SERGE HUTIN

 

DU BON USAGE DES RÊVES
 


Serge Hutin est né le 2 avril 1927 et décéda le 1er novembre 1997 à la Maison de retraite de Prades (Pyrérénes orientales). Franc-maçon, il avait atteint les plus hauts grades du Rite Ecossais avant de relever l'Ordre maçonnique hermétique de rite égyptien, proche de celui créé et pratiqué par Cagliostro, ordre dont il était le président d'honneur. Auteur de plusieurs dizaines d'ouvrages incontournables sur l'ésotérisme et les sciences occultes, Serge Hutin ne se contentait pas d'écrire des livres ou des articles très bien documentés sur le sujet, mais se révéla aussi comme un remarquable praticien.

 
Le mystère des rêves et leur rapport avec notre destinée a de tout temps intrigué les hommes. Serge Hutin nous propose ici ses réflexions personnelles sur le sujet toujours d'actualité, puis nous raconte un de ses rêves anciens dont il nous fournit ensuite l'explication par un spécialiste.

Nous rêvons tous

De même que pour l'immense masse de souvenirs qu'enregistre notre mémoire à tous, c'est bien le discernement qui se révélerait comme une qualité fondamentale, essentielle, incontournable, dans le domaine onirique.

 
Nous rêvons tous (même - les découvertes de la psychologie scientifique la plus récente l'ont prouvé - ceux d'entre nous qui sont persuadés, en toute bonne foi, ne jamais le faire. Simplement, ils oublient tout au réveil). Voici un phénomène quotidien d'une banalité extrême.
Pourtant, une connotation de mystère, d'étrange, d'insolite s'attache encore à ce phénomène si courant. N'est-ce déjà pas curieux que, sommairement vêtu et reposant sur un lit, nous fassions en rêve - et habillés de pied en cap - des actes fort divers, pouvant se montrer d'une complexité extrême ? En rêve, nous accomplissons les mêmes gestes qu'à l'état de veille ; nous pouvons emprunter divers moyens de transport, visiter des régions inconnues.
Il nous arrive même (cela peut sembler idiot, mais nous en aurons tous fait quelque nuit l'expérience) qu'un rêve comporte un épisode de sommeil - et, au cours duquel... nous rêverons, au second degré en somme !
En fait, l'examen objectif de nos rêves nécessiterait bel et bien l'exercice poussé de notre faculté de discernement.
Il est diverses catégories de rêves, des plus insignifiants voire déroutants au plus énigmatiques.
Il existe des rêves dont l'origine est directement (et bassement) organique. Je veux parler - exemple significatif de ceux qu'ils soient agréables ou fort déplaisants, consécutifs à un trop bon repas bien arrosé.
A un niveau déjà plus profond, on trouverait les épisodes oniriques qui résultent d'un désir instinctif essentiel. Il y a les cas extrêmes, bien compréhensibles, du jeûneur (forcé ou volontaire) qui voit en rêve des festins plantureux ou encore de l'ascète tourmenté par ses tentations lubriques.
Le rôle des répressions d'ordre sexuel était particulièrement significatif, comme l'ont bien vu Sigmund Freud et ses disciples. Pas seulement chez les religieux astreints à la continence, mais chez l'individu normal de nos sociétés. Rares (il faut le reconnaître) sont, parmi nous, les êtres susceptibles de vivre en la compagnie d'un partenaire sexuel parfait - auquel cas les rêves érotiques n'auraient plus aucune raison d'être.
Freud avait mis le doigt sur un processus onirique essentiel (Voyez sa Science des Rêves) : la symbolisation. S'il arrive que les phantasmes sexuels s'expriment d'une manière directe, chez le dormeur (qui éprouvera les mêmes impressions que lors de l'accomplissement d'un coït à l'état de veille), les désirs d'ordre sexuel useront volontiers de toute une série de « ruses » indirectes par le jeu des symbolisations - dont Freud puis ses continuateurs ont dressé le répertoire détaillé. Par exemple : le phallus pourra prendre pour image symbolique le feu d'une épée ou tout autre objet pointu, l'organe féminin celle d'un creux ou d'une coupe, ou des eaux - mais le répertoire complet des dites images serait interminable.

Symboles concrets

A noter que le processus de symbolisation n'est pas, dans les rêves, particulier au seul domaine des insatisfactions sexuelles. Il s'agit vraiment, c'est évident, d'une loi psychique générale. Chacun de nous aura pu constater que les rêves peuvent (mais les deux éventualités se combinent volontiers) soit reproduire des scènes tout à fait semblables (ou très voisines) de celles vécues à l'état de veille, soit comporter des éléments (personnages ou lieux) jouant le rôle de symboles concrets.
Les anciens mettaient déjà fort bien l'accent sur la nécessité d'une distinction à établir entre les rêves. Ceux-ci ne pouvaient-ils pas - admirez le langage imagé - sortir par deux portes : celle de corne (que franchissent les rêves du genre banal) ou celle d'ivoire (par laquelle nous viennent les songes de la catégorie supérieure, ceux qui nous transmettent un message) ?
Dans la catégorie des rêves supérieurs, il faudrait évidemment placer ceux de nature prémonitoire comme ceux (à l'opposé) susceptibles de nous faire déboucher sur des épisodes vécus lors d'une existence antérieure.
Mais, tout au sommet, il faudrait placer une sorte vraiment à part parmi les rêves supérieurs : ceux où surgissent des images symboliques qui proviendraient non du subconscient individuel du rêveur mais d'une couche supérieure, commune à l'espèce humaine dans son ensemble : l'inconscient collectif que Jung avait fort bien étudié et décrit.

Comment étudier nos rêves ?

La méthode traditionnelle - celle héritée des antiques clefs des songes - est d'ordre monographique. Autrement dit, chaque rêve isolé fera l'objet d'une étude particulière. A l'époque actuelle, une autre méthode s'est trouvée développée (voyez par exemple le livre important de notre ami Bernard Mirande publié aux Editions Astres (Paris). Elle repose au contraire sur un suivi méthodique, tout au long d'un mois entier ou même davantage, de tous les rêves faits par un sujet - qui, dès le réveil, devra les noter soigneusement sur un carnet (avant donc que ne puisse commencer à jouer le mécanisme naturel d'oubli croissant) les rêves qu'il vient de faire durant la nuit passée.

Un exemple personnel

Nous pensons, en ce qui nous concerne, qu'il existe bel et bien certains rêves particulièrement frappants, pouvant être uniques (alors que d'autres se reproduisent) et dont une étude monographique se suffirait donc à elle-même.
Nous allons (le moi est haïssable, certes...) en donner un exemple personnel, particulièrement frappant fait au mois de février 1960 (1). Rêve d'une précision extrême, et dont le souvenir est demeuré gravé tel quel dans notre mémoire.
«Une très grande cité aux monuments d'allure antique (colonnades, etc). Elle est bâtie en hauteur, dominée au sommet par un vaste temple dont le toit se trouve revêtu d'un métal brillant, qui étincelle aux rayons du soleil.
Dans la cité, des hommes et des femmes, tous vêtus d'une tunique blanche. Simplement, certains des hommes portent des attributs militaires (casque, épée, etc.).
Une route circulaire stratégique fait le tour de la cité. J'y circule en compagnie de trois autres personnes (dont une jeune femme brune), dans un assez petit véhicule découvert - dépourvu de roues et qui, sans le moindre bruit circule à une dizaine de centimètres au-dessus du sol.
Au-delà de la route, une accumulation de défenses du genre fils de fer barbelés, chevaux de frise, etc. Après, c'est une immense plaine déserte, qui semble s'étendre à perte de vue, jusqu'à l'horizon.

Une immense armée

Dans la plaine, une immense armée assiège la cité
Des fantassins en hordes innombrables - mais pas des guerriers ordinaires : ce sont des squelettes métalliques vivants, au crâne doté d'yeux humains (des robots? des humains robotisés ?). De temps à autre, un rayon lumineux très étroit et rectiligne part du sommet du temple, et anéantit d'un seul coup une multitude des squelettes métalliques vivants.
Mais cela ne sert à rien, les vides sont aussitôt comblés, et il semble y en avoir davantage encore. Ensuite, vient une autre séquence : la jeune femme brune (celle en compagnie de laquelle j'étais dans le véhicule découvert) et moi, nous nous engageons dans un passage souterrain, dont la sortie se trouve, nous le savons, située loin dans la plaine, au-delà de l'innombrable armée des squelettes en métal.» Comment interprêter un tel rêve ? On pourrait assurément en tenter diverses explications symboliques. Mais je donnerai ici l'interprétation que m'en avait suggéré un vieil ami britannique, décédé en 1972, Gérard Heym (haut dignitaire de la célèbre société secrète de l'«aube dorée» (Golden dawn).
Suivant celui-ci, ce rêve si étrange ne serait autre qu'une réminiscence empruntée à un épisode vécu au cours de l'une de mes incarnations antérieures - celle où, vers la fin de l'Atlantide, (le toit étincelant du grand temple était en orichalque, cet alliage atlante d'or et d'argent) j'aurais connu la révolte de la multitude des malheureux esclaves (robotisés par une invention démoniaque). Je laisserai à chacun de vous le soin de conclure !

 
(1) Nous allions alors (le 2 avril) avoir 31 ans.

 
(Copyright Serge Hutin et Science & Magie, 1993)

 

LE RÊVE EXTRAORDINAIRE D'UN ENFANT DE SEPT ANS


A l'âge de 7 ans, je fis un rêve fantastique, tout à fait horrifiant et fabuleux. Non seulement, j'en ai toujours gardé en moi - j'aurai 68 ans le 2 avril prochain ? le souvenir et demeuré d'une précision extrême. Mais je puis dire que ces images oniriques n'auront cessé de hanter mon imagination au fil des années...
«Après une longue descente souterraine, j'aboutis dans une petite pièce carrée - sorte de sanctuaire aux murs tendus de lourdes draperies rouges. Au milieu, au autel noir cubique, qu'occupe sur presque toute sa surface un buste à mi-corps d'une teinte que l'on pourrait caractériser comme étant d'un vert pâle et livide. C'est le buste d'une femme, aux seins imposants. Son abondante chevelure, ruisselant en arrière sur les épaules est blanche. Les yeux sont rouges.
Ce buste est vivant, ce n'est pas du tout une statue passive. Je m'approche. De sa bouche, la femme me mord successivement entre les yeux, sur le côté gauche de la poitrine et au sexe.
Au cours de ce rêve, je ne me voyais pas comme le petit gosse que j'étais à cette date, mais comme un adulte.
Je me réveillai en sursaut, terrorisé.» Évidemment, un psychanalyste freudien ne manquerait pas de considérer ce rêve de jeune enfant comme apportant de l'eau à son moulin - la clef sexuelle d'un tel rêve étant évidente. Le buste de femme serait une symbolisation directe de la mère castratrice, cette figure qui hantait le subconscient du petit garçon.
Je précise pourtant que le buste féminin vivant n'avait pas du tout le visage de ma maman, ni d'ailleurs davantage celui d'une personne (parente ou amie) de l'entourage familial ou de ses relations directes.
C'est pourquoi, à mon avis, la solution la plus approchée de l'énigme serait donnée par un psychologue des profondeurs se réclamant de l'école de Carl-Gustav Jung. Le buste féminin serait à considérer alors comme un véritable archétype, une image de la Mère Divine, de la Grande Déesse tout à la fois redoutable et bénéfique.
On penserait à la déesse hindoue Dourgâ, à la divinité magique lunaire Hécate, à l'une des formes terribles d'une Tarâ tibétaine, à la Shekinah des kabbalistes, etc. Je précise bien, que le garçonnet de sept ans que j'étais alors n'aurait pu se trouver conditionné (et pour cause) par des recherches approfondies touchant à l'étude comparée des religions, à certaines mythologies, etc.
Il faudrait mettre de côté également l'hypothèse commode d'une influence sournoise exercée sur l'imagination du gosse par la figure inquiétante d'un tableau fantastique ou encore d'une planche étrange sur un ouvrage de la bibliothèque familiale : il n'y en avait pas dans tout l'appartement familial, j'en suis sûr.
Au point de vue occulte, il serait évidemment loisible de voir dans ce rêve une image empruntée à une incarnation antérieure (celle où j'aurais pu, par exemple, être initié aux ténébreux mystères souterrains d'Hécate. Il y aurait aussi l'interprétation possible par une sorte d'annonciation onirique, chez le jeune enfant, de se trouver au nombre des êtres prédestinés à suivre - devenus adultes ? une voie initiatique. C'est ainsi que la morsure devrait se trouver alors interprétée.

 
(Copyright Serge Hutin et Science & Magie, 1993)

 

LIVRES

Serge Hutin
LES SOCIÉTÉS SECRÈTES
Collection Que Sais-je ?
Presses Universitaires de France

 
Réédité enfin, pour la nème fois, ce petit ouvrage de base que toute bibliothèque sérieuse se doit d'abriter, est à nouveau disponible dans les bonnes librairies. En 120 pages denses, complétées par une bibliographie rigoureuse, ce manuel résume ce que tout honnête homme curieux doit savoir des sociétés secrètes, dont le renouveau actuel ne surprendra pas l'initié.

 


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