a donné en caution ses biens personnels. Sa vie est brisée.

Un patron de P.M.E. fait lui-même les embauches. Il sait par exemple qu'il n'a qu'un ou qu'une chef-comptable et que la stabilité de ce poste est essentiel à la bonne marche de l'entreprise. Il va donc éliminer au moment de son recrutement toute femme pouvant avoir des enfants, car outre le congé de maternité, la future mère peut obtenir un congé d'après maternité d'une longueur variable, pouvant aller jusqu'à deux ans et sans qu'elle le décide au départ. Voilà notre petit patron sans comptable et ne pouvant offrir ce poste qu'en emploi précaire. Or, ce poste demande un temps de formation assez long et cela n'intéresse aucun candidat de valeur de travailler dur pour s'initier à un emploi sans avenir. Une catastrophe de ce genre peut mettre en péril la vie d'une P.M.E. qui joint difficilement les deux bouts.


Patron sexiste... machiste

Les féministes diront que ce patron est sexiste, machiste s'il préfère finalement embaucher un homme bien installé dans le pays.

La productivité d'une P.M.E. est le seul critère qui oriente le choix du P.D.G. pour ses collaborateurs et employés.

La grande entreprise est très différente de la P.M.E. D'abord les patrons des P.M.E. ne sont pas interchangeables. Très performant pour diriger son entreprise qui fabrique des meubles de cuisine un patron serait incapable de diriger une imprimerie.

Les patrons de grandes entreprises sont interchangeables et il suffit de lire les journaux économiques pour constater que M. X passe de la direction d'une fabrique de produits pharmaceutiques à celle d'une usine d'automobile pour aller ensuite à la direction d'une grande banque.

Le grand patron ne connaît rien à tout ce qui est spécifique à son entreprise : technique de fabrication, stratégie commerciale, par contre il connaît très bien tout ce qui est commun à toutes les grandes entreprises : gestion financière, O.P.A., relations avec les pouvoirs politiques. Il est un excellent joueur de Monopoly.

L'échec de sa gestion n'est pas grave. Un déficit ne lui ferme pas la porte des banques. Il a l'habitude de dîner en ville ou de jouer au golf avec son ancien camarade de promotion, qu'il tutoie et qui dirige la banque qui soutient son entreprise.

S'il est licencié pour certaines erreurs qui ont coûté cher à l'entreprise, il reçoit des indemnités et une retraite si importantes que le voilà riche pour le reste de ses jours. Je caricature ? A peine.

Si je m'appesantis sur les différences entre hommes et femmes c'est qu'elles peuvent amener à concevoir éducation et instruction différentes. C'est aussi pour montrer que la sélection par le Q.I. qui devrait amener autant de femmes que d'hommes à tous les niveaux des entreprises privées s'avère dans la réalité professionnelle complètement fausse. Chacun peut voir que si certains postes comme secrétaire de direction sont presque toujours tenus par des femmes, d'autres comme directeur technique sont tenus par des hommes.

Chaque fois qu'un être est confronté au concret des choses et des gens il révèle des capacités sans rapport avec son Q.I.

Ce qui me désole, c'est cette fascination qu'éprouvent les féministes pour les hommes et ce besoin de leur ressembler en faisant tout ce qu'ils font dans tous les domaines. C'est un peu comme certains Noirs d'Afrique qui veulent porter des lunettes de soleil, un chapeau mou, un costume européen pour ressembler à un Blanc.

Ils abandonnent des vêtements magnifiques que leurs ancêtres avaient créés pour adopter des créations étrangères. Ils se dévalorisent.

Il existe entre hommes et femmes une différence fondamentale, c'est la capacité à inventer. Je sais que les intellectuels mélangent intentionnellement la notion de découverte et celle d'invention. Les découvertes sont faites par des intellectuels travailleurs, méthodiques, intelligents et qui fixent un objectif à leur travail de recherche.

Pour fixer les choses, je donne comme exemple Christophe Colomb qui a découvert l'Amérique, continent qui existait en dehors de lui. Pour cela il a utilisé des navires qui, avec leurs instruments de bord étaient le fruit d'une multitude d'inventions, la plupart anonymes.

Les inventeurs sont des imaginatifs à mettre dans la catégorie des artistes. L'invention leur apparaît sans prévenir comme une illumination. Si les chercheurs ont toujours un Q.I. élevé, les inventeurs sont souvent de mauvais élèves.


Génie inventif

La découverte est le résultat d'un grand travail méthodique et intelligent, l'invention c'est le génie, ou une parcelle de génie.

La découverte sans l'invention, ce n'est rien mais le génie inventif ne fonctionne qu'à partir des découvertes.

Découvrir le pétrole, c'est bien mais ce ne serait rien sans l'invention de la lampe à pétrole pour s'éclairer, du moteur à explosion comme source d'énergie, des matières plastiques pour fabriquer mille choses.

Lorsqu'on va à la Propriété industrielle, rue de Saint-Pétersbourg à Paris, pour examiner les demandes de brevets d'invention déposées depuis la création de cet organisme, on est désolé de constater combien peu de femmes ont fait des inventions, et ceci même dans des domaines qui leur étaient réservés comme celui de la couture. La machine à coudre n'est pas une invention féminine. Or, les inventions ont joué un rôle déterminant dans l'évolution de la société humaine et jouent un grand rôle dans la prospérité des entreprises.

L'invention des techniques pour allumer un feu, pour fabriquer des armes, des pièges a été masculine. Il me paraît très plausible de dire que si les hommes avaient été identiques aux femmes sur le plan de l'imagination créatrice, il n'y aurait eu aucune des inventions qui ont fait évoluer les sociétés humaines. Nous en serions encore à l'âge des cavernes.

Le problème que pose la capacité proprement masculine d'inventer est que tous les métiers d'hommes, toutes les organisations telles que celle de l'armée ont été inventées par des hommes pour des hommes.

Que des femmes qui se veulent identiques aux hommes veuillent s'y intégrer présente de multiples difficultés qui sont parfois très difficiles à résoudre.

Certaines femmes considèrent comme une promotion de faire des métiers d'homme, de se conduire comme des hommes alors que les hommes ne se voient pas arriver au bureau parfumés, avec du rouge à lèvres et d'autres fards ainsi que des bijoux. Ils ne reprochent nullement aux femmes ce qui fait partie de leur nature, bien au contraire. Ils considèrent qu'on ne peut comparer ce qui est différent. On ne peut donc parler de supériorité ou d'infériorité.

Les hommes ont aussi inventé beaucoup de choses pour les femmes mais cette fois bien adaptées à leurs aptitudes.

Il est curieux de constater que si les féministes réclament la parité en politique et dans le maximum de professions ou d'activités, pour certaines de celles-ci, elles ont obtenu une stricte discrimination non pas raciale mais sexiste. Je veux parler des professions sportives où il est interdit à une femme de participer à une compétition réservée aux hommes et vice versa.

Beaucoup de sports ne réclament nullement une grande force physique, par exemple le tennis de table, l'escrime, la course à pied. Certains champions masculins en course de fond ont de petits gabarits. Alors pourquoi cette discrimination ?

Parce que les femmes reconnaissent, dans le domaine sportif, leur infériorité génétique et qu'en acceptant, comme pour les examens et concours intellectuels le mélange des sexes dans ces épreuves sportives, elles se priveraient de la notoriété et des profits qu'elles obtiennent par la ségrégation.

Cette position est cependant dangereuse car elle ouvre la porte à la ségrégation raciale. En effet, il apparaît que les individus de race noire ont dans le domaine sportif une supériorité d'origine génétique qui va chaque jour en s'affirmant. Le temps n'est pas loin où les matchs de basket-ball, de football ou d'athlétisme auront uniquement des participants noirs. Les blancs n'en seront que les financiers et les spectateurs.


Discrimination sexiste

Si on supprimait la discrimination sexiste, les femmes ne pratiqueraient plus aucun sport, dégoûtées d'être constamment humiliées et de ne bénéficier d'aucun profit.

Certains diront que les féministes acceptent cette différence physique entre hommes et femmes ainsi que la supériorité masculine dans toutes les compétitions sportives. Elles ne réclament la parité que pour les activités intellectuelles. Cependant l'exemple, entre autres, du bridge, jeu de cartes universellement pratiqué par les deux sexes est plus embarrassant.

Voilà une activité proprement intellectuelle pour laquelle la parité devrait être réclamée par les femmes et non la discrimination sexiste. Or c'est tout le contraire. Elles ne veulent pas entendre parler de championnats dans lesquels on ne distinguerait plus les sexes. Elles savent d'expérience que cela les priverait de la notoriété et des profits que leur procure l'actuelle ségrégation.

L'actualité m'impose d'évoquer une nouvelle conséquence de la parité : il s'agit du travail des femmes la nuit. Il en est d'indispensable comme celui pratiqué dans les hôpitaux et pour lequel on a su donner une forme acceptable. Il en est d'autres, notamment dans les usines qui ont pour conséquence la destruction de la santé et de la vie familiale de celui qui est contraint de l'accepter car ne trouvant pas d'autre emploi.

C'est une question que je connais bien ayant été obligé de l'organiser dans mon usine puisque pratiqué par mes concurrents. Les gains en productivité sont en effet si importants qu'il est impossible d'y échapper sous peine de disparition.

Que demandent les patrons ? Les mêmes lois, les mêmes réglementations, les mêmes charges, les mêmes impôts pour toutes les entreprises afin que la concurrence se fasse à armes égales.

C'est la loi qui a autorisé le travail de nuit pour les hommes. C'est la loi qui au nom de la parité vient d'autoriser celui des femmes. Je le répète, le travail de nuit en usine est une terrible épreuve qui demande pour être surmontée une santé, un caractère, une force morale exceptionnelle, qualités que bien peu de travailleurs possèdent ensemble.

Conclusions. Nous en arrivons toujours au même constat : la parité entre hommes et femmes n'existe que pour un certain type d'intelligence mesurée par le Q.I. et qui correspond à la réussite scolaire. Il existe très peu de professions, celles à la fois intellectuelles et de pure exécution qui utilisent seulement ce type d'intelligence. Pour ces professions la parité est justifiée. Pour toutes les autres, soit une immense majorité, les différences entre hommes et femmes sont flagrantes. Les unes conviennent mieux aux hommes, les autres aux femmes avec des exceptions qui confirment la règle.


Comparer ce qui est différent

Comparer ce qui est différent est proprement absurde. Les chiens sont incapables de grimper aux arbres, est-ce une infériorité par rapport aux chats ? Chacun comprend que c'est une différence d'aptitude et c'est tout.

Si l'instruction a pour but d'enrichir l'esprit, elle peut être la même pour filles et garçons dans la mesure où ils en éprouvent le désir. Par contre l'éducation doit être l'apprentissage à la vie concrète et là, il y a différence entre filles et garçons. Toute comparaison suppose la définition préalable du critère utilisé.

Suivant que l'on compare la force physique, la dextérité, la taille, l'intuition, le Q.I., la longévité, la sincérité, la sensibilité artistique, la créativité entre hommes et femmes, cette comparaison peut tourner à l'avantage de l'un ou de l'autre. Par contre la parité définie par le Petit Larousse comme « égalité parfaite » n'existe jamais.

 

L'AVENIR PROFESSIONNEL DE NOS ENFANTS
Inventaire des métiers et des professions

Le retour à l'artisanat et à la paysannerie d'antan, c'est-à-dire à des métiers où il fallait être intelligent et responsable est d'autant plus impossible que l'évolution technologique les a fait disparaître.

Qu'appelle-t-on métier intelligent ? Celui qui demande des années d'apprentissage avant de pouvoir être exercé et qui donne à celui qui l'exerce la possibilité d'améliorer son savoir-faire, son efficacité.

Qu'appelle-t-on être responsable ? Ce n'est pas comme on l'entend aujourd'hui : « celui qui fait » mais comme on l'entendait autrefois : « qui subit les conséquences de ses actes ».

Un artisan, un paysan exerçaient des métiers intelligents et ils subissaient les conséquences de leurs erreurs ou bénéficiaient de leurs bonnes décisions.

De nos jours, leurs descendants sont O.S. par millions et exercent des activités qui demandent entre quelques heures et quelques jours de formation. Le travail consiste en des gestes répétitifs qui ne peuvent être modifiés par l'intéressé.

Cette évolution des métiers manuels est due au progrès. Celui-ci est provoqué par des inventions, des innovations librement adoptées par la société !

On invente par exemple l'alambic qui permet de faire de l'alcool de fruits ou de grains. Si personne ne veut en boire l'invention tombe dans l'oubli. Si beaucoup de personnes apprécient cet alcool, les conséquences de sa consommation ne seront pas de la responsabilité de l'inventeur qui les ignorait mais de celle des consommateurs. Il est vrai qu'au départ ils n'en savaient pas les effets sur leur santé et sur celle des enfants conçus en état d'ébriété.

L'environnement naturel est stable et les animaux sauvages ont subi une sélection les rendant parfaitement adaptés à cet environnement. Ils savent d'instinct ce qui leur est bénéfique ou néfaste. Cependant, comme pour les êtres humains, un produit nouveau peut les tromper. C'est donc la nouveauté qui peut être dangereuse et elle vient des inventeurs.

Pourquoi l'être humain adopte-t-il une innovation ? On pourrait presque reprendre la liste des sept péchés capitaux pour l'expliquer :

- La paresse. Nous adoptons tout ce qui nous permet d'obtenir le même résultat avec moins d'effort.

- L'orgueil. Il nous pousse à être le premier à adopter une nouveauté qui étonnera notre communauté.

- L'envie. Elle nous incite à copier l'orgueilleux.

- La gourmandise. Elle nous fait rechercher de nouvelles saveurs et nous fait adopter de multiples innovations gastronomiques.

- La luxure. Le processus naturel de la reproduction est l'objet de mille inventions pour le détourner de sa finalité et pour n'en conserver que les jouissances.

Tout ceci ne touche que notre comportement individuel. Un chef d'entreprise sera lui obligé d'adopter toutes les innovations qui améliorent la productivité de celle-ci ou qui séduisent sa clientèle.

De ce fait, les entreprises sont de grandes consommatrices d'inventions, d'innovations tant sur le plan de leur organisation que pour les offrir à leur clientèle. Elles sont la cause principale de l'accélération du progrès qui est une des caractéristiques de notre époque.

La transformation accélérée de notre société entraîne un bouleversement des métiers et professions et les situations stables sont de plus en plus rares sauf celles qui sont protégées par un diplôme et un numerus clausus comme médecins, pharmaciens, notaires et naturellement toutes celles qui concernent la Fonction publique. Pour les autres métiers et professions, c'est la totale incertitude.


Inertie de l'administration

Même si l'Éducation nationale suivait de très près l'évolution des techniques utilisées dans tous les métiers et toutes les professions (ce qui n'est pas le cas), elle ne pourrait modifier ses programmes pour les enseigner dans un délai raisonnable. L'inertie propre à l'administration rend impossible toute adaptation rapide à l'évolution de la société.

Actuellement des millions de travailleurs utilisent des ordinateurs. Combien en ont appris l'usage à l'école, combien par l'entreprise qui les a embauchés, combien par la formation accélérée du fournisseur d'ordinateur ?

Pour cette formation continue absolument considérable et dont bénéficient tous les salariés, l'Éducation nationale ne joue aucun rôle. Les professeurs, et c'est bien normal et naturel, ont un autre objectif : ils rêvent que tous les élèves soient formés à leur image. Le bon élève c'est celui qui deviendra ce qu'ils sont, or s'il existe une certaine diversité parmi les enseignants, elle est plus apparente que réelle. Ils sont fondamentalement semblables, ce sont tous des intellectuels.

Ce qu'on apprend à l'école jusqu'au baccalauréat est professionnellement inutile sauf en ce qui concerne les outils de la communication, soit le langage, l'écriture, le calcul. Il en existe d'autres qui ne sont pas enseignés. Tout le reste est un bagage culturel vite oublié par tous ceux que cela n'intéresse pas mais qui le mémorisent pour l'examen. D'autres s'en serviront pour devenir professeurs car ceux-ci doivent posséder toutes ces connaissances pour exercer leur métier.

Ces connaissances sont également utiles pour passer les concours permettant d'entrer dans la Fonction publique. Ces concours permettent d'évaluer le Q.I. du candidat et non les connaissances utiles pour exercer l'emploi. Mais le Q.I. comme on sait ne mesure que partiellement l'aptitude professionnelle.

Déjà au début du X siècle, certains commençaient à se poser des questions sur l'instruction publique obligatoire purement intellectuelle.

Un ministre, Gabriel Hanotaux membre de l'Académie française écrivait : « Il faut en prendre son parti : le régime des mots est fini, l'éducation verbale a fait son temps... on a fait de nos générations un peuple d'écoliers, de candidats, de bêtes à concours. La prétendue supériorité intellectuelle et sociale s'affirme par l'art de répéter les mêmes mots et les mêmes gestes jusqu'à trente ans et au-delà. »

Hélas, il se faisait bien des illusions M. Hanotaux quand il prétendait que le régime des mots était fini. Bien au contraire, la communication par les mots a explosé, ainsi que la communication par l'image qui peut sembler être une représentation, un substitut du réel mais qui permet toutes les falsifications, toutes les tromperies, toutes les tricheries, toutes les déformations de cette réalité.

Seul le réel que vous percevez directement avec vos cinq sens est vrai.

Presque un siècle après Gabriel Hanotaux, Pierre Chaunu, dans une préface à la réédition de la « Psychologie de l'éducation » de Gustave Le Bon, est encore plus sévère que lui concernant l'Éducation nationale. Voilà ce qu'il écrit :

« La tare de cet enseignement secondaire que Le Bon a passé au scalpel comme personne ne l'avait fait avant et ne le fera après lui, c'est à la fois qu'il est incapable de fabriquer des produits directement utilisables par la société civile et qu'il est divinement apte, par contre à s'auto reproduire, entendez : à quoi servent ces merveilleux professeurs et pions de collèges, à fabriquer bien sûr des pions et des professeurs de collège.

Quel est le meilleur moyen de renforcer et de reproduire ce système, c'est bien évidemment de le réformer ! L'enseignement moderne est tout aussi encyclopédique et mnémotechnique que le classique. Pour réformer le système il faudrait pouvoir non pas changer les programmes, ni même les méthodes mais changer les professeurs...

Ils sont à 2 à 3 % près, totalement, définitivement, ontologiquement irrécupérables pour autre chose que pour ce pourquoi ils ont été radicalement déformés. Les plus intelligents en ont conscience et ils en ressentent de l'aigreur.»

Ce texte au vitriol s'approche de certaines idées que je vous ai exposées : l'éducation moderne ne forme que le côté intellectuel de l'individu sans lui dire que ce savoir abstrait doit aider à l'action qui est concrète. Seule celle-ci compte. C'est sur elle qu'on doit être exclusivement jugé.

Sur le fronton de l'École militaire de Saint-Cyr qui forme nos officiers, il est inscrit : « Ils s'instruisent pour vaincre. » Malheureusement l'état de paix fait qu'ils ne peuvent être jugés que sur leur capacité à répéter ce qu'on leur a appris et non sur celle de vaincre.

En 1914, le général en chef Joffre après quelques mois de guerre signa un décret à Limoges. Il « limogeait » près de 150 généraux qui s'étaient montrés incapables sur le terrain.

En 1940, le généralissime Gamelin, avait montré des dons intellectuels surprenants qui lui permettaient d'accumuler les diplômes et les places de premier, fut sur le terrain incapable de concrétiser.

Les deux principaux maréchaux de Napoléon Ier dont nul ne conteste qu'ils furent des « dieux de la guerre » : Lannes et Masséna avaient débuté comme simples soldats. C'est sur les champs de bataille uniquement qu'ils avaient développé leur sens de la stratégie.

Napoléon qui était très concret et avait quelque mépris pour les discussions intellectuelles a dit : « La guerre est un art tout d'exécution. » Il pensait qu'une bataille ne se gagne pas devant une carte d'état-major mais sur le terrain suivant la manière dont on exécute les manœuvres. Il était à l'opposé du général de Gaulle disant : « L'intendance suivra », l'intendance englobant tous les exécutants d'une décision.

A la manière de Napoléon, on pourrait dire : « Gouverner est un art tout d'exécution... C'est sur la bonne organisation de cette exécution qu'il faut juger les gouvernements et non sur l'effet d'annonce des objectifs qu'ils prétendent atteindre. »

Conclusion. L'accélération de l'évolution technologique qui caractérise notre époque rend presque impossible de prévoir les métiers et professions de demain. Quantité de métiers nouveaux apparaissent tandis que d'autres disparaissent. Il est donc très difficile d'orienter les enfants.

Cependant si l'enfant possède des qualités intellectuelles suffisantes (mesurées par son Q.I.) son avenir est assuré grâce aux différents diplômes et concours qui procurent à vie une situation confortable quelle que soit l'efficacité professionnelle.

Si l'enfant est plus concret qu'abstrait, l'Éducation nationale a beau s'acharner à en faire un intellectuel, elle ne peut que lui faire prendre conscience d'une infériorité qu'il croit totale alors qu'elle n'est que partielle.

La véritable valeur de ces enfants se mesurera à leur efficacité professionnelle.

C'est par la formation continue dans l'entreprise et par celle proposée par les fournisseurs de matériel qu'il apprendra son métier après avoir complètement oublié cette culture générale qui ne l'intéressait pas.

La formation continue est donc la vraie force d'éducation de la très grande majorité de ceux qui travaillent, l'Éducation nationale n'étant qu'un système de sélection des intellectuels pour leur attribuer les meilleures places.

N'oublions jamais que la réussite scolaire des esprits conformistes et la réussite des esprits créatifs et originaux sont deux choses sans rapport.

Edison fut si mauvais élève qu'à 12 ans il se retrouva à vendre des journaux dans les trains. Il devint un très grand inventeur doublé d'un très grand industriel.

Jean-Jacques Rousseau, orphelin de mère à sa naissance, abandonné par son père à 10 ans n'alla jamais à l'école. Ses écrits révolutionnèrent l'Europe des intellectuels.

Stradivarius commença à 14 ans son apprentissage de luthier sans avoir été à l'école. Ses violons font l'admiration de tous ces mélomanes du monde.

Des centaines de milliers d'exemples moins spectaculaires pourraient être cités. Encore une fois la richesse d'une personnalité est innée et l'école sait rarement la déceler.

 

DE L'IMPORTANCE DE LA FORMATION SCOLAIRE
Exemple : l'Allemagne et la Russie

Lorsque l'Allemagne capitula en 1945, elle était en grande partie détruite : grandes villes, usines, voies de communication avaient été tellement bombardées qu'un grand cinéaste italien put faire un film intitulé : « Allemagne année zéro. »

Le nombre de morts, de disparus, de prisonniers faisait qu'il restait peu d'hommes valides pour reconstruire et produire. En outre mobilisés dès 17 ans dans un IIIe Reich qui n'aimait pas les intellectuels, le déficit culturel des hommes revenant des camps de prisonniers était énorme. Pratiquement sept ans sans école ou université.

Les meilleurs ingénieurs conservés dans les usines d'armement furent accaparés par les États-Unis, l'Angleterre, la France et l'U.R.S.S. qui les expatrièrent sans trop chercher à savoir s'ils avaient été inscrits au parti national-socialiste. Normalement, la France et la Grande-Bretagne auraient dû se relever beaucoup plus vite que l'Allemagne car possédant un bien plus grand nombre de diplômés et peu de destruction.

Lorsqu'en Allemagne un prisonnier de guerre libéré se présentait dans une entreprise sans diplôme, on ne lui conseillait pas de reprendre ses études là où il les avait abandonnées sept ans auparavant mais on l'invitait à faire analyser sa personnalité, ses prédispositions, ses aptitudes afin de déterminer quel travail lui conviendrait le mieux. Alors commençait la formation en entreprise qui est un véritable apprentissage, c'est-à-dire réalisé par des professionnels pouvant donner l'exemple, mettre à l'épreuve, corriger les erreurs.

Cet apprentissage valable dans tous les domaines est infiniment supérieur à la formation par des enseignants n'ayant jamais mis en pratique, très théoriciens et dont les exercices pratiqués sont généralement assez loin de la réalité du « terrain ».

Ce sont donc les entreprises qui ont réalisé la formation de leurs salariés ou des salariés d'autres entreprises lorsque vendant des machines, du matériel, des engins, elles devaient assurer la formation accélérée de ceux qui s'en serviraient chez leurs clients.

Naturellement tous les salariés qui voulaient ajouter une formation théorique à celle qu'ils avaient reçue sur le terrain pouvaient facilement se procurer des ouvrages techniques.

On peut dire que la formation réalisée par des enseignants intellectuels à l'école a joué un rôle secondaire dans le « miracle allemand ». Les qualités innées du peuple allemand ont été par contre un facteur déterminant pour expliquer cette réussite.

Lorsque le régime marxiste s'écroula en U.R.S.S. après la chute du « mur », tous les partisans de l'économie de marché pensèrent que nous allions assister en Russie à un miracle économique équivalent à celui dont l'Allemagne avait donné l'exemple.

La Russie semblait mieux préparée à réaliser ce miracle : peu de destruction de villes ou d'usines, des écoles et des universités fonctionnant à plein depuis plus de quarante ans, un statut de vainqueur incitant les anciens alliés à l'aider et pourtant, à l'étonnement du monde entier la montagne accoucha d'une souris, l'économie de marché n'apporta aucun mieux au niveau de vie des Russes.

Le libéralisme n'apporta que ses vices : enrichissement par la spéculation et la corruption, alcool et drogue, pornographie et prostitution.

Cet échec est si stupéfiant qu'on a du mal à le comprendre, à l'analyser. Dans cet ouvrage j'ai expliqué la faiblesse de la Fonction publique par son système de recrutement par diplôme et sa promotion par ancienneté. La sélection par le seul Q.I. est néfaste.

Certes, il arrive que des individus possèdent à la fois un bon Q.I. et un sens pratique excellent. On peut croire alors que le système du diplôme est bon alors que cet homme a réussi grâce à son pragmatisme, son sens des réalités et non grâce à son Q.I. ou à ses connaissances théoriques constatées par un diplôme.

Le président Pompidou en a été un exemple. Dans l'U.R.S.S. il n'y avait pas le partage entre une Fonction publique et des entreprises privées mais une totalité de fonctionnaires gérant toute l'économie et ces fonctionnaires étaient tous recrutés sur diplômes ou concours constatant à la fois des connaissances abstraites, intellectuelles et un certain niveau de Q.I.

Concentrant tous ses efforts dans des activités de prestige comme les armements, les fusées interplanétaires et non dans la production de biens de consommation (le contraire du socialisme théorique !), l'U.R.S.S. a pu faire illusion. Quand elle est devenue la Russie démocratique et libérale, que ses armes ne lui servaient plus à grand-chose et qu'il fallait produire des biens de consommation, je ne sais pas très bien comment les entreprises entièrement fonctionnarisées ont pu se réformer et organiser une nouvelle sélection et une nouvelle promotion du personnel pour rendre l'entreprise productive.

Peut-être n'ont-ils pas résolu ce problème et dans ce cas cela expliquerait la difficulté pour la Russie de réaliser une industrie compétitive.

Reste mon ignorance des qualités innées des Russes les rendant aptes à produire. Lorsqu'on étudie l'économie africaine, on s'aperçoit que les habitants sont capables comme les Européens de faire des études et d'obtenir des diplômes. Ils ont des qualités sportives supérieures à celles des Blancs et ils sont d'excellents acteurs, des musiciens et danseurs hors pairs. Cependant, ils ne savent pas organiser des entreprises industrielles ou agricoles capables de produire des biens de consommation. C'est une incapacité innée.

Loin de moi l'idée que les Russes sont incapables d'organiser des entreprises de production agricole ou industrielle.

Avant la Première Guerre mondiale, le niveau économique de la Russie était équivalent à celui des autres pays européens. Pendant la dernière guerre ils ont produit en quantité des armes de grande qualité, alors pourquoi cette incapacité actuelle ?

Certains disent que les Russes sont un mélange d'extraordinaires qualités et de terribles défauts qui les portent à l'alcoolisme, à la paresse, au trafic. Si ces dérives ne sont pas réprimées par le pouvoir politique, elles stérilisent les qualités de ce grand peuple.

Ces deux exemples de la réussite allemande et de l'échec russe nous permettent de constater que l'Allemagne s'est montrée économiquement très performante sous deux systèmes différents : le dirigisme hitlérien et le libéralisme démocratique.

La Russie s'est montrée assez performante sous un système économique ultra dirigiste et un régime politique tyrannique à l'extrême. Sous un régime diamétralement opposé, économiquement libéral et politiquement faible et tolérant, recevant en outre un soutien financier international important, possédant des richesses notamment en pétrole et en gaz naturel considérables, elle ne réussit pas à assurer à ses habitants un niveau de vie acceptable.

Cela montre que ni le système économique, ni le système politique, ni le financement international, ni les richesses naturelles, ni la prolifération des écoles ne sont les vraies sources de la prospérité d'une nation. « Il n'est de richesse que d'hommes. »

 

L'EXEMPLE AFRICAIN

Après avoir été le père de l'école laïque obligatoire et gratuite dont le but était de donner à tous les Français une culture générale intellectuelle, d'anéantir les langues et les coutumes régionales pour créer une citoyenneté nationale, Jules Ferry devint ministre des colonies.

Jules Ferry pensait comme bien d'autres intellectuels que chaque être était le résultat de son éducation. Il voulut donc donner aux Africains et aux Asiatiques de nos colonies la même éducation qu'aux Français afin de leur faire accepter nos valeurs et notre civilisation.

Voici ce qu'il déclara : « Un devoir supérieur de civilisation légitime seul le droit d'aller chez les barbares. La race supérieure ne conquiert pas dans le but d'exploiter le plus faible, mais bien de le civiliser et de l'élever jusqu'à elle. »

Tout cela partait de bons sentiments et de bonnes intentions dont l'enfer est pavé ! La vie matérielle des indigènes n'était pas évoquée, ces problèmes d'intendance devant se résoudre grâce aux connaissances abstraites mémorisées à l'école.

Nous avons donc dépensé énormément d'argent à créer des écoles sur place, à recevoir en France des étudiants africains et asiatiques. Après un siècle quel en est le résultat, par exemple en Afrique ?

- Les meilleurs étudiants noirs, comme les médecins, ont préféré rester en France où la paye est meilleure que d'aider leurs frères en Afrique. En même temps, les meilleurs des Français partent aux États-Unis.

- Nous avons détruit toutes les civilisations proprement africaines créées par eux pour eux et propres à chaque ethnie.

- Nous avons éradiqué des maladies proprement africaines mais nous avons apporté la blennorragie, la syphilis et le sida.

- Les dirigeants et leurs Fonctions publiques sont corrompus et ne fonctionnent qu'à la commission occulte ou aux bakchichs.

- Les plus grands profits venant à ceux qui détiennent le pouvoir, des guerres incessantes pour le conquérir ensanglantent l'Afrique.

- Les Noirs quittent les campagnes pour s'entasser dans d'immenses bidonvilles qui sont la honte de notre époque.

- Confrontée au mondialisme, aucune entreprise produisant des biens de consommation et organisée avec uniquement des Africains ne peut survivre. Seuls survivent les États qui acceptent un néo-colonialisme exploitant leurs richesses.

Nous l'avons montré dans cet ouvrage : transformer un être par l'éducation est une illusion. Cependant on ne saurait reprocher à la seule éducation presque purement intellectuelle d'être responsable de ce fantastique gâchis.

L'erreur première est d'avoir mis l'esprit au-dessus de la matière alors que nous nous nourrissons de bonne soupe et non de beau langage.

Nous pouvons vivre sans nourritures intellectuelles mais nous ne pouvons vivre sans nourritures matérielles, sans maison pour nous abriter, sans meubles pour l'aménager, sans vêtements pour nous protéger.

Ce ne sont pas les paysans-planteurs venus en Afrique qui ont fait du mal, mais les commerçants venus offrir des biens de consommation fascinants que les Africains ne pouvaient produire ou échanger contre leurs propres productions. Lorsqu'on ne peut pas par un travail honnête acquérir les biens que l'on voudrait avoir, c'est la tentation du diable, la porte ouverte à toutes les déchéances.

Il en est ainsi également en France.

Conclusion. Les Européens n'auraient jamais dû coloniser l'Afrique ou l'Asie. Ce mal étant fait cette colonisation aurait dû être organisée par des hommes d'action faisant passer les besoins matériels avant les besoins culturels. Chaque nation doit produire ses propres biens de consommation et n'échanger que le surplus. Il faut surtout éviter que la liberté d'importation de ces biens ne vienne à détruire les productions locales car la nation ne peut plus vivre que de prêts qu'elle ne pourra jamais rembourser.

Par mimétisme grégaire une ethnie peut plus ou moins imiter les us et coutumes du peuple dominant au milieu duquel elle vit. Cependant l'abandon de sa civilisation séculaire la coupe de ses racines et sa nature profonde libère ses instincts primitifs.

C'est la leçon de la tentative de substitution de la civilisation européenne aux civilisations africaines. Aux États-Unis les Indiens ont rarement pu s'intégrer à la civilisation de leurs conquérants blancs. De cinq millions il n'en reste que cinq cent mille vivant dans des réserves.

 

LA DÉCLATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L'HOMME
TRAHIE PAR L'ÉDUCATION NATIONALE

La Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 dont on a célébré avec solennité le cinquantenaire précise dans son paragraphe 3 de l'article 26 : « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants. »

Rédigé par les plus remarquables spécialistes du droit et de la langue française, on peut s'étonner du flou et de l'ambiguïté d'un tel article.

Le mot priorité doit toujours être utilisé en précisant par rapport à quoi. Deux voitures se rencontrent à un croisement, l'une est prioritaire par rapport à l'autre. Sur un passage clouté un piéton a priorité sur une automobile (dans certains pays). Un parking pour handicapés est réservé à ceux-ci et non prioritaire. Les parents qui choisissent le genre d'éducation à donner à leurs enfants ont priorité sur qui ? Dans quels cas leur priorité ne s'exerce plus ? Un enfant orphelin ou abandonné, qui choisit son genre d'éducation ?

Le mot genre n'est pas restrictif. Il permet toutes les possibilités. Si l'on dit à une personne qu'elle peut choisir son genre de vie, cela lui donne une liberté totale. Toutefois cette liberté de choix a un côté théorique qui permet d'envisager mille possibilités et un côté pratique qui limite le choix. Dire à un enfant qu'il peut choisir son dessert et ne lui proposer que des pommes et des oranges relativise cette liberté qu'on lui accorde. La liberté du choix dépend de ce qu'on propose réellement.

Le père de Mozart voyant que son fils était très doué pour la musique décida de développer par priorité ses dons et de lui donner une éducation presque exclusivement musicale.

Grâce à quoi, dès l'âge de cinq ans, Mozart commençait à composer de la musique. En ce temps-là, les parents choisissaient le genre d'éducation à donner à leurs enfants et n'avaient de comptes à rendre à personne. Blaise Pascal était un enfant passionné de mathématique. Son père fut étonné de le voir encore très jeune redécouvrir et réinventer la géométrie. Il le laissa s'instruire dans cette voie qu'il avait choisie.

Qu'en est-il de nos jours des droits de l'homme et des droits de l'enfant ? La liberté de choix pour l'éducation est-elle totale ou hypocritement biaisée de façon que les parents n'aient plus le choix et soient pratiquement obligés de remettre leur enfant à l'Éducation nationale qui décidera de son éducation ?

En France, l'école est obligatoire de 3 à 16 ans. Elle est gratuite dans les écoles et collèges d'État qui sont laïques. Cela coûte à la nation pour toute une scolarité environ 500 000 francs par élève (payés par nos impôts). Il existe un petit nombre d'écoles privées qui, d'une part, sont payantes et qui, d'autre part, doivent donner le même enseignement que dans l'école d'État avec en plus, si bon leur semble, une éducation religieuse.

Des parents qui envoient leurs enfants dans une telle école privée payent deux fois les frais d'étude, une fois par l'impôt pour l'école laïque et une seconde fois directement à l'école privée. C'est un lourd sacrifice que peu de gens peuvent faire.

Finalement de 3 à 16 ans, tous les enfants reçoivent obligatoirement le même enseignement dont les filières restent très éloignées du vrai savoir-faire professionnel. On se demande ce que signifie ce libre choix que leur accorde solennellement la Déclaration universelle des droits de l'homme. Cette déclaration est trahie par l'Éducation nationale, sans conteste, scandaleusement.

Que serait devenu Mozart de nos jours, obligé d'user ses culottes dès l'âge de 3 ans sur les bancs d'une école où il se serait ennuyé à mourir jusqu'à 16-18 ans, âge où il avait déjà ébloui toute l'Europe des mélomanes ?

Que faut-il faire pour que la société française se mette en conformité avec l'esprit et la lettre du paragraphe 3 de l'article 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme ?

Pour concilier gratuité et liberté de choix, il faut que les parents reçoivent annuellement un chèque d'environ quarante-cinq mille francs par enfant ne pouvant être versé qu'à une école agréée.

Afin que la liberté de choix soit réelle et non théorique, il faut que des écoles puissent se créer librement et avec le programme de leur choix.

On verrait probablement naître une multitude d'écoles dont la formation professionnelle prendrait le pas sur la formation culturelle ou théorique. Elles ne seraient plus spécialement adaptées au recrutement des fonctionnaires. Elles formeraient des individus capables de bien exercer les mille métiers et professions proposés par l'activité privée.

Ces écoles ne maintiendraient pas la coupure entre formation préliminaire à l'emploi et cet emploi comme nous le voyons avec l'Éducation nationale. Elles seraient au contraire des centres de formation continue permettant un recyclage permanent de tous les travailleurs.

D'abord habitués aux vrais stages en entreprise avant l'embauche, après celle-ci les différents types de salariés pourraient s'adapter aux évolutions technologiques par des stages à l'école. Et le savoir culturel ? Il serait accessible à tous, gratuitement, toute leur vie. La culture cesserait d'être un bourrage de crâne passager pour passer des examens et deviendrait un enrichissement permanent pour le plaisir.

 

APPRENDRE À SE SERVIR
DES OUTILS DE LA COMMUNICATION

Pour communiquer nos connaissances abstraites nous utilisons le langage. Nous utilisons également l'écriture qui peut être transmise par lettre, livres, journaux, magazines, fax, ordinateur, internet, etc.

Chaque pays a sa langue et l'une d'elle, l'anglais semble devenir universelle. Apprendre à bien parler et à bien écrire suppose une exacte connaissance des mots. Pour en connaître le sens seules la conversation et la lecture peuvent le permettre. Cependant le sens des mots détachés des choses reste assez subjectif et donne lieu à interprétations. Les chiffres, par contre, sont toujours précis.

Pour communiquer nos connaissances concrètes, notre savoir-faire, rien de mieux que l'exemple - ou lorsqu'on ne peut l'utiliser - l'image, le dessin, le croquis, le plan accompagnés d'explications. Le concret est universel et non sujet à interprétations. C'est, avec les chiffres, l'outil de communication préféré des hommes d'action.

Les dons de la parole, de l'écriture, du calcul, de toutes les formes de dessin sont innés. Il n'empêche que tous les enfants doivent atteindre un certain niveau avant que l'on utilise ces outils de la communication pour leur transmettre nos connaissances.

On peut regretter qu'on s'efforce de donner une culture générale à des enfants qui comprennent mal le sens des mots. On doit regretter encore plus qu'on néglige le dessin - qu'il soit figuratif ou industriel - car c'est un merveilleux moyen de communication dans différentes circonstances de la vie et pour de très nombreux métiers.

Les prédispositions que montre un enfant soit pour s'exprimer facilement, soit pour le dessin figuratif (qui indique qu'il possède le sens de l'observation), ou le dessin industriel qui montre un esprit doué pour la géométrie, me semblent être un moyen très sûr pour l'orienter.

Donnons une culture générale et une profession intellectuelle aux enfants aimant s'exprimer par des mots et une profession liée au concret à tous ceux qui ont le sens de l'observation et des dons pour le dessin. Quant à ceux qui sont également doués pour les deux, de très nombreuses professions leur sont ouvertes.

Apprendre à se servir des outils de la communication selon les capacités innées de chaque enfant est une nécessité. La période correspondant à cet enseignement doit être beaucoup plus longue qu'elle ne l'est actuellement.

 

LES HOMMES POLITIQUES PEUVENT-ILS
RÉFORMER L'ÉDUCATION NATIONALE ?

On dit souvent que diriger un pays ou une entreprise industrielle, agricole, commerciale c'est la même chose. Il faut à la fois assurer la prospérité du pays ou de l'entreprise et satisfaire les habitants ou les salariés afin qu'ils soient heureux de leur sort et qu'ils aient du cœur à l'ouvrage.

Pour beaucoup de pays le système démocratique qui consiste à élire les dirigeants grâce à des élections et à les remplacer s'ils ne vous donnent pas satisfaction est considéré comme excellent. Cependant aucun parti politique n'a jamais suggéré d'appliquer ce même système aux entreprises : le patron élu par ses salariés et remplacé s'il ne donne pas satisfaction.

Cependant un patron courageux d'une entreprise moyenne du Sud-Est a voulu, il y a une trentaine d'années instaurer ce système dans son entreprise. Chaque année il se faisait réélire par ses salariés.

L'expérience n'a pas été concluante car peu à peu il a perdu la confiance de son personnel. Il s'est décidé à vendre son entreprise en perdition pour 1 franc symbolique, les acheteurs ayant exigé du personnel l'abandon du système démocratique.

L'analyse de cet échec a permis de constater que si les salariés ont une parfaite connaissance de leurs besoins qu'ils expriment par des revendications, ils ont par contre le sentiment que la prospérité de l'entreprise ne profite qu'au patron et aux actionnaires (une seule et même personne dans la plupart des PME). De ce fait obtenir plus au détriment des actionnaires leur semble une bonne opération. Ils n'ont pas le sentiment d'être sur le même bateau qui, s'il coule, verra la ruine de l'armateur et la mort de tout l'équipage. Ils ne comprennent pas que la prospérité de l'entreprise est le gage de la garantie de l'emploi et de la juste progression de leurs salaires.

En cas d'élection du patron, un candidat démagogue ou s'illusionnant sur ses capacités de satisfaire toutes les revendications des salariés tout en faisant progresser l'entreprise aura plus de succès que celui qui, envisageant le pire, ne veut se lier à des promesses qu'il n'est pas certain de pouvoir tenir.

Constamment préoccupé de savoir s'il sera réélu un patron ne peut se concentrer sur la bonne gestion de son entreprise et chercher à résoudre les problèmes difficiles qui ne cessent de surgir.

Dans le cas d'une nation, les électeurs comparent les projets de dépenses des candidats. Les unes vont améliorer leur vie quotidienne, d'autres flattent leur goût pour une certaine idée de la grandeur nationale. Aucun des électeurs ne pose la question : votre budget sera-t-il équilibré ou en déficit ? Dans ce dernier cas comment rembourserez-vous la dette correspondante ?

Pourtant c'est ce genre de question que se pose ce même électeur chaque fois qu'il envisage une dépense excédant ses recettes. Leur patron fait de même.

On en arrive à cette conclusion que c'est l'obligation d'être élu et réélu pour gouverner qui impose un certain laxisme dans la gestion. Si ces mêmes hommes étaient assurés de pouvoir gouverner pendant dix ans et ne pouvoir se représenter au bout de cette période, leur état d'esprit serait transformé. Au lieu de se dire : cette réforme me fera-t-elle monter ou baisser dans les sondages, ils n'envisageraient que son bien-fondé, son utilité.

On dit qu'un danger menace les démocraties : le populisme. Celui-ci consiste, d'après le Petit Larousse « ... à satisfaire les revendications immédiates du peuple, sans objectif à long terme ». Selon cette définition qui est la seule jusqu'ici donnée par le Larousse tous les gouvernements français ont été ou sont populistes. Faire un budget en déficit c'est réaliser un excès de dépenses pour satisfaire des besoins immédiats au détriment du long terme (augmentation de la dette dont le remboursement sera une obligation incontournable).

Pourquoi une gestion aussi laxiste ? Parce que entre le présent et le long terme existe un mur qu'on appelle les prochaines élections.

Pour la plupart des hommes politiques, perdre les élections, c'est perdre à la fois la notoriété et des avantages matériels substantiels. Les voilà donc obligés de tout faire par rapport à cette prochaine échéance électorale.

On dit que Colbert fit planter une grande quantité de chênes. Il pensait qu'ils seraient fort utiles à notre marine deux siècles plus tard.

Si vous visitez Questembert, une petite ville du Morbihan, vous y verrez des halles datant du XVe siècle et toujours fort utiles.

Un siècle avant qu'elles soient commencées, les habitants s'étaient procurés 500 fûts de chêne pour les faire tremper dans l'eau afin de rendre le bois aussi indestructible que possible.

Cet énorme investissement ne profiterait ni à eux, ni à leurs enfants ou petits-enfants. Au moins cinq générations entre cet investissement et la fin des travaux ! Cela n'avait rien d'étonnant à cette époque tant le sentiment d'éternité habitait chaque famille.

Travailler pour soi ou pour les générations futures, c'était la même chose !

Puisque nous n'avons plus le sens de l'éternité, peut-on reprocher à nos hommes politiques de se mettre à notre niveau ?

M. Claude Allègre, grand ami du Président du Conseil a été nommé ministre de l'Éducation nationale. Les petites réformes qu'il a proposées ont déplu à cette dernière et donc à toute la Fonction publique. On l'a prié de démissionner. Cinq millions d'électeurs presque tous socialistes ça se respecte.

Claude Allègre a démontré d'une manière éclatante que toute réforme de l'Éducation nationale était impossible. Les partis de droite auraient agi de même vis-à-vis de leur clientèle électorale. Peut-on en France gérer équitablement le long terme et le court terme ? Peut-on envisager de profondes réformes bénéfiques pour les générations futures ?

 

Lorsque les écologistes sont arrivés au pouvoir avec les socialistes, je me suis réjouis. Enfin des amis de la nature et donc des ennemis de toutes les pollutions qui la souillent allaient mettre fin à l'implantation de tous ces panneaux publicitaires au long de nos routes (sauf des autoroutes qui sont privées).

Chaque fois que j'entre en Suisse, j'éprouve un grand bonheur d'admirer des paysages sans panneaux publicitaires qui ont toujours été interdits. Cela ne nuit nullement à la prospérité économique. Il est bien clair que lorsque non loin d'une ville un hôtel fait de la publicité au bord de la route, tous les autres se sentent obligés d'en faire. Toutes ces publicités s'annulent et ne servent à rien. Les différents commerces font de même.

Si les autoroutes ont obtenu l'interdiction des panneaux publicitaires, c'est qu'elles savent que ceux-ci sont source d'inattention donc d'accidents.

Un jour d'Auray à Quiberon, soit 20 Km j'ai compté 180 panneaux dont paraît-il la moitié sont illégaux. Autant l'information peut être utile mais elle ne demande que de petits panneaux sans image, autant ces grands placards publicitaires aux couleurs fluorescentes sont contraires à la beauté calme et apaisante de la nature.

Bref nos écologistes au pouvoir avaient mille raisons d'interdire ces panneaux publicitaires qui outre les nuisances et l'inutilité signalées sont un gaspillage de matières premières dont nous devons préserver les ressources. Cependant ces interdictions ne sont pas venues, les Verts se cantonnant dans les discussions sans fin sur la couche d'ozone. Question probablement très importante mais très abstraite.

En fait tous les hommes politiques, verts ou pas, de gauche ou de droite savent que le lobby publicitaire est une puissance redoutable dont ils ont besoin pour se faire élire. En outre les panneaux publicitaires permettent à tous ceux qui acceptent leur implantation sur leur terrain d'obtenir de petits revenus. Les Verts préfèrent s'attaquer aux multinationales qu'aux modestes citoyens. C'est électoralement un bien meilleur choix.


CONCLUSIONS

En France existe une école laïque, obligatoire et gratuite et des écoles privées payantes. Toutes ces écoles préparent aux mêmes diplômes d'État suivant les mêmes programmes établis par l'Éducation nationale.

Car celle-ci dans son ensemble est aux mains d'intellectuels fonctionnaires qui croient au dogme du tout-acquis, qui croient que les différences entre individus ne sont pas innées mais dues à l'éducation et que pour ceux qui naissent dans un milieu défavorisé leur donnant une mauvaise éducation, l'école est un ascenseur social leur permettant d'égaler les enfants de milieux favorisés.

En fait, l'école organisée par des intellectuels fonctionnaires ne convient qu'aux enfants de la même famille d'esprit que leur professeurs. Ces enfants apprennent avec plaisir et enrichissent durablement leur esprit. Les autres, soit apprennent à mémoriser jusqu'à l'examen comme un acteur le fait pour une pièce de théâtre, soit rejettent totalement cet enseignement abstrait ce qui en fait des désespérés ou des révoltés. Ils sont peu à peu orientés vers les filières technologiques qui sont le réceptacle de l'échec scolaire.

En fait, l'école sélectionne et hiérarchise les élèves en vue de leur entrée dans la Fonction publique en évitant soigneusement que les connaissances enseignées aient une utilité professionnelle. Elles ne doivent être qu'un enrichissement culturel.

Dans cet ouvrage, j'ai voulu démontrer que le dogme du tout-acquis est totalement faux, que l'ascenseur social est un leurre et qu'il est en panne en permanence, que l'enseignement abstrait ne s'adressait qu'aux intellectuels et rejetait les enfants préférant le concret.

J'ai voulu montrer que la France à son apogée du XVe au XVIIIe siècle a produit un nombre incalculable de chefs-d'œuvre et ceci grâce à des artisans soit illettrés, soit n'ayant aucun livre à leur disposition et qui avaient appris grâce à l'exemple donné par d'autres artisans.

En ce temps-là n'existaient pas de professeurs s'interposant entre l'homme de l'art et l'enfant. C'est l'enfant qui choisissait son maître. Le talent exceptionnel trouvait toujours des adultes pour l'aider à se former, à s'exprimer, à s'épanouir.

A cette époque on croyait au tout inné. Celle-ci étant révolue, il faut toutefois s'en inspirer. Sans pouvoir donner à chaque enfant un maître différent, la diversité des écoles doit être suffisamment grande pour mieux satisfaire les diverses personnalités des enfants et leurs aspirations innées.

L'Éducation nationale forme une nomenklatura extrêmement puissante dont tous les membres sont solidaires sur les questions essentielles.

Le pouvoir politique, d'une part formé par des membres de la Fonction publique, et d'autre part, obsédé par les prochaines échéances électorales ne pourra jamais réformer cet empire. Faut-il donc désespérer ?

Certainement pas car il y a une faille dans le système. Toute l'idéologie démocratique repose sur la « Déclaration universelle des droits de l'homme » de 1948. Celle-ci précise sans ambiguïté que ce sont les parents qui choisissent le genre d'éducation à donner à leurs enfants et non l'État comme dans les pays totalitaires. Or cette liberté de choix ne doit pas être biaisée comme les élections dans certains pays dictatoriaux où il n'y a qu'un seul candidat.

La diversité des écoles et leur gratuité est l'obligatoire corollaire du libre choix des parents. J'invite donc les parents d'élèves à s'adresser calmement mais fermement à l'Éducation nationale, à leur député, aux instances européennes qui surveillent la stricte observation des droits de l'homme afin d'obtenir que soit respectée leur liberté de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants.

Ainsi nous verrons naître de multiples écoles équitablement financées directement par l'État ou par le chèque scolaire. A côté de l'Éducation nationale elles prépareront gratuitement à tous les métiers, à toutes les professions existant en France.

MAXIME LAGUERRE
(intertitres de Marc Schweizer)

 


Haut de page
          Accueil         Maxime Laguerre


000000000000