Lieux d'aisance
où poser culotte, chier, pisser, déféquer à son aise

Mercier

Louis Sébastien Mercier
(1740 - 1814)
Chier, pisser, ont de tout temps posé problème aux hommes et aux femmes même si l'on en parle moins que de manger, boire ou baiser…

Dans son "Tableau de Paris", Louis Sébastien Mercier revient à plusieurs reprises sur l'état sanitaire de sa ville vers la fin du XVIIIe siècle.

Latrines publiques
Elles manquent à la ville. On est fort embarrassé dans ces rues populeuses, quand le besoin vous presse; il faut aller chercher un privé au hasard dans une maison inconnue. Vous tâtez aux portes et vous avez l'air d'un filou, quoique vous ne cherchiez pas à prendre (01).

Autrefois le jardin des Tuileries, le palais de nos rois, était un rendez-vous général. Tous les chieurs se rangeaient sous une haie d'ifs, et là ils soulageaient leurs besoins. Il y a des gens qui mettent de la volupté à faire cette sécrétion en plein air : les terrasses des Tuileries étaient inabordables par l'infection qui s'en exhalait.

Pisserote
A beau cacher…!
M. le comte d'Angiviller, en faisant arracher ces ifs, a dépaysé les chieurs qui venaient de loin tout exprès. On a établi des latrines publiques, où chaque particulier satisfait son besoin pour la pièce de deux sols; mais si vous vous trouvez au faubourg Saint-Germain, et que vos viscères soient relâchés, aurez-vous le temps d'aller trouver l'entrepreneur ?

L'un se précipite dans une allée sombre, et se sauve ensuite; et l'autre est obligé, au coin d'une borne, d'offenser la pudeur publique; tel autre se sert d'un fiacre ou d'une vinaigrette; il transforme le siège de la voiture en siège d'aisance : ceux qui se sentent encore des jambes, courent à demi-courbés au bord de la rivière.

pisseuse    pisseuse

La célèbre «pisseuse» de Rouen qui inspira Picasso.
Tableau retiré du Musée vers 1970.
Aujourd'hui les quais qui forment une promenade et qui sont un embellissement de la ville, révoltent également l'œil et l'odorat ; il n'appartient peut-être qu'à un médecin de se promener de ces côtés-là: ce serait pour lui un véritable thermomètre des maladies régnantes; il saurait dans quelle saison de l'année les estomacs manquent de ton; et la malpropreté publique tournerait du moins au profit du génie observateur.

Mais les médecins sont devenus orgueilleux; ils ne regardent plus à la chaise percée; ils se moquent même des inspecteurs d'urine. Ils dédaignent avec hauteur une science nouvelle, longuement écrite et grandement caractérisée sur les quais de la capitale.

C'est là où se réfléchit sans voile l'état de tous les ventres actifs et passifs ; et les médecins vont feuilleter les livres poudreux des bibliothèques, tandis qu'ils ont sous les yeux la vraie démonstration des épidémies, occasionnées par la nature des aliments, ou par l'inclémence de l'air.

Et d'où vient ce dédain ? Autrefois ils étaient obligés de voir. On leur demandait plus encore. Voici les propres mots d'un règlement fait par Henri II : « Sur les plaintes (dit le roi) des héritiers des personnes décédées par la faute des médecins, il en sera informé et rendu justice comme de tout autre homicide, et seront les médecins-mercenaires tenus de goûter les excréments de leurs patients, et de leur impartir toute autre sollicitude; autrement seront réputés avoir été cause de leur mort et décès. »

vespasienne       Sanisette

Vespasienne traditionnelle appelée "Tasse" par les Parisiens - Sanisette moderne modèle "Decaux"
Nous ne renvoyons pas les médecins au règlement de Henri II; nous disons seulement qu'ils pourraient faire dans la capitale les observations les plus détaillées, les plus amples, les plus suivies, juger des formes et des similitudes, étudier enfin ces physionomies mortes, mais qui parlent encore.

Si l'on établit quelque jour des latrines publiques, ils regretteront peut-être alors la science expérimentale décédée, qui s'offrait pour les instruire; et si l'on marque dans le Journal de Paris la hauteur de la rivière, l'état du ciel, le vent, le degré du baromètre, pourquoi à ces observations météorologiques ne joindrait-on pas l'état des quais ?

Les endroits où l'on a mis pour inscription : Défense, sous peine de punition corporelle, de faire ici ses ordures, sont justement ceux où se rendent les affairés. L'inscription, au lieu de les écarter, semble les inviter. Il ne faut qu'un exemple isolé pour amener trente compagnons.

pisseuse

Vespasienne discrète au jardin des Champs-Élysées.
Tel est le résultat d'une immense population. Toute séance à table en exige une à la garde-robe; et puisqu'il y a des auberges publiques, pourquoi n'y a-t-il pas aussi des latrines ?

Les personnes les plus propres et les plus délicates, dont l'imagination est toujours fleurie, ne vivant point avec ces hommes impolis, qui satisfont grossièrement les besoins de nature, les repoussant même loin d'elles et de leur société sont obligées néanmoins de communiquer par la vue avec ce qu'ils déposent en plein air. Les excréments du peuple avec leurs diverses configurations sont incessamment sous les yeux des duchesses, des marquises et des princesses.

O quelle moralité n'y aurait-il pas à faire là-dessus ! Mais, quel dommage ! on ne lit plus Rabelais (02). Les femmes sur ce point sont plus patientes que les hommes; elles savent si bien prendre leurs mesures, que la plus dévergondée ne donne jamais le spectacle qu'offre en pleine rue l'homme réputé chaste. Les observations désirées des médecins, si un jour elles avaient lieu, ne pourraient déterminer d'après la notoriété publique dont nous parlons, que les tempéraments masculins; il faudrait recourir ailleurs pour constater celui des femmes.

Feuillee

"Feuillée" militaire ou latrines collectives
Les trois quarts des latrines sont sales, horribles, dégoûtantes : les Parisiens, à cet égard, ont l'œil et l'odorat accoutumés aux saletés.

Les architectes, gênés par l'étroit emplacement des maisons, ont jeté leurs tuyaux au hasard, et rien ne doit plus étonner l'étranger, que de voir un amphithéâtre de latrines perchées les unes sur les autres, contiguëes aux escaliers, à côté des portes, tout près des cuisines, et exhalant de toutes parts l'odeur la plus fétide.

Les tuyaux trop étroits s'engorgent facilement; on ne les débouche pas; les matières fécales s'amoncellent en colonne, s'approchent du siège d'aisance; le tuyau surchargé crève; la maison est inondée l'infection se répand, mais personne ne déserte: les nez parisiens sont aguerris à ces revers empoisonnés.

Belleville

" Célèbre "Tasse" de Belleville
Que ceux qui ont soin de leur santé ne jettent jamais leurs excréments chauds dans ces trous qu'on appelle latrines, et qu'ils n'aillent point offrir leur anus entr'ouvert à ces courants d'air pestilentiels (03); mieux vaudrait y mettre la bouche, car l'acide de l'estomac les corrigerait.

Plusieurs maladies prennent leur origine sur ces sièges dangereux, d'où s'exhalent des miasmes putrides qu'on fait entrer dans son corps.

Les enfants ont horreur de ces trous infectés; ils croient que c'est là la route de l'enfer : telle était mon opinion dans mon enfance. Heureux les paysans ! ils ne se vident qu'au soleil; ils sont frais et gaillards.

Mais chers lecteurs, voulez-vous ne pas contracter de maladies gratuites ? ne vous asseyez point sur ces trous abominables : si vous avez un jardin, que vos déctions se fassent en plein midi, aux rayons du soleil. Le soleil, par sa chaleur bénigne, leur communiquera un phogistique bienfaisant qui remontera dans vos entrailles; et vous, grossiers Parisiens, qui n'avez point de jardins, et qui vivez par étages les uns sur les autres, et sur des planchers composés de plâtre et de minces solives, videz-vous dans un vase d'eau fraîche; les esprits animaux sont encore dans vos excréments : prenez garde, ceci est une loi physique. Raisonnez tout ce qui est du ressort de la santé : il y a une multitude de lois harmoniques.

Eh ! qui de vous voudrait mettre ses excréments encore chauds sur un brasier ardent ? Personne : il sentirait par instinct que le feu pourrait offenser ses entrailles. Eh bien ! il en est de même ici : fuyez, dans une opération journalière, ces cloaques, dont la malignité se resserre dans un tuyau prolongé comme pour en redoubler le venin; fuyez ces couleurs fangeuses, ces odeurs rebutantes.

Comment l'habitude a-t-elle pu émousser en vous cet instinct qui n'abandonne point les animaux, car aucun d'eux ne voudrait faire ce que vous faites ?

Attente

Attente devant l'édicule
Parisiens, qui vivez avec les chats, qui aimez les chats, observez-les, et imitez leur propreté : vous admirez bien leurs amours énergiques; pourquoi ne pas vous modeler sur la leçon de physique qu'ils vous donnent du haut des toits ? Ils vont chercher l'air et le soleil, et puis, avec les pattes éparpillant la poussière, ils dérobent à l'œil ce qui doit être caché.

On a trouvé l'art de désinfecter les fosses : cet appareil consiste en un fourneau de reverbères, au cendrier duquel est adapté un tuyau qui se prolonge dans la profondeur de la fosse, et en aspirant l'air méphitique qui y règne, il force l'air de l'atmosphère de le remplacer (04).

La vidange des fosses, puits et puisards se fait encore et par des pompes anti-méphitiques, et par le procédé du ventilateur. Deux compagnies ont obtenu un privilège exclusif pour ce double procédé et défense à toutes personnes de faire ladite vidange suivant l'ancienne méthode.

Le méphitisme était un fléau endémique: il avait occasionné une foule de ravages dans la capitale; et comme il n'avait pas encore fixé l'attention des naturalistes, le gouvernement ne s'était pas encore occupé de ces événements fâheux. Les puits, les fosses, les latrines avaient coûté la vie à nombre d'infortunés : on les fermait, on les comblait, et les malheureux tombés en asphyxie étaient réputés morts, et l'enterrement suivait de près la léthargie.

Latrines champetres

Chiottes campagnardes
Ce n'est que depuis quelque temps qu'on a appliqué la vertu du feu, de cet agent heureux, et le plus puissant de tous, qui rend à l'air le ressort et l'activité.

Ainsi les puits et les fosses, qui faisaient périr nombre de malheureuses victimes, sont purifiés aujourd'hui : la chimie a su découvrir les causes mortelles de l'asphyxie, et les a combattues avec succès. Des principes certains ont opéré la déméphitisation.

On doit aux chimistes de la reconnaissance, car ils ont sauvé la vie à plusieurs qui auraient péri sans leurs secours. Le feu a la propriété de ramener tous les éléments à leur état de pureté et d'homogénéité c'est par ce moyen, tout à la fois si efficace et si simple, qu'on est parvenu à annihiler le méphitisme.

NOTES
01. Constat parallèle chez Restif :« Les incongruités nocturnes » (177e Nuit). Sur l'évolution des mentalités et des habitudes dans ce domaine, voir Dominique Laporte, « Histoire de la merde », Bourgois, 1978 et R.H. Guerrand, "Les Lieux. Histoire des commodités". La Découverte, 1985. Voir aussi "Les Nuits de Paris", Ire partie, note 46, et VIIIe partie, note 7.

02. Allusion au treizième chapitre de Gargantua, "Comment Grandgousier connut l'esprit merveilleux de Gargantua à l'invention d'un torchecul". Le XVIIIe siècle entérine en général le jugement de La Bruyère qui voit dans Rabelais "un monstrueux assemblage d'une morale fine et ingénieuse et d'une sale corruption".

Sabatier de Castres considère son succès parmi les hommes des lumières comme un succès de scandale : "Rabelais serait actuellement plongé dans l'oubli s'il n'eût pas passé toutes les bornes, moyen assuré d'entraîner la multitude et de paraître merveilleux aux esprits communs." Mais les philosophes du XVIIIe siècle sont lecteurs et amateurs de Rabelais. Voltaire cite le chapitre du torche-cul et Diderot s'amuse à rédiger une lettre au prince Galitsine dans "le ton de maître Franccedil;ois Rabelais". Voir Richard Cooper, "Charmant mais très obscène : some French eighteenth-century readings of Rabelais", Enfightenment essays in memory of Robert Shakleton, Oxford, 1988.

vespasienne

Dernière Vespasienne parisienne proche de la prison de la Santé
03. Qu'ils aillent en revanche aux bains du sieur Alibert : « Là se trouve une douche curieuse, unique en Europe, une douche ascendante, au moyen de laquelle on peut se passer d'une seringue, car un jet d'eau en tient lieu, et par sa force rapide et ascensionnelle, forme un clystère perpétuel » (voir plus loin dans ce tome XI) !

04. L'Académie des sciences avait mis ce problème au concours en 1777 et avait reçu de nombreuses réponses : « Lavoisier préconise la désinfection des fosses par la chaux et l'acide muriatique. Boissieu suggère l'emploi du vitriol martial qui tend à absorber l'air puant et précipite les boues. Cadet de Vaux publie ses moyens efficaces pour neutraliser les émanations qui se substitueront au dispositif à soufflets introduit en 1755 par la Compagnie du ventilateur. Il s'agissait en l'occurrence de rendre respirable l'air dans lequel travaillaient les ouvriers des vidanges. » (Pierre Saddy, "Le cycle des immondices", Dix-huitième siècle, 9, 1977).

Cadet de Vaux place un fourneau au sommet du conduit de ventilation. La compagnie prend le nom de "Compagnie du ventilateur et des pompes anti-méphytiques".

Petite histoire de l'art de poser culotte...
Du progrès dans l'art des chiottes, sanitaires, feuillées, édicules, WC, latrines, tasses et autres méthodes hygiéniques d'évacuer ses humeurs corporelles !

Vallée de l'Hindus

Hindus

Mohenjo-daro
Remontant au IIIe millénaire avant J-C, Mohenjo-daro, fut exploré vers 1920. Elle est considérée comme l'une des plus anciennes cités "organisées" de l'Histoire humaine. On estime sa population à environ 40 000 personnes.

Elle ne fut pas bâtie comme d'autres localités préhistoriques, au hasard de constructions juxtaposées au cours du temps, mais témoigne "dans le tracé de ses rues, la construction de ses maisons, d'une urbanisation réfléchie et planifiée".

Les fouilles ont révélé des habitations comportant un confort inconnu à cette époque, tel des salles de bain, des latrines, un système de drainage des eaux usées, des greniers à céréales, des jarres à huile. Ce fut, semble-t-il, d'après le peu que l'on en sait, une civilisation matriarcale, cultivée, pacifique, sans classe guerrière.

Mohenjo-daro une grande civilisation matriarcale

Égypte ancienne

Akhenaton

Akhénaton
Aménophis IV ou Akhénaton (qui régna vers 1350 av. J.-C.) pharaon mystique, considéré comme hérétique par le clergé traditionnel. Son règne ne fut pas seulement celui d'un réformateur religieux voulant imposer un dieu unique mais aussi l'initiateur d'une esthétique nouvelle.

Il apporta dans ses demeures privées, notamment à Amarna dans la Vallée des Rois, un sens du décor et du confort inconnus jusque là.

Les appartements privés de ses palais sont pourvus d'une salle de bains dallée de marbre, avec un espace réservé à la toilette contenant des jarres pour les ablutions et des latrines aménagées à proximité.

C'était un simple siège aux contours anatomiques, sculpté dans la pierre, avec un trou en forme de clef, disposé au-dessus d'une cuvette pleine de sable prête à recevoir urine et matières fécales mais ce fut une révolution du même ordre que le seront les waterclosets britanniques trois millénaires plus tard.

Latrines akhetaton

Latrine égyptienne d'Akhetaton


Grèce antique et Empire romain

Un des plus anciens témoignage de l'existence de latrines dans la Grèce antique nous a été révélé par les fouilles effectuées dans l'antique cité de Dion, colonie athénienne située entre la Thessalie et la Macédoine, dont on trouve mention dans Hésiode et Thucydide. Elle doit son nom au sanctuaire de Zeus Olympien éevé à proximité.
Commodites Dion

Latrines de Dion
À Éphèse, la rue des Courètes, au centre de la ville, était la voie sacrée qui conduisait au temple d'Artémis. Bordée de vastes demeures ornées de mosaïques, d'une rare élégance, côtoyant un lupanar, des stèles somptueuses, des latrines collectives, un sanctuaire du dieu Priape, de thermes dont les entrailles montrent aujourd'hui encore la sophistication des systèmes de chauffage d'autrefois.
Commodites ephese       Couretes

Latrines de la rue des courètes à Éphèse
Quant aux commodités romaines, elles ont été souvent décrites avec complaisance par les auteurs latins.

L'empereur Vespasien (9-79), qui donna son nom à nos édicules parisiens, nous est davantage connu pour l'impôt qu'il préleva sur l'urine récupérée par les blanchisseurs et les teinturiers romains dans les latrines publiques que pour les autres hauts faits de son règne tels les construction du Temple de la Paix et du Colisée. En effet les linges baignant dans leurs cuves pleines d'une eau coupée de pissat, retrouvaient après rinçage leur couleurs grâce à l'ammoniac contenu dans les urines.

Moqué par ses contemporains pour sa ladrerie, Vespasien répliqua par un mot resté célèbre : « L'argent n'a pas d'odeur ».

Vespasien

Vespasien (An 9 à 79)
Suétone dans sa Vie des douze Césars rapporte que sa dernière heure étant arrrivée, Vespasien fut pris d'une soudaine colique qui le torturait : « Un empereur doit mourir debout ! sécria-t-il en faisait un effort pour se lever, il expira entre les bras de ceux qui l'assistaient

Du progrès dans l'art des chiottes, sanitaires, feuillées, édicules, WC, latrines, tasses et autres méthodes hygiéniques d'évacuer ses humeurs corporelles ! Hygiène sous la Rome antique

Commodites romaines

Commodités romaines

Pompei

À Pompéi, les latrines publiques permettaient de se soulager les pieds au sec, tout en se livrant au plaisir de la conversation. En effet, le pipi et les étrons s'évacuaient discrètement grâce au flot d'eau courante qui les entraînait vers une bouche d'égout. Latrines de Pompéi
 
Moyen-Âge

Latrines moyen-age     Latrine medievale

Latrines médiévales
Après la chute de l'Empire romain les incursions barbares obligèrent les habitants de fuir bourgs et villes pour trouver un refuge précaire dans les campagnes ou les forêts. L'hygiène et les commodités publiques connurent une longue régression. Hormis quelques tentatives locales de remédier aux incommodités et à l'inconfort, notemment dans des monastères fortifiés ou les citadelles imprenables des seigneurs féodaux, il fallut attendre Charlemagne pour qu'un renouveau surgisse.

Le Moyen-âge chrétien inaugura une brillante civilisation spirituelle, secrètement mûrie dans l'ombre des monastères, avant d'éclore en un somptueux feu d'artifice de pierres sculptées, sous la conduite et l'inspiration des confréries de bâtisseurs de Cathédrales.

Autour de l'an 1000, les habitants ayant délégué le soin de les défendre à des seigneurs de guerre, le rétablissement d'une sécurité précaire, incite les hommes à revenir habiter les bourgs et les villes désertés et dépourvus du confort patiemment instauré par les Romains.

Pompei
Dépourvus de toute hygiène élémentaire, les citadins de nos villes et de nos bourgs jettent leurs déchets, excréments, carcasses d'animaux dans la rue ou les rivières.

Les immondices s'évacuaient dans les rigoles des ruelles, qui recueillaient au petit jour le contenu des pots de chambre.

À cette époque, Paris pue. Ses rues sont boueuses, sales et nauséabondes. Pourtant, les gens sont contraints de boire l'eau de la Seine.


plan ville
Si de nombreuses maisons ont des latrines placées au grenier, leurs déjections n'étant pas évacuées vers une fosse d'aisance, elles s'écoulent directement dans la rue ou la rivière… comme le montre cette gravure d'une ville allemande.

Pourtant des conseils d'hygiène ne manquent pas et les gens qui ont quelques moyens se baignent dans des étuves (bains publics) parfois luxueux.

Puis vint Philippe-Auguste
(1165 - 1223)

Philippe-auguste

En 1185, ne supportant plus l'odeur de sa ville, Philippe Auguste édicte des règlements pour remédier à son manque d'hygiène.

Il ordonne de paver les rues principales pour les assainir. Obligation de nettoyer une fois par semaine le devant de sa maison. Interdiction de laisser traîner les ordures et les déchets. Il fait creuser des canaux et des fossés centraux - ancêtres de nos égouts - pour purger certains quartiers de leurs immondices. Il exige d'établir dans tous les quartiers des puits à déchets, appelés "trous punais ", où chacun, artisan ou particulier, doit déverser ses détritus pour les enfouir.

Mais malgré ces dispositions les habitants ne respectent guère les règlements !

Peste noire

Peste noire
Le refus de porter les déchets aux endroits prévus et continuent à polluer la Seine ce qui entraîne des épidémies de peste. La plus importante, la Peste Noire de 1347, fit des millions de victimes en Europe.

A cette époque, les gens pensent que c'est l'odeur des déchets qui rend malade. Ils ignorent l'existence des bactéries qui grouillent dans ces ordures !

Seuls les nombreux cochons, les volailles et les rats vivant librement dans la rue ne semblent pas souffrir et nettoient quelque peu la ville en dévorant les ordures !

Pot de chambre
Pourtant, le Moyen-âge a souvent été calomnié par des auteurs mal informés. Les recherches historiques modernes lui rendent aujourd'hui justice.

Après la civilisation romaine qui privilégia la conquête guerrière et l'organisation d'un État centralisé, à laquelle succéda une période d'obscurantisme, la civilisation chrétienne offrit une è,re de profonde spiritualité.

Aux 12e et 13e siècles on ne construisait pas un lieu d'habitation, château ou maison, sans ses commodités, moins répandues à l'époque suivante ravagée par les guerres de religion. Et, si l'on en croit les peintres et les poètes du temps, les mœurs étaient loin d'être prudes.

latrine ottomanes

Latrines ottomanes

L'Islam apporta pour sa part à l'Europe méridionale ruinée par les invasions barbares, le raffinement de sa civilisation. Les prescriptions coraniques étaient très pointilleuses quant à l'hygiène. Les "salga" ou "salanga" (toilettes) et les "chalka" (fosses d'aisance) se répandirent jusqu'en Espagne à la suite des armées musulmanes.

Les commodités

« Au XIVe siècle, le papier est rare, cher et épais et on est encore loin de s'en servir pour s'essuyer le derrière.

Un extrait des comptes de dépenses de Charles VI datant de 1398, nous fixe sur ce point délicat. On y lit qu'on a acheté pour les augustes fesses du duc de Berry « du coton et quatre livres d'étoupe ». Celle-ci, partie la plus grossière de la filasse, et ordinairement issue du chanvre ou du lin.

Chacun a ses préférences mais en général, dans les demeures des riches et des grands, on penche pour le lin. C'est le cas du roi lui-même qui « n'acquiert pour son usage particulier que d'estoupes de lin ».

Le petit peuple, lui et encore pour longtemps, reste fidèle au culte de la nature qui pourvoit à ses besoins. La chose est possible, au moins durant l'été, et l'on se transmet de génération en génération des refrains qui subliment l'emploi des feuilles de marronnier comme torche-cul.

Mais l'hiver comment font les pauvres gens ? Selon la formule du temps, « ils sortent souvent chemises dorées ». Au XVe siècle, une certaine égalité commence à naître dans le domaine du torche-cul entre nobles et roturiers fortunés. L'usage du papier se répand peu à peu partout, en partie lié à l'accroissement du nombre des clercs et des copistes. François Villon témoigne d'une estime particulière pour le papier et ne semble pas envisager que l'on puisse se servir d'autre chose. » Source : Au fil des jours
 

Bains
Au temps des troubadours hommes et femmes festoyaient face à face dans leurs baignoires, au son de la musique. Entre deux agapes on allait faire l'amour dans un cabinet attenant et on revenait festoyer !
Hygiène au Moyen-Âge

 
Renaissance

Vie quotidienne

 
De la Royauté absolue à la Révolution

 
Les porteurs de garde-robes
Vers 1763, Gontran Peaupot, industriel dans le textile, avait soumis à M. de Laverdy, lieutenant de police, un projet sans doute emprunté à Swift qui, dans son ouvrage intitulé Le grand mystère de méditer sur la Garde-Robe (1729), proposait de faire bâtir et entretenir des latrines publiques dans la cité de Londres.

Peaupot, le bien nommé, voulait aussi établir « des brouettes à demeure, à différents coins de rues, où il y aurait des lunettes qui se trouveraient prêtes à recevoir ceux que des besoins urgents presseraient tout à coup ».

Cette idée ne reçut pas l'accueil bienveillant qu'elle eût mérité de la part d'un édile attentif au bien-être de ses administrés, car elle ne fut réalisée que huit ans plus tard, par un autre lieutenant de police.

M. de Sartines fit disposer « des barils d'aisance à tous les coins de rues, pour prévenir les amendes et les punitions corporelles dont on est menacé chez tous les gens de crédit, qui ont l'inhumanité de défendre au public, de par le Roy, de satisfaire aux besoins naturels ». (Le Gazetier cuirassé, 1771.)

M. de Sartine

Antoine de Sartine, lieutenant général de police au XVIIe siècle
Les barils de M. de Sartines obtinrent un succès mérité, mais on trouva, non sans raison, qu'il n'avait pas songé à tout, et que sa pensée demandait à être complétée.

Elle le fut vers 1780. « Un particulier imagina une garde-robe ployante ; il se promenait dans les rues en robe de chambre, tenant sous son bras sa garde-robe ; de temps en temps il criait : « Chacun sait ce qu'il a à faire ! » et il faisait payer quatre sous par séance.

C'est un proceédé à peu près analogue dont M. de Cadet de Gassicourt fut teémoin à Vienne, et qu'il deécrit en ces termes : « Un usage fort bizarre consistait à entretenir la propreté dans les rues de Vienne. Quelques spéculateurs philanthropes avaient imaginé de se tenir près des places et des édifices publics, dans des lieux écartés, avec des seaux de bois couverts et un grand manteau. Le seau servait de siège, et le manteau, cerclé dans sa partie inférieure, s'éloignait assez du corps de celui qui le portait, pour permettre au client de se deébarrasser sans eêtre vu des veêtements particuliers qu'il devait écarter. Deux kreutzers eétaient le prix de cette location momentanée. »

Malheureusement, les hommes n'ont jamais su apprécier le progrès. L'un de ces garde-robes pouvait bientôt dire :

Avec un long manteau j'allais par cette ville
Et portais deux grands seaux où l'on pisse debout;
Mais, voyant aujourd'hui que l'on peut chier partout,
Je ne m'en mêle plus; l'office est inutile.
Grégoire Varennes dans son amusant Journal d'un Coupeur de Têtes, publié à Londres, raconte comment la ravissante Justine de la Mole arrachée de son couvent à l'âge de quinze ans sauva sa tête et sa vertu en se mettant au service de la Mildiou, ancienne harengère devenue mère maquerelle.
Justine de la Mole
Cette forte femme au verbe haut était protégée par un membre éminent du Comité du Salut Public auquel elle fournissait des filles.

Justine souhaitant conserver son pucelage jusqu'à des jours meilleurs, supplia la matrone de l'utiliser auprès de ses relations haut placées comme « officière volante de garde-robe particulière ».

Sa mission, consistant à permettre à ses pratiques d'uriner ou de déféquer discrètement au cours de leurs déplacements, connut tant de succès, qu'elle devint en quelques mois une célébrité et que nul haut-de-chausse ou culotte républicaine, n'échappât à son habileté.

porteuse
Porteuse de seau hygiénique

Commodités modernes

Dès le XIXe siècle le confort des habitations connut un progrès constant.

Ce sont les Anglais qui furent à l'origine de cette vogue reprise et imitée dans tout le monde civilisé.

La petite histoire dit que ce fut le poète satirique John Harington, l'un des 102 filleuls de la reine Élisabeth Ie d'Angleterre, qui installa la première chasse d'eau dans les toilettes de sa maison de Kelston dans le Somerset.

Au cours d'une visite à son filleul, la reine séduite par son système l'adopta pour sa demeure de Richmond Palace.

Harington publia un livre sur son instrument, intitulé The Metamorphosis of Ajax, mais certaines allusions politiques de son ouvrage le firent bannir de la Cour.

Public toilet
En 1858, un été particulièrement chaud et sec le niveau de la Tamise baissa tant qu'elle ne charria plus qu'un flot d'immondices qui inquiéta les autorités.

Quelques jours après le pic cette Grande Puanteur, le Parlement vota une loi débloquant les crédits nécessaires à la construction d'un réseau d'égouts, premier pas vers la révolution sanitaire.

A Paris les premiers urinoirs publics et gratuits apparaissent en 1834 à l'initiative du comte Claude-Philibert de Rambuteau, préfet de la Seine, sous les quolibets de l'opposition qui baptise l'édicule « colonne Rambuteau. » Il en fait installer quatre cent soixante-dix-huit sur les trottoirs de la ville.

Rambuteau
Comte Claude-Philibert de Rambuteau

De la Ginette à la Pissotière (terme en usage dans la marine), le populo trouva cent expressions diverses pour qualifier l'instrument qui essaima à travers la ville et se répandit dans le monde entier.

Le Préfet aura le dernier mot en les appelant « vespasiennes » en l'honneur de l'empereur romain qui avait créé le premiers urinoirs publics à Rome.

Pendant un siècle et demi on vit fleurir dans Paris et les villes de province d'innombrables Vespasiennes de formes diverses mais toujours réservées à l'usage des hommes.

Pour leurs besoins, les femmes furent longtemps moins bien servies et il leur fallut attendre plusieurs décennies avant de voir apparaître des chalets de nécessité prévus à leur usage.

Vers 1980, à Paris, la «sanisette» (marque déposée) remplaça progressivement les vespasiennes qui finirent à la casse, rejoignant soit des collections privées soit le cimetière des "tasses" dans une lointaine banlieue.

cimetiere
Cimetière de Vespasiennes

Wikipedia : Toilettes

 
Toilettes étranges


   

   

Latrines exotiques

   

Latrines flottantes sur le Mékong – Birmanie maison sur pilotis avec WC

 
Commodités au-dessus du vide en Sibérie

 
Urinoir en Inde

 
Commodités dans l'espace

   
Toilettes fonctionnelles et "aspirantes" dans la Station spatiale internationale
Pour la "Grosse commission" et la "Petite commission"

 
2.4 milliards de personnes
sur terre vivent sans toilettes

La bataille de l'hygiène, de l'accès à l'eau pure et à des lieux d'aisance décents n'est pas gagnée. En 2001, l'«Organisation mondiale des toilettes» proposait le "19 novembre", jour de sa création, comme journée de commémoration mondiale des toilettes pour attirer l'attention des médias. Selon la directrice générale l'O.M.S. il y aurait aujourd'hui sur la terre 2.4 milliards de personnes qui vivent sans toilettes. Pourquoi 2,6 milliards d'exclus
Ce qui ne semble pas le cas en Russie, où lors des Jeux Olympiques d'hiver à Sotchi il existait pour les athlètes de confortables commodités à deux places !


Des mots pour le dire

Quelques sites pour le comprendre :

Wikipedia : Toilettes
Petits endroits privilégiés qui ont inspiré nos poètes
Vespasiennes
Toilettes insolites
Mercier Tableau de Paris (I)
Mercier Tableau de Paris (II)

 

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