POÉSIE GRECQUE CLASSIQUE
SOPHOCLE

sophocle

CHANT DE LA VIEILLESSE

Qui veut jouir de trop d'années,
Et qui veut pouvoir dépasser
Le temps ordinaire de l'homme,
Il me paraît un insensé.
Ce que nous apportent en somme
Plus souvent les longues journées
Ressemble bien à la douleur.

Lorsque le terme est dépasssé,
Ce qui vient n'est pas le bonheur.
Mais la seule vraie guérison,
Quand surgit la Dame fatale,
Sans rondes, lyres ou chanson,
Son vrai nom, c'est la Mort finale.

Ne pas naître est le sort qui tous les autres passe.
Celui qu'ensuite je préfère
C'est, dès qu'on vient à la lumière,
Au séjour d'où l'on sort s'en retourner en hâte.

Quand jeunesse s'en est allée,
Porteuse des vaines folies,
Qui peut jamais s'en délivrer,
Courbé sous mille nostalgies ?
Quels malheurs nous sont épargnés ?
Voici les luttes et les coups,
Les assassins et les jaloux,

Et voici les jours de querelles.
Ah! Mais voici venir surtout
Le mal entre tous ennemi :
C'est la vieillesse sans amis,
Où l'on n'a plus de camarade.
La force a fui avec la joie,
Seul le chagrin auprès de soi
Suit le cortège en camarade.

Sophocle : Œdipe à Colone

CHANT DE L'HOMME

Nombreuses sont les merveilles du monde,
Mais la plus grande des merveilles reste l'homme.
A travers la mer blanchissante,
Il court, le vent du Sud en poupe,
Il va, sous les vagues gonflées,
Dont le bruit l'environne.
Et la divinité qui ne cède à personne,
La terre inépuisable et porteuse de grains,
Au soc de ses charrues chaque année ramenées,
Il l'a usée et retournée
Avec les fils de ses poulains.

Le peuple des oiseaux légers,
Il le capture et l'emprisonne;
Les bandes des bêtes sauvages,
Les tribus marines des vagues,
Dans les replis de ses filets tressés,
Il a cent ruses pour les prendre.
Il dompte aux lacets de ses pièges
La bête fauve des hauteurs et des espaces,
Et sous le double joug il mène
Le cheval au col chevelu,
Et le fier taureau des montagnes.

Et le langage et la pensée ailée,
Et l'esprit poli des cités,
Il a appris à les connaître.
Il sait fuir sous son toit les coups de la gelée,
Et ceux de la pluie importune.
Il est l'Être aux mille ressources,
Et jamais l'avenir ne le prend au dépourvu.
Il sait l'art d'échapper aux maux inguérissables.
Seul le pays des morts peut arrêter sa course.

Sage dans ses moyens,
Inventif au-delà de toutes espérances,
Il va tantôt au mal et tantôt vers le bien.
Quand il est Maître des cités,
Il mêle les lois de sa terre
Aux droits qu'il a juré par les dieux d'observer.
Il n'est point digne de régner,
S'il fait le mal et s'il persiste dans l'audace.
Qu'il ne soit point assis à mon foyer,
Qu'il n'ait point avec moi une pensée commune,
L'homme mauvais.

Sophocle : Antigone

antigone

Traduction : Robert Brasillach


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