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Une vie sans importance

 

  Souvenirs d'un inconnu

GENTHOD
L'ADOPTION

Genthod
(Photo de Marc Schweizer)


 





058 - Les corvées

 
A Genthod, la vie s'écoulait douce et très agréable. Nous ne nous ennuyions jamais. Certes, il y avait les corvées ménagères, le désespérant parquet fraîchement encaustiqué qu'il fallait passer au bloc, l'aide au jardin, le ramassage du bois mort en forêt l'hiver, des glands, des marrons et des feuilles mortes en automne, le désherbage. Mais tout cela était bonheur pour moi, faisait partie intégrante de la vie, me permettait, une fois le travail accompli, de m'échapper vers la liberté, les copains, l'aventure.
Quelques images. Un hiver, Hänseli attelé au tombereau. Nous allons ramasser du bois dans la forêt de Versoix. Le retour, fourbu mais heureux de notre chargement sur les chemins de terre gelés à travers les champs couverts de givre.
Mais la honte aussi lorsque Maman me signalait que le cheval des Stadler avait crotté sur la route. Je savais ce que cela signifiait. Avec une pelle et un seau, j'allais ramasser le crottin avec la peur au ventre d'être surpris dans cette besogne. On avait beau m'expliquer que le crottin de cheval tendait les rosiers beaux, j'avais honte.
Même si cela ne l'enchantait pas toujours vraiment, chaque enfant trouvait normal d'aider ses parents et même d'aller aider les voisins. Ainsi les vendanges étaient une véritable fête où la fatigue ne comptait pas. La traditionnelle cérémonie du foulage au pressoir communal venait nous récompenser suffisamment du travail accompli.
C'était un honneur et un privilège d'aller, pieds nus, par groupes de trois ou quatre garçons et filles, piétiner en chantant les grappes juteuses. Et quel délice de boire le moût sucré qui dégoulinait sur le menton et donnait la déripette !
La cueillette des cerises, des pommes, les foins, les moissons étaient davantage des fêtes que des corvées.
Ah ! que les larges et épaisses tartines de pain frais couvertes de beurre, de confiture ou de gruyère étaient délicieuses lors de la pause. Et le jus de pommes pasteurisé, ce vin de notre enfance, qu'il avait bon goût. Et la limonade, la vraie !
La chasse aux corbeaux à l'aide de fronde ou d'arcs en noisetier, les flâneries sur le lac en barque à rames, la pêche à la perchette, étaient nos loisirs préférés.
L'hiver c'étaient les descentes en luge sur les routes verglacées du village, le patinage sur l'étang gelé de M. Wenger, le maire de la commune, les batailles de boules de neige, et, à la montagne, l'apprentissage du ski. 

060 Douce et brutale avant-guerre

Bien des anciens avouent aujourd'hui leur nostalgie de leur jeunesse d'avant-guerre. Mais n'en est-il pas ainsi à chaque époque, de tous les anciens ? Car, même s'il en a bavé, l'homme préférera toujours son ardente et romantique jeunesse à la vieillesse souvent poussive, presque toujours égrotante, encombrée de souvenirs doux-amers. Je vais essayer de faire le point de ce qui a changé, en mal, ou en bien.
Jadis régnait une certaine douceur de vivre. Les gens se parlaient, s'entr'aidaient, ne vivaient pas sous leur casque ou devant la télé. A la maison et dans la rue, tout le monde chantait, même au travail. Au passage d'une jolie fille les ouvriers du bâtiment sifflaient. Le sifflement de jadis représentait l'audimat d'aujourd'hui. Sauf les riches, les gens ne fermaient pas leur porte à clé ou bien la laissaient sous le paillasson. Dans les villes, en France du moins, les w.c étaient sur la palier et souvent, l'unique point d'eau du logement aussi. Les salles de bains étaient rares. Les gens se lavaient moins. Certains puaient. Le peuple allait aux bains publics une fois par semaine. Le métro sentait fort la sueur humaine et les corps mal lavés. La machine à laver le linge ou la vaisselle, le réfrigérateur, le chauffage central étaient rarissimes. Les riches avaient plusieurs domestiques, les petits bourgeois se faisaient aider pour les gros travaux.
Seuls moyens d'information la radio et les journaux. Les gens, même pauvres, lisaient beaucoup. Bien davantage qu'aujourd'hui. On ne jetait jamais un livre, une revue intéressante ni un morceau de pain.
Les voitures roulaient moins vite qu'aujourd'hui. Les trains également. On mettait de 12 à 14 heures de Genève à Paris. Rome était à vingt-quatre heures de Genève. Les autoroutes étaient rares, sauf en Allemagne et en Italie.
Les gens voyageaient peu. Paris, Londres, Rome ou Berlin étaient des cités lointaines, inaccessibles sinon par les livres d'image ou le rêve. Ainsi le rêve de mon père était de visiter Rome et de voir le Saint-Père au balcon de Saint-Pierre. Il ne l'a pas réalisé.

062 - Fascination de la poule

Habile de ses mains, mon père savait tout faire, mais il n'aimait pas le travail bâclé. Il était précis et méthodique dans toutes ses entreprises. Econome aussi, mais pas radin. Aussi, quand il voulait  réaliser un projet d'envergure, s'entourait-il toujours de personnes compétentes, de véritables professionnels. Il en alla ainsi pour la construction de la serre de notre jardin, du poulailler, de l'étable, de la petite piscine... Il aimait particulièrement travailler le bois. Quand il ne savait pas faire, il faisait appel à un spécialiste et troquait son savoir-faire contre le sien.
L'élevage des poules était une véritable passion. Il en collectionnait de toutes les espèces, de la blanche Leghorn  à l'imposante rousse du New Hampshire en passant par les jolies poules naines de Calédonie. Il savait tout d'elles et m'apprit comment les nourrir, les élever, les endormir avant de les tuer, puis les plumer...
Lorsqu'il avait choisi la bête à sacrifier pour le repas, il la saisissait au moment où elle s'applatissait en signe de soumission. Repliant alors brusquement sa tête sous l'aile en maintenant son pouce appuyé sur la carotide, il la faisait tourner rapidement à bout de bras, avant de l'amener vers le billot. L'animal en état d'hypnose, ne bougeait plus. Mon père m'invitait à le tenir, et ramenant la tête de l'oiseau insensibilisé de dessous l'aile, il  l'allongeait sur le billot avant de lui trancher le cou d'un coup de hache précis. Le sang jaillissait de la blessure, et la poule décapitée s'envolait ce qui nous faisait rire... bêtement.
Je courais ramasser la poule désormais sans tête et l'amenais à maman qui prenait la relève.
Avant de vider l'animal, elle le plumait encore chaud, mettant à part le précieux duvet dont elle fourrera l'hiver venu, coussins, couettes ou édredons. Mon père me montra aussi comment hypnotiser une poule en traçant une ligne sur le sol devant sa tête... ou d'endormir un animal en le fascinant du regard, d'un geste lent et d'un sifflement monocorde.
J'épaterai souvent des amis citadins en exécutant ce truc sous leurs yeux ébahis, lors de promenades à la campagne. Un jour je tente d'en faire autant avec un chat qui me griffe, un chien méchant qui s'assoupit, un petit camarade qui s'écroule et que je crois avoir tué.

Ramassage et corvées

L'automne et l'hiver nous allions avec mon père dans les bois de Versoix ramasser le bois mort. A la carriole étaient toujours suspendus un ou deux paniers un ou deux paniers pour les extras : crottes de cheval précieusement récoltées sur la route, glands, châtaines ou marrons, pommes de pin, champignons tardifs ou plante rare. Nous attelions Hansi à la carriole et nous voilà en route pour l'aventure. J'avais toujours des questions, des plus sottes aux plus intelligentes, à poser à mon père. Il n'avait pas réponse à tout. Souvent, il me disait que nous étudierions le problème au retour, en étudiant les livres appropriés.
Un arbre ou une herbe inconnus, une feuille tombée affligée d'une verrue, un insecte égaré, une pierre, un oiseau tombé du nid, tout était matière à questions.
Et puis parfois, au plus profond de la forêt,  le bonheur nous était donné d'observer à loisir un cerf hautain, de voir fuir au loin une biche craintive ou un sanglier grognon. Mon père avait l'art de rendre passionnant la moindre brindille.

064 - Tante Fanny

Maman vivait en perpétuelle compétition avec sa sœur Fanny. L'autre, la diaconesse ne comptait pas.
Belles toutes deux, énergiques, sûres d'elles, un peu "suffragettes", elles passaient leur temps, lorsqu'elles se retrouvaient, à se disputer.
Fanny vivait à Zürich, adorait les Grisons et le Tessin où elle passait ses vacances.
Laborantine de formation, elle travaillait en indépendante. Elle disposait d'un appartement Bellevue Platz au centre de la ville, avec vue sur le lac. Ce n'était qu'une grande pièce avec un coin bureau, la cuisine servant de laboratoire et l'alcôve-salle-de-bains WC de chambre d'amis. Elle-même vivait Seefeldstrasse, dans un joli appartement de célibataire indépendante et artiste.
Très inventive, elle avait mis au point dans sa cuisine, dans les années 30, l'une des toutes premières crèmes à bronzer sans soleil qu'elle mettait elle-même en tube, étiquetait et vendait aux pharmacies, dans l'Europe entière, sous le label "Sunwonder". Elle passait des heures à chercher de nouvelles crèmes à base de plantes pour protéger la peau, pour lutter contre les effets pernicieux du soleil et éviter un bronzage excessif. Une de ses trouvailles fut à la base de sa fortune: une crème de protection solaire, aujourd'hui connue dans le monde entier dont elle avait mis au point la formule.

Un petit train romantique

Un jour d'août, ma mère m'emmena voir sa sœur Fanny en villégiature au Tessin. Ce fut une petite expédition. Le train longeait d'abord le lac Léman, remontait la Vallée du Rhône et traversait le tunnel du Simplon.
Un petit train romantique et à vapeur reliait alors Domodossola à Locarno par les Centovalli (les cent vallées). Ma mère, je l'ai déjà dit plaisait beaucoup aux hommes. Le conducteur de la locomotive se retournait souvent sur elle, lui jetant des œillades enflammées.
Le paysage était magnifique. Petits villages charmants blottis autour de leur église, cernés par les vignes. A un moment donné, en plein vignoble, le conducteur arrêta son convoi en rase campagne, laissant la locomotive haleter et, sautant du véhicule, alla marauder quelques grappes de raisin blanc, bien doré, cueillit quelques roses au passage, et les apporta à maman avant de tirer sur la manette de la sirène d'alerte, dont l'écho répercuta le gémissement loin dans la montagne.

Admiratrice d'Hitler

Une autre fois, Fanny devait venir nous rendre visite à Genthod. En voiture. Comme c'était un dimanche, j'allai, après le prêche, l'attendre sur la "route suisse", à la sortie de Versoix. Je l'attendis durant deux heures, sous le soleil, sans m'ennuyer.
Lorsqu'elle apparut, dans sa belle décapotable, vêtue d'une robe blanche encore malgré la poussière de la route, je lui fis de grands signes de la main en criant de joie.
Tante Fanny qui ravitaillait Eva Braun et Leni Riffenstahl en crèmes de sa composition, admirait Adolf depuis toujours. Elle avait même eu le privilège d'être reçue à Berchtesgaden et de voler, lors de sa croisière inaugurale, à bord du fameux DO X.
La plupart de mes camarades romands et moi même souhaitions la victoire des Alliés. Ma famille admirait l'ordre allemand. Mais au fond nous parlions très peu de politique entre nous et les tourments et les fracas de la guerre nous parvenaient très feutrés. 

066 Les rapports parents-enfants

Bien que mes parents eussent toujours montré une grande réserve de sentiment à mon égard, je ne souffris pas trop de ce manque de tendresse. D'ailleurs, cette retenue, cette pudeur étaient générales autour de moi. Nous ne connaissions pas ces marques d'effusion théâtrales, ces baisers appuyés, ces embrassades bruyantes que je trouverai plus tard en France. Aussi, lorsque des personnes étrangères m'embrassaient avec exubérance je trouvais cela dégoûtant.
Au fond nous jouissions d'une grande liberté à condition d'obéir sans rechigner aux injonctions des adultes. Souvent c'étaient des étrangers qui nous gâtaient, nous offraient des friandises, des sous, sans que nos parents s'offusquent et ne crient au pédophile.
Simplement, nous étions mis en garde de ne jamais accepter cette sorte de familiarité hors de leur présence, de ne pas suivre un inconnu.

068 La politesse 

Les messieurs pinçaient les fesses des filles, - ça se faisait même chez les bourgeois, et je me souviens d'une actualité filmée où l'on voyait le prince de Galles pincer la fesse de la future reine d'Angleterre, ce qui ne choquait personne et nous faisait pouffer de rire.
Dès le plus jeune âge nous apprenions à ne pas cracher dans la rue, à céder notre place dans le train ou l'autobus aux adultes, à ne rien jeter à terre, à enterrer les détritus d'un pique-nique ou à les ramener à la maison.
Les rues étaient propres, la campagne aussi, les lacs et les cours d'eau à peu près vierges de pollution sauf aux alentours des papeteries, des tanneries, des abattoirs et de quelques autres industries polluantes.
Au Creux-de-Genthod, on distinguait le fond du lac jusqu'à dix-huit mètres de fond, et il n'était pas rare de surprendre d'impressionnants brochets flaner entre les hautes algues des profondeurs. Une des merveilles de la Suisse d'alors était le lac Bleu (Blausee) dans l'Oberland bernois. On l'atteignait à pied, après une bonne marche. Il offrait aux touristes pédestres d'alors le tableau magique des milliers de truites qui le peuplaient nageant à travers la parfaite transparence de son eau d'un bleu très pur. J'y suis retourné il y a quelques années. L'horreur. Des dizaines de cars et des centaines de voitures déversaient auprès de ce joyau un troupeau de touristes veules et braillards venant admirer un lac pollué, des truites malades, et ripaillant au milieu des papiers gras.
Aujourd'hui on fait de grands efforts pour remédier à cela. Un peu tard, mais on le fait.

Un merveilleux hiver

L'hiver nous allions patiner sur les étangs et les lacs gelés. L'étang du maire de Genthod servait de patinoire aux enfants du village.
Je me souviens de mon enthousiasme le jour où mon père nous condusit avec mon cousin Albert, rendre visite à notre grand-tante, mère supérieure du couvent d'Einsiedeln dans le canton de Schwyz. Après un déjeuner frugal et silencieux en présence des religieuses, dans une salle à manger impressionnante, on nous laissa glisser en toute liberté sur le lac de Sihl entièrement gelé. La surface rugueuse par endroits nous empêchait de prendre trop de vitesse, mais quelle ivresse de parcourir des kilomètres en patin.
La même année, le lac de Neuchâtel entièrement gelé lui aussi, nous permit une partie de pêche mémorable. Au milieu du lac, des pêcheurs perforaient la couche de glace épaisse de près d'un mètre pour y installer des lignes de fond permettant de pêcher des brochets, des silures ou d'énormes truites de lac.
A Genève, au cours de cet hiver rigoureux, la baie gela entre les jetées, emprisonnant de malheureux cygnes pris dans la glace. La plupart, avaient réussi à gagner les eaux libres du petit lac. Spectacle étrange, certains de ces nobles oiseaux étaient allés se réfugier on ne savait comment, dans les branches des platanes du quai des Eaux-Vives, que la taille annuelle avait rendus à l'état de moignons...
Fait unique et inexpliqué, le petit port de Versoix offrait la particularité au cours de cet hiver rude et glacial, d'attirer des centaines de milliers de poissons à l'abri de sa rade.
Durant quelques semaines, des dizaines des pêcheurs dont j'étais venaient, bravant le froid intense, emmitouflés comme pour une expédition polaire, serrés sur les pavés de la jetée glissante, bénéficier de pêches miraculeuses.
Durant plus de dix jours, nous mangeâmes tous les jours de la friture de poissons, sans nous lasser.

072 - Mon chêne

Au milieu de notre jardin se dressait un grand chêne contre le tronc duquel mon père avait aménagé un abri de jardinage où il remisait ses outils. C'est sous sa frondaison que nous prenions nos repas. A quatre mètres de hauteur, entre les trois branches maîtresses, je m'étais aménagé une cabane à la fois mon refuge et mon royaume.
L'arbre devenant trop haut, portant de l'ombre à la maison, un élagueur vint en retrancher un bon tiers ne laissant que le tronc avec le moignon des trois maîtresses branches. Pour moi ce fut une véritable souffrance. Jamais, depuis ce crime, je ne puis voir sans un sentiment de révolte la mutilation ou la mise à mort d'un arbre.
Mais l'arbre cicatrisa vite. Dès le printemps de nombreux rejetons lui redonnèrent une certaine tournure sans lui rendre son allure royale. A présent c'était une tour, un donjon de feuillage, que ma cabane de planche couronnait.
Quelques années plus tard, écoutant la chanson de Brassens Auprès de mon arbre, j'étais ému jusqu'aux larmes au souvenir de mon chêne.

073 - Je conduis Barbette au bouc

Ma jolie petite chèvre blanche étant en état de procréer mes parents me confièrent le soin de la conduire chez le père Walser, un vieil homme grognon qui possédait un bouc.
Il vivait reclus dans une sorte de grange aménagée, loin de toute habitation, avec son troupeau de chèvres et Hansel son bouc.
L'animal répandait loin à la ronde une puissante odeur génésique qui émoustillait les chèvres en chaleur mais incommodait le voisinage. Aussi le père Walser vivait-il seul, en autarcie, avec pour seuls revenus la vente des légumes de son jardin, des fruits de son verger, de ses délicieux fromages et la redevance versée pour les saillies de son bouc.
Je me souviens de cette matinée ensoleillée comme si c'était hier.
A pied, un bâton de coudrier dans une main, serrant bien fort la lanière de cuir retenant Barbette de l'autre, je cheminais fièrement sur la route poussiéreuse qui conduisait chez le père Walser.
Quelques rares promeneurs me saluaient avec humour :
"Alors Boubi, on mène la chevrette au bouc!" ou encore: "Fais attention à tes fesses, qu'il ne se trompe pas, le vieux Hansi".
A l'approche de la forêt, les remugles de l'animal empuantissaient, en longeant l'enclos, Barbette devenait nerveuse. J'avais de la peine à la tenir. Elle esquissait des cabrioles, poussait de petits gloussements.
Walser s'avança rapidement à ma rencontre, sa canne ferrée à la main, me criant :
"Donne-moi vite ta corde, sans ça ta gamine va s'échapper..."
Le vieux sentait aussi fort que Hansi.
Il me prit la lanière de la main et Barbette l'entraîna aussitôt vers l'entrée de l'enclos.
Là, je me souviens de l'horreur que je ressentis à la vue de ma jolie Barbette, élégante et blanche, allant joyeusement à la rencontre de l'affreux, ignoble, dégoûtant monstre cornu qui ressemblait au diable des manuels religieux.
Le vieux Walser jouissait visblement devant cette scène obscène. Les yeux exorbités, la main dans son pantalon - je pensais qu'il se grattait,- en fait il se branlait - la bouche ouverte. Un faune lubrique. Aujourd'hui, avec le recul, je pense que le vieux s'imginait à la place de son bouc en train de sauter une jolie fille consentante.
J'assistai à la scène, pétrifié. Je me souviendrai longtemps de la longue mentule d'un rose luisant dont le bouc saillit ma mignonne. Je remis les cinq francs au vieux et repartis très vite, dégoûté.
Barbette ne sera jamais plus ma petite chèvre préférée, même lorsqu'elle accouchera de trois jolis cabris...

Juillet 2000 Emil Benz


 
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