RÊVES HISTORIQUES

 
LE SONGE DE TANOUTAMON

Fils de Shabataka et neveu de Taharqa, les deux derniers souverains de la XXVe dynastie, dite nubienne, chassés d'Égypte par les invasions assyriennes, menées par Assarhaddon et Assurbanipal 667 av. J-C), Tanoutamon qui règna de Ð 664 à - 656) tenta désespérément de récupérer son Empire. Une nuit deux serpents lui apparaissent en songe et lui promettent la royauté sur l'Égypte. Le texte décrivant ce rêve et conte la reconquête de l'Égypte par le souverain soudanais fut retrouvé sur la stèle dite du Songe à Napata au Soudan.

 
Ce songe n'eut rien de prémonitoire car jamais Tanoutamon ni les autres Pharaons de cette dynastie n'ont pu reconquérir le trône d'Égypte. Ce songe est donc à classer parmi les rêves de "désir" que Freud a longuement disséqués.

 
LE RÊVE DE CHUANG-TSU
(Moine taoïste du 4e siècle avant Jésus-Christ).
L'autre nuit, moi, Chuang-Tsu, moine du monastère de Si-Ling, j'ai rêvé que j'étais un papillon. Je voletais ici et là, de fleur en fleur, heureux de vivre libre et insouciant dans la nature ensoleillée. Je n'avais aucune conscience de mon individualité propre, je me sentais papillon, un point c'est tout.

Soudain, je me réveille, et me voilà redevenu moi-même, un moine dénommé Chuang-Tsu. Maintenant je ne sais plus si je suis un homme qui a rêvé qu'il était papillon ou si je suis un papillon en train de rêver qu'il est un homme!

Le moine Chuang-Tsu n'essaie pas d'interprêter son rêve, il se conforme simplement à la doctrine taoïste qui dit: "Lorsque nous nous réveillerons, nous comprendrons que notre vie ne fut qu'un long rêve".

LE CAUCHEMAR DE BERNARD TANUCCI
(1698-1783)


D'origine toscane, Bernard Tanucci fut durant quelques années (1754-1777), le ministre à poigne de Charles de Bourbon, roi de Naples, puis de son successeur Ferdinand IV. Adepte du despotisme éclairé, ce petit marquis intelligent et énergique réorganisa l'économie du royaume en déliquescence, subventionna les manufactures et entreprit de grands travaux, favorisant ainsi l'émergeance d'une classe d'entrepreneurs dynamiques.

Mais ses entreprises d'assainissement déplurent à la noblesse qui campait sur ses acquis et à l'Église dont le clergé corrompu prenait de grandes libertés avec le message évangélique. Ces deux classes sociales dominantes redoutant l'enrichissement de la bourgeoisie au détriment de leurs privilèges et l'émancipation de leurs paysans maintenus en servitude, s'allièrent pour étouffer dans l'œuf ces velléités de réformes. En butte à une coalisation dangereuse pour ses projets Tanucci fut contraint de modérer ses ambitions.

La noblesse s'acoquina avec les jésuites pour contrecarrer les plans du petit ministre dont les premiers succès accablèrent les conjurés, bien déterminés à obtenir la peau du rénovateur.

Toutefois, fort de l'appui des deux monarques qui se succédèrent à la tête du royaume, Tanucci poursuivit vaille que vaille ses réformes sans se laisser impressionner par les rodomontades de ses adversaires.

Mais les menaces se firent plus pressantes: un matin on retrouva le cheval préféré de Tanucci empoisonné. Le mois suivant des inconnus incendièrent les bâtiments de son domaine familial, un an plus tard, son secrétaire de confiance fut froidement assassiné.

Craignant pour sa vie, tracassé par la pression qui s'exerçait sur ses proches, le petit marquis fut assailli trois nuits de suite par un cauchemar épouvantable où il se voyait torturé par ses adversaires, jeté dans un cul de basse fosse avant d'être excommunié.

Très impressionné, par la violence et la précision de ses songes, le ministre en parla à son confesseur, un pieux franciscain, lui même en butte à la haine des Jésuites. Le prêtre interpréta ces rêves comme un avertissement du Seigneur et suggéra au ministre de prendre les devants en frappant durement ses adversaires avant qu'ils ne mettent leurs menaces à exécution.

Le ministre suivit ses conseils et prit quelques mesures autoritaires. Il commença par abolir les privilèges exorbitants de la noblesse qui grogna. Puis, dans la foulée, il frappa les congrégations religieuses à la caisse. Il supprima les dîmes abusives qui pressuraient les paysans et les artisans, ferma des couvents dont les moines et les moniales se livraient à des mœurs scandaleuses, retira aux tribunaux ecclésiastiques dont la vénalité était notoire leur compétence en matière civile et criminelle.

Ses activités de la journée étant de plus en plus souvent contrariées par les manigances sournoises des prêtres et des spadassins entretenus par la noblesse, le courageux petit marquis reprenait des forces la nuit, plongé dans l'univers magique des songes. Ceux-ci se poursuivant avec une précision de plus en plus grande, il se laissa guider par eux, menant désormais ses actions sous leur inspiration. Une nuit, il rêva qu'il se trouvait jugé par un tribunal formé de Jésuites qui le condamna à mort. Livré au bourreau il se sentit étranglé par ses mains puissantes, ce qui le réveilla.

Le matin venu, au conseil des ministres, il décida l'expulsion des Jésuites et la confiscation de leurs biens (1773), mesure qui soulagea le petit clergé resté pauvre mais honnête, libéra les classes moyennes de l'oppression seigneuriale, encouragea le développement du commerce et de l'industrie, permit le désendettement de la paysannerie et valut à son auteur quelques ennemis de plus.

Quatre ans plus tard, en 1777, la coalition de ses adversaires prit sa revanche. Marie-Caroline, reine très bigote, se vit menacée de tortures infernales par son confesseur si elle ne faisait pas pression sur son royal époux. Elle obtint de Ferdinand IV, affaibli par la maladie, excédé par ses jérémiades le renvoi de son excellent et courageux ministre.
K.E. Maino (1990)

LE SONGE D'ADOLF HITLER

"Au cours de l'été 1923, en excursion dans les Alpes Bavaroises, je passai la nuit dans un chalet près de Königsee. Je rêvai que je me trouvais sur une haute montagne, au-dessus de Berchtesgaden. Assis sur un rocher au milieu d'un champ d'Edelweiss, mon Alpenstock et mon Rücksack à mes pieds, je vis quatre aigles fondre les uns sur les autres et se battre férocement, à coups de becs et de serres, leurs ailes largement déployées.

L'un d'eux lâcha prise rapidement, blessé à mort et s'abattit en tournoyant vers la vallée. Des trois rapaces survivants, l'un d'eux, au plumage noir, attaqua les deux autres, éliminant un second oiseau au plumage rouge, qui alla se réfugier au creux d'une roche pour panser ses plaies. L'aigle noir se retourna, poussa un grand cri, avant de prendre son dernier adversaire à la gorge.

C'est alors qu'un cinquième aigle aux plumes blanches couvertes d'étoiles, surgit du haut de la montagne, immense et d'une férocité inouïe. Il se ligua avec le rescapé et l'oiseau blessé qui revint à la charge. Alors, de partout, je vis surgir d'autres oiseaux de proie qui attaquèrent lâchement le vaillant aigle noir qui se défendit bravement, avant de succomber sous les coups de ses adversaires.

Lorsque je m'éveillai, je me souvins très nettement de ce songe et il me laissa une impression étrange. Dans la journée, abandonnant mes camarades dans la vallée, je gravis seul la montagne vers les sommets, où des aigles planaient dans le ciel sans nuages au-dessus d'un champ d'Edelweiss.

Je refis plusieurs nuits de suite le même rêve et j'y vis le signe du destin m'appelant à lutter de toutes mes forces pour abattre les ennemis du peuple allemand qui s'acharnaient à le détruire."

 
(Lettre d'Adolf Hitler au Doktor Hübotte - 1923)

Au vu de ce qui est arrivé par la suite, Hitler a dû mal interpréter son rêve!
 
LE SONGE DE STALINE

« Je venais de m'assoupir dans mon cabinet de travail lorsque je rêvai que je dormais et que dans mon sommeil douze énormes serpents s'approchaient de mon lit, se lovaient autour de mon corps dans un réseau inextricable et prêts à m'étouffer.

Dans un ultime effort, je les saisis l'un après l'autre par la seule main restée libre, pour les regarder et je vis avec effroi qu'il s'agissait de Kamenev, Zinoviev, Smirnov, Raskine, Piatakov, Radek, Bielski, Toukhatchevski, Krantz et de quelques généraux de mon Etat-Major.

Lorsque je me réveillai pour de bon, le malaise de cet étrange rêve me poursuivit et je convoquai sur l'heure Olga Ivanovna, ma fidèle voyante attitrée. Je lui racontai mon cauchemar, énumérant les figures aperçues.

Elle me suggéra d'inviter au Kremlin pour le soir même les hommes auxquels je venais de rêver et dont certains étaient déjà emprisonnés comme Zinoviev et Kamenev. Je verrais leur réaction mutuelle devant cette invitation surprise.

Je suivis son conseil et, à part Iouri Rastine, et Krantz en mission à l'étranger, ils furent tous là, l'air surpris et emprunté. D'humeur joyeuse, je les fis beaucoup boire, portant d'innombrables toasts, debout, avant que nous passions à table dans la salle à manger d'apparat.

En les voyant pâles et tremblants, échangeant entre eux des regards craintifs et sournois, j'eus l'intuition que mon rêve ne m'avait pas trompé. Tous ces hommes étaient complices. Ils complotaient contre moi et me trahissaient. Pour certains d'entre eux je le savais depuis longtemps. Pour les autres...

Je décidai alors de prendre les devants la nuit même. J'appelai Lavrenti° (Béria, chef du N.K.V.D.) à qui je demandai de faire arrêter toute cette sinistre bande, à la sortie du palais, et de les éliminer sans pitié. »

 
(Lettre d'Andréï Vlassov à Vladimir Kosslowski.)

 
On croit rêver! Ce dictateur sanguinaire qui consulte une voyante pour interpréter ses rêves et fait massacrer légalement son Etat-Major! Quel beau sujet pour Shakespeare! La réalité dépasse toujours la fiction!

 
LE RÊVE DE SADDAM HUSSEIN

« Durant six années, avant de déserter cette dictature d'enfer, je fis partie de la garde personnelle de Saddam Hussein. Avec une centaine de camarades, triés sur le volet, nous étions sous les ordres directs de son fils Kusseï et de Kamel son gendre, chargés de la sécurité rapprochée du président.

A la fin de la guerre contre l'Iran, lorsque les roquettes tombaient chaque nuit sur Bagdad faisant des centaines de morts, Saddam ne dormait jamais plus de deux nuits de suite dans la même demeure. Totalement imprévisible, il pouvait rendre visite à l'improviste à l'une de ses nombreuses maîtresses, et interdisait absolument qu'on le dérange durant son sommeil, même si les Iraniens attaquaient par surprise.

Au bout de quelques mois, je fis partie de ses intimes. J'eus l'honneur d'être appelé plus souvent qu'à mon tour à sa garde rapprochée. Il m'arrivait même de partager son petit déjeuner. Il me faisait goûter avant de le boire lui-même par peur du poison, le fameux lait de chamelle dont il disait que c'était le secret de sa santé légendaire.

 
Trois fois, le même rêve
Or, au cours de ces repas du matin, le président radieux, me raconta trois fois, à quelques jours d'intervalle, le même rêve qu'il avait fait durant la nuit. Le voici, tel que je le notai, impressionné par l'effet surprenant qu'il eut sur le chef suprême du pays:
"Trois serpents me montraient la plaine de Bassorah et les eaux limoneuses du Chott el Arab, qui se déversaient dans le golfe persique. Puis, mille aigles apparurent dans le ciel, planant au-dessus de mille navires descendant paisiblement le fleuve toutes leurs voiles déployées.
Avant d'atteindre son embouchure le fleuve s'enfla devant l'armada, déborda de son lit et submergea les pays alentour. Je vis les eaux déferler du Koweït jusqu'à la Mer Noire et à la Mer Rouge, des déserts d'Arabie jusqu'aux grands lacs d'Afrique et à l'Océan Atlantique, fécondant les terres stériles et fertilisant les sables assoiffés.
Les trois serpents se transformèrent peu à peu en êtres humains et je reconnus en l'un d'eux Assurbanipal qui me dit:
- Va, porte la lance et le sabre jusqu'aux confins du monde. Le Sud t'appartient par-delà les sables du Nadjd et du Hedjaz, reconquiers l'Egypte jusqu'au Sources du Nil. Le second en qui je reconnus Nabuchodonosor m'enjoignit:
- Arme tes navires et chevauche l'aigle assyrien pour la plus grande gloire de notre empire! Chasse les ennemis des terres arabes depuis le Golfe de Guinée jusqu'aux Moluques, de Kazan à l'embouchure du Zambèze!

Le Prophète Muhammad
Le troisième qui n'était autre que le Prophète Muhammad étendit sa main sur moi, dessina un croissant sur mon front et m'ordonna:
- Va Saddam, reprends La Mecque et Médine aux serviteurs impurs, arrache Jérusalem aux Infidèles, rassemble ce qui est dispersé, réunis mes peuples en un seul peuple et donne-lui la souveraineté du Monde!"
Saddam me demanda ce que j'en pensais. Je n'en pensais rien car tout cela me dépassait. Mais, un autre jour, il me fit venir auprès de lui et me regarda longuement jusqu'à ce que je baisse les yeux. Je me sentis très mal à l'aise.
Il me dit:
- Lève-toi Mahar! Tes yeux ne sont plus aussi limpides. Je vois des ombres noires grouiller au fond de tes prunelles!
Il sortit un gros revolver de sa ceinture et le braqua sur ma poitrine.
- Je pourrais te tuer car je sais que tu me trahiras! Je tombai à genoux, complètement paniqué, et le suppliai de m'épargner.
A mon grand soulagement, il rengaîna son arme et s'éloigna d'un pas calme, sans se retourner. Quelques minutes plus tard, un aide de camp m'intima l'ordre de le suivre. Je fus envoyé dans une lointaine garnison dans le nord du pays, une région infestée par des bandes de Kurdes insoumis.
De là, après une embuscade où je fus laissé pour mort sur le terrain, je pus m'enfuir vers la Turquie toute proche.
Je pense que ce sont ses rêves qui lui ont monté à la tête et incité Saddam à envahir le Koweït au risque de déclencher une guerre mondiale. »
Mahar Kassem (Pseudo) (1990)

L'avenir nous dira si ces rêves d'un dictateur n'étaient que le phantasme inconscient d'un désir refoulé, ou un songe que l'Histoire enregistrera comme prémonitoire.

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