Jean-François Berger

LE PROBLÈME TZIGANE

Rom-Flag

 
Témoignage
Qu'ils soient Gitans, Manouches, Sintis, Bohémiens ou Romanichels, les Tziganes ont en commun la culture nomade, un certain art de vivre, une origine lointaine (le nord-ouest de l'Inde) ainsi qu'une même langue, le romani.

Leur pénétration en Europe, à partir du 14e siècle, s'est faite au cours de grandes migrations.

Camp
Romani
Une arrivée importante de Roms en Europe de l'Ouest survint lors de la chute de l'empire soviétique.

Au temps de la Renaissance, les Tziganes étaient une communauté très prisée par les cours européennes en raison de leurs qualités d'agilité, de mobilité. Cavaliers hors-pair, guerriers infatigables, artisans habiles notamment forgerons, ils étaient toujours là où l'on avait besoin d'eux.

Leurs danses, leur musique, leur artisanat, leurs devins étaient fort appréciés et ils jouissaient d'une grande tolérance et liberté.

Camp
Bohémienne par Bouguereau
Mais avec la diffusion de l'imprimerie, la prédominance des clercs, leur ignorance de l'écriture, leur statut se déprécia au cours des siècles et les Tziganes s'appauvrissant, leur présence en Europe, fut marquée par l'exclusion et la répression.
Une histoire problématique
À peu près tout ce qui touche à la mémoire des Tziganes est incertain, du fait que leur culture demeure essentiellement orale.

Les estimations de la population tzigane dans le monde font état d'environ quatorze millions d'individus, dont plus de dix millions en Europe, la majeure partie de ces derniers - autour de six millions - résidant en Europe de l'Est, ce qui en fait la plus importante minorité.

Originaires de l'Inde, les communautés tziganes ne revendiquent ni territoire ni souveraineté politique - aspirant essentiellement à une reconnaissance de leur existence nomade et des droits qui y sont associés.

Très fragmentées géographiquement et culturellement, leur manque d'unité au niveau de la représentation internationale est notoire.

C'est certainement la principale raison de leur sous-développement.

Les Tziganes ou Roms - terme qui signifie "homme accompli et marié au sein de la communauté" en romani, la principale langue tzigane - comprennent divers groupes tels que les Kalderash (du mot roumain kladerash signifiant chaudron), les Lovara (du mot hongrois lov signifiant cheval), les Sinti, les Manouches, les Gitans du sud de la France et d'Espagne.

Ils n'ont pas de religion spécifique, mais perpétuent des rites qui leurs sont propres et s'adaptant le plus souvent aux diverses religions des pays dans lesquels ils sont établis. Ainsi le Pèlerinage aux Saintes-Maries-de-la-Mer.

Saintes-Maries
Procession aux Saintes-Maries-de-la-Mer (Photo Patrick Roux)
À la fin du XIXe siècle, en France, "les nomades", puisque c'est ainsi qu'ils sont désignés, inquiètent sérieusement les pouvoirs publics.

Le nomadisme des Tziganes pose en effet un problème au ministre de l'Intérieur et aux autorités préfectorales qui ne peuvent exercer sur eux le moindre contrôle.

Mis à l'index, ils sont qualifiés d'asociaux indésirables, voleurs et paresseux, coupables de propager des maladies (choléra et typhus).

De plus, après la guerre de 1870, ils sont aussi accusés d'être des agents au service de l'Allemagne…

En 1895, selon un recensement du ministère de l'Intérieur, 450.000 individus sillonnaient les routes de France, dont «25.000 nomades en bande voyageant en roulotte». Ce dénombrement constitue une première étape dans l'élaboration d'une législation applicable aux Tziganes.

Le dispositif législatif et policier qui se met en place peut se résumer en trois points : surveillance, identification et contrôle.

photo identite
Identification
En France, sous la Troisième République, ils étaient assignés à résidence. Durant la Seconde guerre mondiale, une seconde étape intervient au printemps 1940.

Sous Vichy, internés sur ordre des Allemands, nombreux furent les Tziganes qui ont connu les camps français d'internement, parmi lesquels celui du Sablou, situé sur la commune de Fanlac, en Dordogne.

De nouvelles mesures liberticides apparaissent, parmi lesquelles l'assignation à résidence, la détention en centre de séjour surveillé et en camp d'internement.

Durant la Deuxième Guerre mondiale, on estime que la moitié d'entre eux a été exterminée dans les camps nazis, mais leur sort a été pratiquement occulté par le Tribunal de Nuremberg.

La montée du racisme
Les élans nationalistes attisés par la fin de la guerre froide ont réveillé les réflexes anti-Tziganes qui, loin d'être absents sous l'ère communiste, étaient néanmoins contenus par l'autorité de l'État.

Les revendications de "pureté ethnique", les difficultés économiques croissantes et l'insécurité liées au post-communisme se sont liguées contre cette communauté, à laquelle on impute volontiers la responsabilité de tous les maux actuels. Les incidents de nature raciste, notamment les agressions de skinheads, se sont multipliés dans la plupart des pays de l'Europe de l'Est, de même qu'en Europe occidentale.

«A l'époque communiste, seule la police était agressive, aujourd'hui toute la population peut l'être», explique Nicolae Gheorghe, un leader respecté des communautés tziganes. Résultat: certains Tziganes tentent d'affirmer leur identité et de faire valoir leurs droits en tant que minorité, cependant que d'autres cherchent à se fondre dans les groupes dominants.

Sur la route
Sur la route
Certes, les réformes démocratiques d'après 1989 ont entraîné une prise de conscience relative aux droits de l'homme et aux droits des minorités qui peut se révéler à long terme propice aux intérêts des Tziganes et à leur émancipation. L'éclosion d'ONG animées par des Tziganes est un signe révélateur.

Le moteur de ce mouvement n'est autre que la fondation du richissime George Soros : l'Open Society Institute (OSI, Institut pour une société ouverte). En misant sur la formation d'une élite intellectuelle tzigane et en finançant un important réseau d'ONG locales, «l'OSI souhaite que les Tziganes participent à la vie publique et qu'ils deviennent partie prenante aux décisions les concernant», explique Rumyan Rusinov, un jeune directeur de l'Institut qui incarne cette nouvelle élite rodée aux paramètres de la bonne gouvernance à l'occidentale. Il faut dire que nombre d'ONG tziganes ne sont pas des modèles de gestion et de transparence comptable...

Chassés par la guerre en ex-Yougoslavie
"Fils du vent, éternels errants", les Tziganes ont payé un lourd tribut lors des différents conflits qui ont déchiré l'ex-Yougoslavie.
Camp
Campement de fortune
Durant le conflit du Kosovo, les Tziganes ont été pris entre deux feux. Entre 1998 et 1999, ils ont dû abandonner leurs maisons au moins à trois reprises: en 1998, suite aux affrontements entre la police serbe et l'armée de libération du Kosovo (KLA); lors de l'intervention aérienne de l'OTAN dès mars 1999; enfin, en juillet 1999, par crainte des représailles de la KLA. Le problème majeur est aujourd'hui le retour et la récupération des biens perdus.
Jean-François Berger
Rédacteur en chef du magazine Croix-Rouge - Croissant-Rouge.

Sites à voir :

Dépêches tsiganes
Regards d'enfants du voyage
Tziganes, la nation invisible
Tziganes, blog de secours

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Fête gitane

Le joyeux avenir qui nous attend
Le monde délicieux oû nous vivons

 

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