PIERRE CHAUMEIL
(1928-2012)

Pierre Chaumeil par Louis Monier

Journaliste, bohème et royaliste
Comme d'autres amis de ma jeunesse, ce fut dans un bistrot que je rencontrai Pierre Chaumeil. C'était dans les années cinquante où, dans le sillage de Youki ou de Jacques Yonnet, je fréquentais assidument les bistrots, troquets, rades, et autres hauts lieux hantés par la bohème parisienne.

Ce devait être au Chai de l'Abbaye, chez Mauchien 26 rue de Buci, ou tout à côté, rue de Seine, au Temps Perdu, deux établissements gais où le vin et le whisky coulaient à flots, que hantaient de jolies filles et des bourgeois friqués toujours prêts à payer une tournée pour rester dans le coup.

Chez Mauchien c'était la bande des Mousquetaires qui tenait le haut du pavé parmi lesquels Michel Desgranges, le boute-entrain, Philippe Lefrançois le sportif, Pierre Chaumeil le porte-plume et Robert Vergnes l'explorateur.

Parmi les filles, la reine incontestée était Hermine, une petite merveille très courtisée mais qui ne se laissait pas conquérir, c'était elle qui choisissait. Et gare à celui qui voulait forcer l'assaut, Hermine avait de l'esquive et une garde rapprochée qui la protégeait des importuns.

Au nombre de nos habituées : Popo dont je parle par ailleurs.

À cette époque, Pierre Chaumeil, Auvergnat de bonne souche et royaliste était rédacteur en chef de L'Auvergnat de Paris et membre du jury de la coupe du Meilleur Pot. Ayant manifesté trop de complaisance envers l'Algérie française, il avait été interné au Camp de St Maurice-l'Ardoise, et avait recommandé notre ami Jacques Yonnet au patron du journal pour le remplacer.

Grâce à ce coup de pouce, Yonnet put fréquenter les bistrots quasiment à l'œil et pondre un article hebdomadaire sur les établissements qu'il fréquentait. Cette chronique eut beaucoup de succès et il est fort dommage que nul éditeur ne l'eût éditée avec ses dessins.

Jacques Yonnet, un petit bonhomme tout rond, jovial, conteur intarissable, fréquentait au moins dix à vingt bistrots chaque jour.

Dans les années 70, Pierre Chaumeil qui participait activement aux luttes patriotiques contre l'abaissement de la France et de l'Église traditionnelle, tenait ses assises au Père Tranquille avenue du Maine, où Jean Nouyrigat lui réservait une place d'honneur et lui tenait une bouteille de saumur-champigny au frais.

Pierre Chaumeil croqué par Aramis
Dans sa Préface aux Chroniques de Bistrot de Philippe Lefrançois, Pierre Chaumeil nous laisse une esquisse de cette époque :

« C'était la fin des années cinquante ou peut-être le début des années soixante. Et pour nous qui découvrions la vie libre de l'étudiant parisien, le monde basculait chaque matin. Les alliances internationales, les complicités des partis, les jeux de copains et de coquins des gens au pouvoir se défaisaient pour se reformer au gré d'intérêts que, d'instinct, nous sentions sordides…

Cinq, dix, quinze, barbouillés de culture classique, de passion romantique et de vin rouge, au gré des librairies, des bistrots et des affichages nocturnes, nous avions fait connaissance et lié amitié, solide et légère à la fois.

Et comme le progrès nous apparaissait avec l'image du coca-cola, du béton envahissant et du carriérisme, nous étions, naturellement, d'incorruptibles réactionnaires.

Philippe était le plus jeune. Balancé comme un trois quart aile et fou comme un marin breton buveur de ouisqui, entre deux stages de voile aux Glénans et deux périodes d'études et de recherche aux comptoirs de la Capitale. Son immarcescible gaieté - et sa voix juste - le désignaient naturellement pour guider nos chœurs dans les soirées chaudes.

Le Beaujolais, le Champigny, voire le solide Côtes du Rhône, nous réunissaient plus souvent que de raison, les uns et les autres, verres au poing tandis que, drapé dans son cabanon d'Armorique, il se croyait tenu de lamper du muscadet.

… Et les nuits de grand vent, entre Seine et Montparnasse, nous nous amarrions aux "rades" du havre germanopratin. Les boissons fortes nous libéraient l'imagination en nous entravant les chevilles.

Alors nos rêves d'une brutale tendresse devenaient fantômes colorés, palpables et bruyants, dans une navigation immobile qui pouvait durer quelques jours, quelques nuits, sans reprendre pied sur une terre vraiment ferme.

Enfin, dans le petit matin qui pouvait se situer aux alentours de la mi-journée, lorsque nous sortions dans le soleil, nous pensions revenir d'un long voyage peuplé de clochards diserts, d'hétaïres déçues et d'amis merveilleux.

C'est ce petit monde à nous que restitue, sensible sans amertume, lucide et fraternel, "notre" Philippe, dans ces nouvelles. Nous n'avons pas guéri de notre belle jeunesse…  »

Pierre Chaumeil

* Pierre Chaumeil est l'auteur de deux apophtegmes qui ont fait le tour du monde :

  "L'argent liquide est fait pour être bu !"
"Le zinc est le meilleur conducteur de chaleur humaine"

 
Né en 1928 à Barriac-les-Bosquets et décédé le 4 janvier 2012 dans le même village, journaliste et militant d'Action Française, Pierre Chaumeil était président de l'Association professionnelle de la presse monarchiste et catholique, l'un des plus anciens syndicats français.

C'est en préparant la documentation de son livre Monsieur Bob, son excellent ouvrage sur l'ami Robert Giraud, qu'Olivier Bailly fit la connaissance de Pierre Chaumeil.

Il raconte lui même cette rencontre sur son blog :

Le copain de Doisneau

Pierre Chaumeil au Père Tranquille
Pour mieux connaître et comprendre la vie passionnante et la riche personnalité de Pierre Chaumeil, je vous invite à lire la page suivante :
Action Française : In Memoriam

 
 
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